• « On fait ça par passion » : La récolte du safran en Gironde, un savoir-faire rare pour une épice précieuse

    « On fait ça par passion » : La récolte du safran en Gironde, un savoir-faire rare pour une épice précieuse

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    Avec un peu de retard cette année, elles sont enfin sorties. Les petites taches violettes passent presque inaperçues au-dessus des buttes recouvertes d’herbe verdoyante. Pourtant, les fleurs de la plante bulbeuse « Crocus sativus », plus communément appelées « safran », sont prêtes à être cueillies et, ce lundi 21 octobre au matin, la récolte annuelle peut débuter.

    « Les fleurs ont été capricieuses à cause des tempêtes et de l’excès d’eau. Elles ont attendu d’avoir un peu plus de soleil pour sortir », analyse Lauriane Gouyon, devant sa safranière. Depuis onze ans, l’agricultrice de 38 ans produit l’épice, sous certification biologique, dans la ferme familiale à Nérigean, dans le Libournais. Le tout, en parallèle de sa production de baies de Goji, de poivre de Sichuan et de vignes. « On voulait diversifier nos cultures et puisque nous ne faisons pas de vinification, nous avions le mois d’octobre de libre. Vu le contexte viticole actuel, c’était une bonne décision »,

    Lauriane, son mari et de sa sœur, produisent 500 grammes par an.Lauriane, son mari et de sa sœur, produisent 500 grammes par an.

    GUILLAUME BONNAUD / SO
     

    Majoritairement exporté d’Iran, premier producteur mondial, la culture du safran se fait rare en France. En Gironde, elle est presque inexistante, et Terr’a Safran, la production de Lauriane, en est l’exception. Avec 1 500 m² au départ, elle travaille à présent sur une plantation de 5 000 m², aux côtés de son mari et de sa sœur, et produit 500 grammes par an, vendus aux restaurateurs et particuliers. La cueillette durera trois semaines et marque le début d’un processus laborieux afin de produire cette épice, la plus coûteuse au monde.

    Fleurs éphémères

    Équipée de bottes et d’un panier à clapet - pour ne pas que les fleurs ne s’envolent avec le vent - Lauriane arpente la safranière. « Il faut avoir de l’endurance car on fait des kilomètres », lâche-t-elle avant de se baisser, cueillir une fleur du bout des ongles, se relever… Et rebelote. “Il ne faut pas avoir peur d’y mettre les mains ! », poursuit avec entrain la productrice.

    Lauriane est munie d’un panier à clapet pour ne pas que les fleurs ne s’envolent avec le vent.Lauriane est munie d’un panier à clapet pour ne pas que les fleurs ne s’envolent avec le vent.
    GUILLAUME BONNAUD / SO
     

    Les bulbes, en terre pendant cinq ans, sont plantés en été, fleurissent au mois d’octobre et entrent en dormance du printemps à l’été. Pour que la fleur puisse s’en échapper, il est nécessaire d’obtenir trois pluies successives et d’atteindre une différence de température entre le jour et la nuit de 10 degrés. « Si le filament rouge dépasse de la fleur, c’est qu’elles peuvent être ramassées », précise Lauriane.

    Mais pas le temps de s’éterniser, il faut faire vite. « Elles sortent quand on a le dos tourné ». La fleur éphémère et doit être cueillie chaque matin, avant qu’elle ne fane, ne fasse dévorer par les limaces, ou butiner par les abeilles, ce qui risquerait de faire tomber ses si précieux stigmates rouges.

    Le filament rouge est la seule partie qui sera gardée, une fois le processus de production terminé.Le filament rouge est la seule partie qui sera gardée, une fois le processus de production terminé.
    GUILLAUME BONNAUD / SO

    Méconnaissance

    Une fois le ramassage réalisé, place à l’émondage. Contrairement au safran iranien, dans lequel la partie blanche, à l’extrémité du pistil, est gardée, les filaments, au nombre de trois par fleur, sont coupés manuellement à leur base. « Il faut être très méticuleux », spécifie la productrice, les doigts tachés de pollen. Les stigmates sont ensuite séchés dans un déshydrateur - une demi-heure par gramme - puis stockés dans des bocaux pendant un mois. C’est ainsi que se développe l’arôme.

    Avec les doigts, la productrice coupe les filaments à leur base. Avec les doigts, la productrice coupe les filaments à leur base.
    GUILLAUME BONNAUD / SO

    Après cela, « l’or rouge » est prêt à être vendu. En fonction de la taille du filament, il faudra entre 150 et 200 fleurs pour produire un gramme de safran, vendu 35 euros, soit 35 000 euros le kilo. Son prix élevé s’explique de par la complexité de sa récolte et sa courte période de floraison. Les 500 grammes annuels vendus par Terr’a Safran représentent 30 % de leur chiffre d’affaires et sont transformés à un tiers en produits dérivés faits maison (sel fin au safran, confiture poire-safran, sirop de safran…) et deux tiers destinés à la vente en filaments.

    Séché, le safran est ensuite transformé en produits dérivés ou vendu en filaments. Séché, le safran est ensuite transformé en produits dérivés ou vendu en filaments.
    GUILLAUME BONNAUD / SO

    « C’est très concentré : avec un gramme, on peut réaliser une paella pour 100 personnes et avec un dixième de gramme, pour dix personnes », image Lauriane. Les ventes se portent bien pour la productrice qui projette de développer davantage sa clientèle locale et de gagner en surface cultivable. « C’est valorisant comme travail, on fait ça par passion. À partir de petites fleurs, on arrive à faire un joli produit derrière, sourit celle qui espère informer davantage sur les usages gastronomiques du safran. Il y a une réelle méconnaissance autour de son utilisation. » Pour le déguster au mieux, il est indispensable de faire infuser les filaments au moins deux heures dans l’eau, du lait ou de la crème. « C’est très important car, sinon, il va brûler à la cuisson ». Utilisable dans les soupes, cocktails, ou desserts… « On peut le mettre à toutes les sauces » et, il se garde trois ans.

     
     
     
     
     
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