• Entre Emmanuel Macron et les députés LREM, une histoire tourmentée

    Maltraitance

    Entre Emmanuel Macron et les députés LREM, une histoire tourmentée

    Le chef de l’Etat a fait peu de cas, depuis quatre ans, des députés de la majorité, qui se doivent avant tout d’être de bons soldats, loyaux et dévoués

    Le président de la République devant les députés de la majorité, à la Maison de l’Amérique latine, en juillet 2018.

    Le président de la République devant les députés de la majorité, à la Maison de l’Amérique latine, en juillet 2018.

    © Capture d'écran BFMTV
     

    L’Assemblée nationale a entamé mercerdi l’examen du projet de loi relatif « à l’adaptation de nos outils de gestion de la crise sanitaire », qui prévoit notamment une extension du pass sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants. Le Premier ministre Jean Castex espère que ce texte contesté sera adopté par le Parlement d’ici la fin de la session extraordinaire et table sur une promulgation « au début du mois d’août ».

    La relation entre Emmanuel Macron et les députés de la majorité – c’est un euphémisme – n’est pas un long fleuve tranquille. Il y eut d’abord, en septembre 2019, cette consigne, lancée sur le ton de l’humour, mais qui a heurté ceux d’entre eux qui ont lu Tocqueville. Après deux premières années durant lesquelles sa majorité avait voté sans barguigner les projets de loi de l’exécutif, le chef de l’Etat a soudainement considéré, tel l’empereur d’Autriche annonçant à Mozart que sa composition comportait « trop de notes », que les députés LREM rédigeaient trop d’amendements. « Il faut maintenant être dans un agenda de réalisation, annonce-t-il à ses troupes, dans les jardins du ministère des Relations avec le Parlement, à la mi-septembre. Ce qui veut dire moins d’amendements et plus de coconstruction en vous associant. » A l’approche des municipales de 2020, « il faut libérer du temps d’amendement au profit du temps de terrain ​», insiste-t-il, préférant voir les députés faire campagne pour la prochaine échéance électorale que perdre leur temps à fabriquer la loi.

    Quelques mois plus tard, en février 2020, les députés de la majorité en difficulté ne pourront guère compter sur le soutien du Président dans la violente polémique qui suit le rejet d’une proposition de l’UDI visant à prolonger le congé de deuil pour le décès d’un enfant. Le chef de l’Etat réclame au contraire « plus d’humanité» à des élus déjà mortifiés, traités de « Playmobil sans cœur » par les oppositions.

    La déception est telle, au sein du groupe LREM, qu’Emmanuel Macron décide, pour se rabibocher, d’inviter sa majorité à l’Elysée quelques jours plus tard. Alors que les primo-députés (pour la plupart d’entre eux) sont renvoyés par les oppositions de gauche et de droite à leur « amateurisme », Emmanuel Macron les encourage : « Si les professionnels, ce sont ceux qu’on a virés il y a deux ans et demi, et que les amateurs c’est vous, alors soyez fiers d’être amateurs ! » Un compliment à double tranchant.

    Conviés à suivre l’allocution (enregistrée) du Président à 20 heures dans la salle des fêtes de l’Elysée, les parlementaires se voient réclamer leur pass sanitaire. Quelques-uns, qui ne sont pas à jour, sont refoulés

    Le 12 juillet dernier, soir de l’adresse d’Emmanuel Macron aux Français annonçant la vaccination obligatoire pour les soignants et le pass sanitaire, est le dernier épisode en date de cette relation tumultueuse. Conviés à suivre l’allocution (enregistrée) du Président à 20 heures dans la salle des fêtes de l’Elysée, les parlementaires se voient réclamer leur pass sanitaire. Quelques-uns, qui ne sont pas à jour, sont refoulés. Marie Guévenoux, déléguée générale adjointe de La République en marche, qui ne devait recevoir sa deuxième dose que le lendemain, a ainsi dû aller en catastrophe faire un test antigénique afin de pouvoir entrer à l’Elysée… ratant du coup l’allocution présidentielle.

