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France – All Blacks. « Il faut savoir se réinventer », estime Louis Bielle-Biarrey, l’ailier supersonique de l’UBB
France – All Blacks. « Il faut savoir se réinventer », estime Louis Bielle-Biarrey, l’ailier supersonique de l’UBB
Dans la lignée de son début de saison canon avec l’UBB, l’ailier de 21 ans vient de porter son total d’essais à 8 en seulement 12 sélections. Une efficacité qui pourrait être précieuse au moment de défier les Blacks. Mais il ne s’en contente pas
Vous êtes souvent présenté comme un phénomène. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
J’ai commencé plutôt jeune, c’est peut-être pour ça qu’on dit ça (sourire). Tout est allé très vite pour moi. Mais je n’accorde pas beaucoup d’importance à ce mot-là.
N’avez-vous malgré tout pas franchi un cap cette saison ?
On se trouve bien sur ce début de saison à l’UBB. Individuellement comme collectivement, puisqu’on est en haut de tableau. J’ai marqué, mais j’ai surtout pris beaucoup de plaisir. Je ne pense pas avoir révolutionné un secteur de mon jeu en particulier depuis la reprise. Mais tout mis bout à bout, ça rend de mieux en mieux.
« Je pense être meilleur au poste d’ailier : au niveau international, c’est là que je serai le plus performant »
Vous êtes installé à l’aile, mais vous pouvez jouer à l’arrière et c’est à l’ouverture que vous avez été formé. Que vous apporte cette palette ?
Les postes d’ailier et d’arrière se ressemblent dans le jeu courant à Bordeaux : on a beaucoup de liberté, on nous laisse prendre des initiatives. C’est sur les phases statiques que ça change par rapport au placement. En tant qu’arrière, on a plus de responsabilités sur la conduite du jeu et sur l’organisation du fond de terrain. Je pense que c’est un poste où on doit être plus gestionnaire. Les deux postes sont complémentaires.
À quel poste vous sentez-vous le mieux ?
Je pense être meilleur au poste d’ailier. Au niveau international, c’est en tout cas là où je serai le plus performant. Pour jouer à l’arrière, avec les responsabilités que ça demande, il faut que je gagne en expérience. En cela, jouer à l’aile des matchs de très haut niveau m’aidera à être performant à l’arrière. Il me faut un peu de temps pour être un meilleur arrière.
Qu’aimez-vous dans le poste d’ailier ?
Finir les coups. On touche moins de ballons, mais ils sont très bons. Je prends beaucoup de plaisir à récompenser le travail de l’équipe.
Est-ce une obsession de marquer ?
Franchement, non. Je pense faire partie des ailiers altruistes. En tout cas, je ne me fixe pas d’objectif en termes d’essais. Ce n’est pas ce qui m’anime. Je sais que je peux faire un très bon match sans marquer. Et à l’inverse, je peux être catastrophique et marquer deux essais parce qu’on m’aura fait les deux bonnes passes.
N’a-t-on pas besoin d’un surplus de détermination pour marquer ?
Oui. C’est vrai qu’on a besoin de ça à l’aile. Quand je suis passé du poste d’arrière à l’aile, vers 18 ou 19 ans, je n’avais pas cette mentalité de finir les coups à 100 %.
En équipe de France comme à Bordeaux, on vous pousse à dézoner. Qu’est-ce que ça vous demande ?
C’est une question de lecture. Le raisonnement est assez simple. Quand il n’y a pas d’espace face à nous, c’est qu’il est autre part. Il faut donc aller le chercher. Ça demande de lire les défenses, de faire les efforts. Parce que courir d’une aile à l’autre, ça demande de courir un peu (sourire)… On nous laisse beaucoup de liberté dans les projets de jeu. Si on reste sur notre aile, on n’est pas à notre place.
Louis Bielle-Biarrey a inscrit deux nouveaux essais face au Japon.ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP« Je fais en sorte de m’imprégner de tout ce que je vis m’en servir pour le futur »
Yannick Bru, votre manager à l’UBB, explique que si le poste d’ailier est votre priorité, c’est en prévision de l’équipe de France. L’abordez-vous ainsi ?
