Cinq jeunes jugés à Bordeaux pour meurtre : jusqu’à trente ans requis après « la mort d’un retraité sans histoires »
Au quatrième jour du procès de cinq jeunes jugés pour le meurtre barbare d’un paisible retraité, le 10 avril 2021 à Floirac, l’avocat général a requis des peines de douze, quatorze et trente ans de réclusion criminelle
« Je m’appelle Pierre Sourgen. Je ne vis qu’à travers les mots de mon épouse adorée et ceux de mon avocat. » Quand il prend la parole pour sa plaidoirie de partie civile, ce 13 novembre, Me Stéphane Guitard redonne vie quelques instants à ce paisible retraité floiracais, tué à coups de poing et de pied, le 10 avril 2021 dans des parties communes de sa résidence. « Des faits gratuits d’une atrocité incroyable », selon l’avocat, qui valent à cinq jeunes d’être jugés depuis le 7 novembre par la cour d’assises de la Gironde.
L’accusé principal, Romain Barros, comparaît pour meurtre. Trois autres sont jugés pour complicité de meurtre, parce qu’ils ont participé à une avalanche de coups dont on ne sait pas lequel a été mortel. Une jeune fille, restée passive face aux événements, doit quant à elle répondre de non-assistance à personne en danger.
Selon les accusés, tout serait parti d’une remarque déplacée du sexagénaire à la jeune fille de ce groupe, qui venait squatter le local pour boire et fumer en faisant fi des obligations liées à la crise sanitaire.
« Tuerie collective »
« À 68 ans, il avait un discours de son âge, il ne disait pas : ‘‘Toi, t’es gavé bonne’’. C’est immonde de dire ça encore aujourd’hui, de venir salir sa mémoire », gronde Me Guitard. Relisant des témoignages élogieux, l’avocat veut au contraire croire que Pierre Sourgen est parti sans agonie, « avec le sentiment du devoir accompli. Sentimentalement, amicalement et professionnellement. »
« Ils ont fracassé son crâne au sol comme on écrase une noix »
« Ce dossier, c’est la mort pour rien d’un retraité sans histoires », estime l’avocat général, Alain Pellegry. Il décrit « un comportement non humain », « un meurtre barbare d’une sauvagerie inouïe », « une jouissive et barbare tuerie collective », « un massacre perpétré par quatre individus écervelés de familles à problèmes, en marge voire aux crochets de la société ». « Ils ont fracassé son crâne au sol comme on écrase une noix », résume-t-il.
« Ils ont fui leurs responsabilités jusque dans leur absence d’empathie », soupire l’avocat général. Quand il a été retrouvé ainsi défiguré et ensanglanté, Pierre Sourgen « était revêtu du bleu symbolique de travail, aux antipodes du comportement toxique, violent, parasite des accusés. Il aurait pu être n’importe lequel d’entre nous. Ce dossier doit servir d’exemple, il a un intérêt sociétal. »
« Jugés comme coauteurs »
Les mots, toujours corrects, sont durs, pesés, gorgés de colère contenue et d’indignation. Romain Barros, « qui a fait de la violence un mode de vie et d’expression », « a excité et incité les trois à participer au lynchage. Et eux, même s’ils ont une implication moindre, ont porté des coups. Ils doivent être jugés comme coauteurs, il faut écarter toute autre qualification juridique qui viendrait amoindrir leur peine », pose Alain Pellegry.
Le magistrat requiert trente ans de réclusion criminelle et une peine de sûreté des deux tiers contre Romain Barros, suspecté d’avoir eu un rôle central. Il demande quatorze ans de réclusion contre les deux jeunes qui ont, pour l’un, bloqué le passage de la victime qui voulait fuir, et pour l’autre, fait une balayette qui l’a fait chuter au sol ; et douze ans contre le dernier qui a aussi frappé le sexagénaire. Il requiert enfin de six mois à un an de sursis contre la jeune femme. Le verdict est attendu vendredi 15 novembre.