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Bordeaux : absentéisme, effectifs du cabinet, cadeaux aux Girondins… La gestion de la mairie auscultée par la Chambre régionale des comptes
Bordeaux : absentéisme, effectifs du cabinet, cadeaux aux Girondins… La gestion de la mairie auscultée par la Chambre régionale des comptes
La Chambre régionale des comptes a examiné sept années d’exercice de la mairie bordelaise depuis 2017. Si les finances sont globalement saines, plusieurs points sont à améliorer selon les magistrats financiers
C’était un rapport attendu. Le dernier cru de la Chambre régionale des comptes (CRC) concernant la Ville de Bordeaux, présenté ce mardi en conseil municipal, couvre sept années d’exercice depuis 2017. Trois maires pourront donc, selon les cas, revendiquer les bons points ou tenter de partager avec d’autres le poids des observations les plus encombrantes.
1 Quarante-six jours d’absence par an et par agent
Sujet éruptif dans la fonction publique, l’absentéisme frappe lourdement la capitale girondine, au-delà des collectivités de taille comparable. Selon la CRC, l’absentéisme coûterait chaque année à la Ville plus de 9 millions d’euros, ce qui équivaut à 300 équivalents temps plein. En moyenne, l’absentéisme global (arrêts maladie, accidents du travail, congés maternité…) représentait, en 2022, quarante-six jours par an et par agent, relèvent les magistrats financiers. Plus inquiétant encore, cet absentéisme global ne cesse d’augmenter puisqu’il était de « seulement » trente-six jours en 2017.
La commune, qui assure être en train d’inverser la tendance, estime que « la mutualisation des fonctions ressources » en 2016 a accru la proportion de métiers exposés à des facteurs de pénibilité. « Aucun élément probant n’a cependant été communiqué quant à une proportion différente de ce type d’emplois au sein des autres collectivités de la strate », tacle la CRC.
2 Le cabinet du maire déborde
Quatre-vingt-quatorze personnes sont aujourd’hui rattachées au cabinet du maire. C’est beaucoup trop, estime la CRC. Le plafond de collaborateurs de cabinets, soit des personnes que le maire peut librement recruter pour l’accompagner en tant que chef de l’administration locale et responsable politique, s’élève selon la loi à… sept personnes pour les villes de la strate de Bordeaux !
Mais, dans son organisation, la mairie a rattaché pléthore d’agents sous l’autorité directe du directeur de cabinet en intégrant plusieurs directions au cabinet. Pour la CRC, cette anomalie, en vigueur depuis au moins 2017, ne se réduit pas à une simple écriture d’organigramme mais pose la question de l’étanchéité entre le pur politique, relevant du cabinet, et l’activité institutionnelle des agents, relevant du directeur des services (DGS). « Cette organisation, qui soustrait à l’autorité hiérarchique du DGS un grand nombre d’agents, consiste à affecter des ressources directement à la main du maire », redoutent les magistrats financiers.
Longtemps restée en zone grise de la vie publique, la question des cabinets d’élus intéresse désormais la justice pénale. Récemment, le président de la Région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset a été mis en examen par un juge d’instruction qui suspecte que des collaborateurs aient participé à sa campagne électorale. Par ailleurs, le 29 mars 2023, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Christian Favier, le président du Département du Val-de-Marne, pour détournements de fonds publics en ayant dépassé le plafond de collaborateurs de cabinets qu’il avait même affecté à ses vice-présidents.
Dans sa réponse, le maire de Bordeaux a promis de « prendre en considération » la recommandation de la CRC.
3 Un cadeau aux Girondins
La situation n’est pas nouvelle. Mais l’habitude ne vaut pas quitus, pointe la CRC, qui déplore la faiblesse de la redevance perçue par la Ville de Bordeaux pour l’occupation du domaine du Haillan. Il est notoire que ce n’est pas la Ville qui a ruiné le club des Girondins : en ne demandant que 25 000 euros par an au club qui dispose du château, de chalets, vestiaires, salle d’entraînement ou centre d’hébergement, la Ville lui a même fait un joli cadeau.
D’autant qu’elle garde à sa charge les grosses réparations, l’entretien des terrains… En tenant compte des travaux réalisés par le club, la redevance recommandée s’établirait à… 212 746 euros. Soit huit fois plus que celle portée dans la délibération du 9 juillet dernier (28 415 euros), renouvelant pour un an encore des conditions aux petits oignons pour le club de la ville qui, certes, ne vit pas ses plus grandes heures en ce moment.
4 La commune mauvaise payeuse
Travailler pour la Ville de Bordeaux n’est pas un gage de sérénité pour les entreprises. Si le délai légal maximum entre la réception d’une facture et le paiement par une collectivité est fixé à trente jours, la Ville de Bordeaux le surpasse allègrement depuis 2020. Le délai de paiement global atteignait, en mai 2023, quarante-et-un jours et demi. Et, s’agissant des commandes d’investissement, il atteignait soixante-huit jours à cette même date dans la capitale girondine. La Chambre pointe une responsabilité mixte des services de la Ville et des finances publiques, entre complexité administrative et manque de prise en compte de cette question pourtant connue de longue date. Entre 2020 et 2022, la Ville s’est exposée à 3,5 millions d’euros d’intérêts moratoires, a calculé la CRC, qui appelle la collectivité à poursuivre ses efforts en lien avec le comptable public.
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