Dix jours, sans nourriture. Sous une chaleur intense. A se marcher les uns sur les autres, dans leurs excréments. Quelque 57 bovins d’origine française auraient vécu une situation infernale alors qu’ils étaient enfermés au premier étage d’un camion de marchandises, selon l’ONG Animal Welfare Foundation. «Chaque année, des membres de cette organisation enquêtent aux portes de l’Union européenne pour constater les terribles conditions dans lesquels certains animaux sont transportés. Cette fois-ci, ils ont compris en discutant avec le chauffeur que des dizaines de bovins étaient dans un état critique à l’intérieur du camion», explique Lorène Jacquet, responsable du pôle Campagnes et Plaidoyers pour l’ONG française Welfarm, qui se fait le relais de la découverte.
Partis de France le 4 mai, les animaux sont envoyés en République tchèque, où ils restent jusqu’au 18 juillet. C’est à cette date que l’exportateur Bohemian Trading décide de les expédier en Turquie. Mais les autorités lui refusent l’entrée dans le pays, les certificats sanitaires des animaux concernant la fièvre catarrhale ovine (FCO), délivrés par la France trois mois plus tôt, n’étant plus valables. Un couac administratif dont les animaux seront les victimes. Au lieu de les renvoyer à leur point de départ, ou a minima de les décharger, comme l’impose le règlement européen sur les conditions de transport d’animaux, le transporteur croate Katanic a préféré abandonner les bovins à leur sort dans le camion.
«Un immobilisme criminel»
«Cette situation, inadmissible, n’est malheureusement pas un cas isolé»,s’émeut Lorène Jacquet. Un milliard de volailles et 37 millions de mammifères transiteraient chaque année dans l’Union européenne, à destination de pays tiers. Parmi eux, environ 117 000 bovins français seraient exportés hors Europe. Le gouvernement français soutient les agriculteurs dans leur objectif d’accroître leurs exportations, au travers d’aides financières. Selon Welfarm, accorder ces aides sans respecter les règles européennes existantes en matière de la protection des animaux pendant le transport constitue un «immobilisme criminel». Pas moins de 7 camions sur 10 auraient été concernés à la frontière bulgaro-turque.
Welfarm réclame la suspension immédiate de toute exportation d’animaux vivants vers la Turquie en raison des fortes chaleurs, qui amplifient la souffrance du bétail durant le transport. A plus long terme, l’ONG estime que «le seul moyen d’éviter que le profit prenne le pas sur l’éthique est d’interdire tout bonnement le transport d’animaux vivants et de le remplacer par celui de carcasses». Certains de ces trajets seraient si peu respectueux du bien-être des animaux que ces derniers, laissés à l’abandon, seraient contraints de manger leurs excréments et de boire leur urine. Des veaux naîtraient parfois sur la route et mourraient piétinés par leurs congénères par manque de place.
Finalement entré en territoire turc samedi, le camion transportant les 57 bovins français devait rejoindre l’abattoir d’Ankara. Un «égorgement sans étourdissement» a semble-t-il été programmé d’urgence à leur arrivée, mais n’avait toujours pas eu lieu lundi selon les informations de Welfarm. Cet épisode n’a visiblement pas chamboulé les priorités du ministère français de l’Agriculture et de l’Alimentation. Trois nouveaux camions d’animaux ont en effet reçu l’autorisation de quitter le territoire en destination de la Turquie jeudi dernier.