    « Trois heures debout ». Dans la salle des fêtes, si un écran a bien été installé pour suivre l’événement, aucun siège n’a été prévu en revanche pour les quelque 200 parlementaires présents, alors que la soirée doit se prolonger, avec un discours du Président. « On est resté trois heures debout, alors qu’on aurait pu regarder son truc tranquillement chez nous en buvant un verre », peste un député. Le député MoDem Jean-Louis Bourlanges, 75 ans, qui éprouve des difficultés à rester longtemps debout, finira par trouver refuge à l’écart du groupe, sur un tabouret de piano…

    La « troupe de boy-scouts », selon le mot d’un participant pour qualifiés les députés empressés ce soir-là autour du Président, a multiplié les selfies. Mais d’autres, plus capés, ont été surpris de voir le chef de l’Etat « se transformer en directeur de campagne », invitant les parlementaires à faire du porte-à-porte pour « expliquer et vendre le bilan ». « C’est la première fois que j’assistais à un lancement de campagne depuis l’Elysée », ironise un député francilien.

    Au fil du quinquennat, malgré ces quelques grands-messes, une certaine distance s’est donc installée entre le chef de l’Etat et les parlementaires de la majorité. Prenant le contre-pied de son prédécesseur François Hollande, Emmanuel Macron avait pourtant décidé, en début de mandat, de les recevoir régulièrement, commission par commission. « On avait régulièrement des réunions à l’Elysée, se rappelle un président de commission à l’Assemblée. Le Covid a été catastrophique, il a rendu tout cela impossible et distendu le lien qu’on avait avec le Président. »

    A moins que ce ne soit les fuites qui ont parfois suivi ces rencontres. En décembre 2017, recevant les 70 députés de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée, Emmanuel Macron affirme, rapporteront certains participants, que l’audiovisuel public est « la honte de la République ». Un mot qui provoque un tollé et que l’Elysée tente de faire démentir dans un premier temps par quelques députés qui ne convaincront personne. Le Président, dans le feu de son verbe, ayant parfois du mal à mesurer ses propos, ces rendez-vous avec les parlementaires seront très vite abandonnés, bien avant l’arrivée du Covid…

    Hémorragie. Depuis 2017, d’amendements retoqués par le gouvernement en procédures accélérées, le chef de l’Etat n’a jamais manifesté un grand respect du travail parlementaire. Un mépris qui a infusé au sein du gouvernement. « Certains ministres pensent qu’on est là pour descendre les poubelles », grommelle un parlementaire. « Il y a une absence totale de reconnaissance et de gestion des compétences des élus », regrette le sénateur LREM André Gattolin.

    « Le péché originel, c’est que Macron a construit sa candidature contre les partis et contre les élus », analyse une députée LREM

    En quatre ans, le groupe LREM a « perdu » 44 de ses membres, soit 14 % de ses effectifs, passant de 314 à 270 membres. Une hémorragie sans précédent pour un groupe majoritaire. Car contrairement au groupe socialiste durant la précédente législature, qui a gardé ses « frondeurs », LREM a laissé partir les députés en mal de considération, qu’ils s’appellent Aurélien Taché, Cédric Villani ou Matthieu Orphelin, refusant de voir s’épanouir le pluralisme en interne. « La contestation a été externalisée, résume un observateur. Tu te soumets ou tu te démets. Macron utilise la Ve dans sa conception la plus verticale. »

    « Le péché originel, c’est que Macron a construit sa candidature contre les partis et contre les élus, analyse une députée LREM. Il a pris le contre-pied du PS : il fallait exclure les parlementaires des instances du mouvement et les mettre au pas à l’Assemblée. »

    Elu sur un discours dégagiste en 2017, le Président sortant ne pourra pas rejouer cette carte-là en 2022. Mais ce n’est pas l’envie qui manque. Lors d’un déplacement dans le Lot début juin, alors qu’un quidam vindicatif lui donnait du « Vous, les politiques… », Emmanuel Macron a eu ce cri du cœur : « Je ne suis pas un politique : je ne faisais pas de politique avant et je n’en ferai pas après ! »

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