• "Côté Ghetto", un livre sidérant sur les homicides à Los Angeles

    "Côté Ghetto", un livre sidérant sur les homicides

    à Los Angeles

      14h32 , le 23 novembre 2017

    LA VIE EN NOIR - C'est un tourbillon de chiffres et de noms. De cadavres ou de disparus. Noires pour la plupart. Mais il n'y a qu'une chose à retenir: à South Los Angeles, territoire des gangs, tout le monde s'en fiche. Ou presque. "Côté Ghetto", de la reporter américaine Jill Leovy, livre un document sidérant de journalisme littéraire.

    Jill Leovy publie "Ghetto Noir".

    Jill Leovy publie "Ghetto Noir". (DR)
     

    Tout est parti de son blog, The Homicide Report, qu'elle a tenu de 2006 à 2008 de tous les crimes de South Central, dans le comté de Los Angeles. L’objectif de Jill Leovy est simple : redonner une identité, à travers  un nom, une photo, une histoire à chacune des victimes de cette hécatombe silencieuse. Un peu à la Weegee, le célèbre photographe américain qui donnât ses lettres de noblesse à la photographie de faits-divers, la journaliste travaille principalement dans sa voiture, une Ford Escort modèle 2001. Elle chronique un millier d'homicides, puis un jour décide d’en faire un livre. Dans la veine de Baltimore d'un certain David Simon.

    Une guerre qui ne dit pas son nom

    Jill Leovy part d'un meurtre, celui de Bryant Tennelle, 18 ans, abattus par balle alors qu’il marchait dans la 80ème rue ouest. En temps normal, sa mort serait venue grossir les statistiques des meurtres et pire de ceux non élucidés. Mais Bryant est un fils de flic. Noir de surcroît. Son père, Wally, du LAPD, est une sorte de radical dans son genre. A l'inverse de ses collègues qui fichent le camp dès qu'ils le peuvent, lui a préféré rester dans son quartier d'origine, dans la 77ème. Le district le plus violent selon les années, et qui englobe sur 28 km2 plusieurs territoires de gangs noirs de la ville des anges. Un autre flic s'empare de l'affaire, John Skaggs, un Blanc. Pas comme les autres, celui-là non plus. Un policier qui laisse sa carte de visite aux mères éplorées, un homme pour qui n'importe quel homicide non résolu est un crève-cœur.

    Une guerre qui ne dit pas son nom se déroule dans cette partie du monde. A l'abri de caméras ou des journaux. Selon les chiffres fournis par le LAPD, de 1986 au premier trimestre 2009, il a eu 16.435 homicides dont 3.133 meurtres d'hommes noirs. A travers le meurtre de Bryant Tennelle, Jill Leovy offre une analyse à la loupe grossissante du fonctionnement du LAPD, la vie dans le ghetto de South Central et la manière dont l'Etat, celui qui a le pouvoir de tuer légalement, laisse la situation pourrir et dégénérer. Mais sous la plume réaliste de Leovy, il y a davantage de démonstration, d'explication que de condamnation. "Mais on ne pouvait pas condamner entièrement les policiers pour leurs fortes réactions émotionnelles face à la violence. La colère que ressentaient beaucoup de ceux du South East était complexe - mêlée d'indignation et d'horreur". Elle conclue néanmoins. "Quiconque s'intéresse aux homicides au comté de Los Angeles, et ailleurs, ne peut pas ne pas voir l'évidence : les hommes noirs, restent de manière disproportionnée, pris pour cibles". De quelque côté que l'on se tourne.

    Ghetto Noir de Jill Leovy, Traduction de Clément Baude, Sonatine Editions, 441 pages, 22 Euros    

    Par Karen Lajon
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