• « C’est un échec d’arrêter comme ça » : la discothèque La Plage à Bordeaux capitule et ferme, la fin d’une époque

    « C’est un échec d’arrêter comme ça » : la discothèque La Plage à Bordeaux capitule et ferme, la fin d’une époque

     

    « C’est un échec d’arrêter comme ça » : la discothèque La Plage à Bordeaux capitule et ferme, la fin d’une époque

     

     

    Dépité, le patron de ce qui fut l’une des plus vastes boîtes de nuit d’Europe en centre-ville de Bordeaux renonce à maintenir son établissement dans le quartier Euratlantique

    Quai de Paludate, dans le quartier de la gare Saint-Jean, la fête jusqu’au lever du soleil s’apprête à s’achever définitivement. Figure de la vie nocturne bordelaise, Patrick Lalanne a confirmé la fermeture de sa discothèque La Plage qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. « Je dis stop, c’est moi qui ai décidé d’arrêter, je n’arrive pas à m’épanouir personnellement. […] C’est un échec d’arrêter comme ça, ce n’est pas un beau final », lâche le patron, l’air dépité au milieu du fouillis de son bureau.

    L’histoire de La Plage est celle d’un énorme succès – « On a gagné de l’argent, on en a profité » –, suivi d’un rapide et vertigineux déclin. En ce sens, l’annonce de sa disparition ne constitue pas une surprise. « On sait tous qu’on n’a pas d’avenir quand on voit ce que le quartier va devenir », confiait Patrick Lalanne à « Sud Ouest » en avril 2013.

    Et pourtant, à cette époque, son établissement ne cessait de grossir. Venant d’absorber ses concurrents, il proposait alors sept salles sur, in fine, plus de 10 000 m². Dans sa période faste, entre 2010 et 2020, le site, ouvert toute la semaine de minuit à 6 heures, tournait avec 140 salariés. Par roulement, il pouvait accueillir en une seule nuit jusqu’à 12 000 personnes.

    Entre 2013 et 2020, La Plage accueillait des milliers de personnes chaque nuit.Entre 2013 et 2020, La Plage accueillait des milliers de personnes chaque nuit.

    Archives Quentin Salinier / SO

    Ancien monde

    Aujourd’hui, l’affluence s’est réduite à 300-400 personnes, estime le patron. La structure s’est réduite à une petite salle. Bar vidé, pistes de danse nues et multiples recoins plongés dans l’obscurité : le reste du bâtiment baigne dans une atmosphère lugubre. Le site, jadis si bouillonnant, est désormais voué à être démoli.

    « Le quartier n’est plus dans le même esprit, on n’est plus à notre place »

    Pendant que se redessinaient progressivement ses alentours, La Plage est restée un lieu agité, très prisé des noctambules (1). Le quartier où elle s’est implantée est situé dans le périmètre d’Euratlantique. Cet établissement public pilote notamment la rénovation urbaine de Paludate, longtemps occupé par une enfilade de discothèques, bars et restaurants. Ceux-ci accueillaient, à partir de 2 heures du matin, le public des bars du centre-ville désireux de festoyer jusqu’au lever du jour.

    En 2005, le quai de Paludate était encore une enfilade de bars, restaurants et discothèques dédiés aux noctambules.En 2005, le quai de Paludate était encore une enfilade de bars, restaurants et discothèques dédiés aux noctambules.

    Archives Stéphane Lartigue / SO

    Le Polux, Quai sud, La Rhumerie, La Fabrik et tant d’autres ont disparu peu à peu, laissant place, aujourd’hui, à des bureaux, des commerces, des services, des institutions culturelles (Meca), des banques et des lieux gastronomiques (La Halle boca dans les anciens abattoirs). « Le quartier n’est plus dans le même esprit, on n’est plus à notre place », ne peut qu’admettre Patrick Lalanne.

    Centre d’art contemporain, siège social bancaire, grande halle de restauration… Le quai de Paludate a été radicalement transformé par l’opération de réaménagement Euratlantique.Centre d’art contemporain, siège social bancaire, grande halle de restauration… Le quai de Paludate a été radicalement transformé par l’opération de réaménagement Euratlantique.

    S. D.

    Après la pandémie de Covid, les affaires de La Plage se sont rapidement détériorées. Une bonne partie du lieu, vétuste et en défaut de conformité, a dû être fermée au public. Nécessaires, d’importants travaux n’ont pas été effectués. Dès lors, l’astuce pour Patrick Lalanne a consisté à maintenir une activité via sa société Sultana qui exploite une portion congrue du site. Mais « le chiffre d’affaires est de zéro, ça n’engendre que des frais ». La société La Plage, elle, ne fonctionne plus. Et Patrick Lalanne, qui occupe toujours les lieux, a été exproprié et a reçu une compensation financière.

    Renaissance avortée

    En dernier ressort, avec l’assentiment d’Euratlantique, l’homme de la nuit avait annoncé, en 2021, une réhabilitation de sa discothèque avec la création d’un toit-terrasse et d’une « petite boîte « de 600 m². Il était aussi question d’une galerie marchande gastronome et de bureaux. Dans une interview à « Sud Ouest », Patrick Lalanne tablait sur la fin des travaux « pour la Coupe du monde de rugby » en 2023. Depuis, la France a perdu le tournoi et, à La Plage, rien n’a bougé.

    « Le maintien d’une activité de discothèque plus petite avec un rooftop était en effet envisagé avec des promoteurs, confirme Euratlantique. C’est bien Patrick Lalanne qui a décidé d’y renoncer. » « J’ai attendu, les travaux n’ont jamais commencé, je ne pouvais plus attendre », répond, sans trop de détails, l’intéressé. « On a voulu se débarrasser de moi. » L’enjeu pour lui est désormais de récupérer « un maximum d’argent » sous forme d’indemnités de départ. « En fonction de ce qu’on nous propose, nous verrons si la procédure s’éternise : on fermera peut-être dans un mois, trois mois ou un an. »

    Une grande partie de La Plage n’est plus qu’une coquille vide.Une grande partie de La Plage n’est plus qu’une coquille vide.
    S. D.

    In fine, que deviendra La Plage ? « Dans cette zone, le bâti est très détérioré avec des risques d’effondrement, fait valoir Euratlantique. Nous travaillons pierre par pierre, peut-être une partie du lieu sera-t-elle conservée… » Quant à Patrick Lalanne, il jure vouloir créer une nouvelle discothèque, mais surtout pas « à l’intérieur de l’agglomération de Bordeaux ».

    (1) En 2018, la préfecture avait imposé quinze jours de fermeture administrative à la discothèque « en raison d’atteintes répétées à l’ordre public ».

     

     
     
     
     
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