• Agriculture : que deviennent les producteurs d’huile d’olive de l’Entre-deux-Mers et du Sud-Gironde ?

    Agriculture : que deviennent les producteurs d’huile d’olive de l’Entre-deux-Mers et du Sud-Gironde ?

     

    Agriculture : que deviennent les producteurs d’huile d’olive de l’Entre-deux-Mers et du Sud-Gironde ?

     

    C’est l’heure de la récolte dans les oliveraies. La trituration va débuter début novembre pour Fabien Bougès aux Esseintes et Bernard Saïn à Aillas. Les deux producteurs ont investi dans des moulins modernes et proposent au grand public de venir transformer ses olives

    L’heure de la récolte a sonné pour le viticulteur de l’Entre-deux-Mers Fabien Bougès, propriétaire de 35 hectares de vignes bio près de La Réole. Vendanges tardives ? Non, le raisin est déjà dans le chai. L’agriculteur a une autre mission : ramasser les fruits de ses 540 oliviers plantés en 2021. « Nous avons senti à partir de 2020 que le marché du vin était en train de plonger. Il fallait se diversifier », rembobine le producteur âgé de 40 ans.

    Son épouse Élise a lancé un élevage avicole avec 300 poules pondeuses. Un chiffre qui devrait doubler l’an prochain. En parallèle, le couple a parié sur l’oléiculture « pour ne pas mettre tous les œufs dans le même panier » : « j’ai repris l’exploitation viticole de mes parents en 2018. Je vends mon vin bio à la cave de Mesterrieux. Les prix s’effondrent dangereusement depuis quelques années. Je vends mon vin deux fois moins cher que mes coûts de production », calcule le père de famille. Pour survivre, Fabien Bougès « décapitalise » en vendant ses terres.

    Fabien Bougès est encore en phase expérimentale. Certaines variétés s’adaptent mieux que d’autres au climat de l’Entre-deux-Mers.Fabien Bougès est encore en phase expérimentale. Certaines variétés s’adaptent mieux que d’autres au climat de l’Entre-deux-Mers.

    A. D.
    « On vit au jour le jour en se disant que les derniers qui resteront pourront peut-être vendre du vin à un prix décent »

    Un produit haut de gamme

    Le vigneron n’a pas voulu prendre la première vague d’arrachage primé l’an dernier. « J’y croyais encore un peu, je me suis trompé. » Il sera contraint de prendre la seconde cet hiver. « Je vais arracher 8 hectares de vignes (avec une prime de 4 000 euros/ha), on mettra des oliviers et des poules dessus et on vendra le reste. Il ne faut plus penser à la retraite ou aux générations futures. On vit au jour le jour en se disant que les derniers qui resteront pourront peut-être vendre du vin à un prix décent. »

    « On travaille comme des fous, on perd de l’argent »

    Le producteur soupire : « on travaille comme des fous, on perd de l’argent. Ce n’est pas normal de voir son père travailler quotidiennement sur l’exploitation alors qu’il est à la retraite. Ce n’est pas normal de ne jamais aller chercher ses filles à l’école ou de partir en vacances. »

    Le marché du vin est malade. Et celui de l’huile d’olive ? « On espère vendre dans quelques années un produit haut de gamme en circuit court. »

    Certaines variétés sont plus adaptées que d’autres au climat girondin. Je pense au cailletier, à la picholine ou au bouteillan

    Fabien Bougès a produit 30 litres cette année, son premier « millésime ». Il espère doubler la production l’an prochain et monter en puissance à l’avenir. « J’ai investi dans un moulin moderne italien à deux phases d’occasion. J’ai transformé une chambre froide en local de trituration. » Les olives sont broyées en entier. Effeuillage, lavage, malaxage, décantage, etc. Il faut environ 100 kilos d’olive pour produire 15 litres d’huile vierge extra, de grande qualité.

    Choisir les bonnes variétés

    Les producteurs ont planté 14 variétés différentes sur leurs terres à Gironde-sur-Dropt. « Certaines sont plus adaptées que d’autres au climat girondin. Je pense au cailletier, à la picholine ou au bouteillan. » Première règle pour éviter la catastrophe : « il faut un sol drainant. Les oliviers détestent avoir les pieds dans l’eau. » L’oléiculture nécessite quand même des apports d’eau au mois d’août au moment de la lipogenèse, processus qui permet à l’olive de générer de l’huile.

    Le moulin moderne de Fabien Bougès a été acheté d’occasion.Le moulin moderne de Fabien Bougès a été acheté d’occasion.

    A. D.

    Fabien Bougès propose aussi de transformer les olives apportées par les particuliers ou les professionnels du secteur : 75 centimes le kilo pour moins de 100 kilos. Le tarif est dégressif (1). L’oléiculture sera-t-elle la bouée de sauvetage de ce viticulteur ? L’intéressé n’y croit pas : « C’est de la diversification, pas de la reconversion. Si le marché du vin ne se redresse pas, il faudra qu’on trouve un travail à côté. » Le Département de la Gironde compte une trentaine de producteurs d’huile d’olive. Ils font partie de l’association des oléiculteurs de Nouvelle-Aquitaine.

    (1) Le moulin est situé sur l’exploitation familiale aux Esseintes : 06 72 12 08 96. Les œufs sont également proposés à la vente.

    Arboriculteur retraité originaire du Sud-Est, Bernard Saïn cultive 1,5 hectare d’oliviers à Aillas, en Sud-GirondeArboriculteur retraité originaire du Sud-Est, Bernard Saïn cultive 1,5 hectare d’oliviers à Aillas, en Sud-Gironde
    Archives Jérôme Jamet

    L’oliveraie d’Aillas

    Arboriculteur retraité originaire du Sud-Est, Bernard Saïn cultive 1,5 hectare d’oliviers à Aillas, en Sud-Gironde. La récolte a déjà débuté pour ce moulinier de la 5e génération. « Je vais mettre mon moulin en route le 5 novembre », annonce le responsable de l’oliveraie d’Aillas (une page Facebook existe). Comme son collègue du Réolais, il propose des prestations aux particuliers qui voudraient transformer leurs olives en huile. Bernard Saïn a produit 50 litres l’an dernier et espère multiplier par 6 ou 7 ce volume l’an prochain. « Nous sommes en phase de test. Il faut trouver les bonnes variétés adaptées au climat girondin et modifier les dates de récolte. » L’arboriculteur compte ouvrir une boutique sur son exploitation. « J’ai de nombreuses demandes de restaurateurs et d’épiceries également. » Mais il ne croit pas à une production miracle. « Je ne pense pas que l’huile d’olive sauvera les viticulteurs. Se diversifier : oui. Se reconvertir : j’ai du mal à y croire. »
     
     
     
     
     
    « « On fait ça par passion » : La récolte du safran en Gironde, un savoir-faire rare pour une épice précieuseMacron au Maroc, le pari du donnant-donnant avec Mohammed VI »