• « Ça tombait aussi du côté des Capucins, c’était affreux » : en 1940, Bordeaux sous les bombes

    « Ça tombait aussi du côté des Capucins, c’était affreux » : en 1940, Bordeaux sous les bombes

    « Ça tombait aussi du côté des Capucins, c’était affreux » : en 1940, Bordeaux sous les bombes

    À l’occasion des 80 ans de la Libération et de la naissance de « Sud Ouest », les derniers témoins racontent leurs souvenirs de cette époque. En 1940, Jean-Gérard Daulouet avait six ans : les bombardements de Bordeaux l’ont marqué à jamais

    Au mois de mai 1940, la « drôle de guerre » prend fin brutalement avec l’offensive allemande. La déroute de l’armée française met un terme aux illusions d’un pays qui se croyait à l’abri derrière la ligne Maginot. C’est la panique, la « débâcle ». Dans le plus grand désordre, les populations civiles prennent le chemin de l’exode, vers le sud, alors que la Wehrmacht entre dans Paris.

     

    Des centaines de milliers de réfugiés affluent à Bordeaux, où le gouvernement et les assemblées, avec le président de la République et les administrations se replient aussi, alors que les Allemands entrent dans Paris. Pour la troisième fois en 70 ans, la ville va devenir brièvement la capitale de la France, du 14 au 22 juin. Avant d’être à son tour occupée par les nazis, dès la fin du mois de juin.

    Bordeaux sous les bombes

    Pour protéger la population des bombardements ennemis, un réseau de tranchées-abris est mis en place, notamment sur les allées de Tourny et sur différentes places, Quinconces, Pey Berland… Des caves de grande dimension sont également réquisitionnées et des casques de protection contre les gaz commencent à être distribués. On édicte des consignes de camouflage des lumières, les lampes d’éclairage public sont peintes en bleu. Un personnel composé de volontaires et de requis est mis en place sous l’autorité militaire pour prendre en charge la défense passive. Enfin, un service d’alerte par sirènes est créé pour annoncer aux Bordelais l’arrivée de l’aviation allemande, et la nécessité de courir aux abris. Elles vont vite devenir familières aux Bordelais et leur sonorité a marqué la mémoire de l’enfant de six ans qu’était à l’époque un de nos lecteurs internautes, Jean-Gérard Daulouet.

    Une nuit d’épouvante

    Il vivait seul avec sa mère, dans un immeuble, au 53 de la rue Malbec, à Bordeaux-Sud, dans le quartier de la gare Saint-Jean. Un petit appartement de deux pièces, avec cuisine et chambre. A 90 ans, il réside toujours à Bordeaux. S’il dit avoir de nombreux souvenirs de cette période, entre tous, la nuit du 19 au 20 juin 1940, avec ses bombardements, est restée à jamais gravée dans sa mémoire « comme une nuit d’épouvante ». Et il la décrit, comme si c’était hier.

    « À l’appel de la sirène, ma mère m’a couché dans une couverture contre le mur de la cour de notre immeuble,raconte-t-il. Elle refusait d’aller aux abris voisins, car elle y était importunée par des hommes qui avaient échappé à la mobilisation. Nous étions seuls tous les deux, mon père, parti au combat en 1939, avait été fait prisonnier en Allemagne. Le ciel de Bordeaux était devenu rouge, rempli d’éclairs et de fumée, et, dans un bruit épouvantable, la terre tremblait. Les tirs de DCA, qui se trouvaient la place des anciens abattoirs [la place André Meunier, NDLR], en face de l’ex école de Santé navale, claquaient. Les bombes sont tombées au bout de la rue Peyronnet, là où sera construit le centre André Malraux, à 300 mètres de chez moi. Ça tombait aussi du côté du marché des Capucins, c’était affreux ! ». On imagine l’effroi du petit garçon, couché dans son coin, blotti sous sa couverture…

    Le bilan officiel de ce bombardement sera de 63 morts et 185 blessés.

    Cette nuit-là, 22 tonnes de bombes ont été lâchées par la Luftwaffe sur le centre-ville de Bordeaux. Douze d’entre elles sont tombées dans le quartier de la gare Saint-Jean, particulièrement visé, où habitaient Jean-Gérard Daulouet et sa mère. Les Allemands cherchaient à terroriser la population, mais aussi, on le saura plus tard, à empêcher le départ du torpilleur Lansquenet qui s’apprêtait à prendre le large depuis les Bassins à flot. Le bilan officiel de ce bombardement sera de 63 morts et 185 blessés. Mais selon l’historien Albert Rèche, d’autres corps seront retrouvés beaucoup plus tard dans les décombres, si bien que le nombre de décès a probablement dépassé les 80. Pour les Bordelais, c’était le vrai début de la guerre.

     

     
     
     
     
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