Oui. J’ai des objectifs à moyen et à court terme. Si je joue plus à l’arrière à Bordeaux, je serai moins bon à l’aile. Or je ne pense pas qu’en équipe de France je sois une priorité à l’arrière non plus. Pour moi, c’est important de bosser ce poste. Mais je travaille aussi beaucoup le poste d’arrière puisqu’il y a désormais beaucoup de 6-2 (sur le banc, NDLR). C’est important de pouvoir couvrir deux postes.
Noel McNamara, en charge de l’attaque de l’UBB, dit que vous avez progressé au contact de Damian Penaud. En quoi ?
Damian a cette capacité à être dans le bon espace. Il lit très bien les défenses et les rapports de force. Je regarde beaucoup ses déplacements sur le terrain. Ce n’est pas pour rien qu’il marque beaucoup d’essais, il est souvent au bon endroit au bon moment. Il fait aussi beaucoup marquer. Ce qui montre qu’il est toujours dans la bonne zone et pas forcément juste sur son aile. C’est fort, j’essaie de m’en inspirer.
Vos entraîneurs ont coutume de dire que vous vous fixez des objectifs très élevés. Quelle place cela prend-il dans votre quotidien ?
Ça demande d’être exigeant envers soi-même. Sur et en dehors du terrain. Ça nécessite évidemment d’avoir une bonne hygiène de vie, sinon, on le paie forcément tôt ou tard. Sur le terrain, ça veut dire faire des extras, rester plus longtemps. Mais c’est aussi écouter son corps. Si on ne s’entraîne pas assez intelligemment, on ne peut pas être bon le week-end.
Vous avez disputé une Coupe du monde, un Six-Nations et désormais une tournée. Cela a-t-il agi comme un accélérateur de maturité ?
Tout est allé très très vite depuis que j’ai commencé en pro. Je garde une certaine forme d’insouciance. Mais j’essaie de faire en sorte de m’imprégner de tout ce que je vis pour m’en servir pour le futur. J’ai fait plusieurs tournois avec les moins de 20, un Tournoi et une Coupe du monde avec le XV de France, des phases finales avec l’UBB. Tout ça permet d’engranger de l’expérience.
« Il faut savoir travailler autre chose. On ne peut pas être le même joueur à 18 et à 35 ans »
Vous sentez-vous scruté désormais ?
L’effet de surprise joue au début. Mais c’est certain qu’au bout d’un moment, les gens nous connaissent. Il faut savoir se réinventer, travailler autre chose. On ne peut pas être le même joueur à 18 et à 35 ans. C’est pour ça que je songe à développer le poste d’arrière ou mon leadership.
Noel McNamara dit justement que vous progressez dans le leadership. Avez-vous un goût pour ça ?
C’est une demande du staff, j’y adhère. Mais j’aime bien prendre mon temps, ne pas m’imposer. Ce n’est pas parce que j’ai fait une Coupe du monde et un Tournoi que je dois donner mon avis à tort et à travers. Je ne me mets pas trop de pression là-dessus. Mais je dois donner ma vision sur le jeu lorsque c’est légitime. Pour motiver les mecs, il y a des gens plus indiqués que moi.
Vous avez donc vocation à peser sur les choix de jeu ?
À Bordeaux, il y a un groupe pour l’attaque et un autre pour la défense. Je suis dans le deuxième. Max (Lucu), Matthieu (Jalibert) et Romain Buros parlent pour l’attaque. Mais j’ai la même vision qu’eux : donc je ne vais pas les paraphraser. Comme je suis dans le groupe défense, on me demande aussi de prendre la parole. Je le fais à mon rythme, je veux rester fidèle à moi-même. Je ne suis pas quelqu’un qui gueule et qui se laisse emporter par ses émotions.
Votre nom évoque l’attaque. Avez-vous un goût particulier pour la défense ?
Le grand public ne le voit pas forcément, mais les ailiers doivent organiser la ligne en défense, replacer les mecs… Ça me plaît. En plus, dans le groupe défense, on analyse en profondeur les équipes qu’on va jouer. Ça m’aide en match à comprendre leur système de jeu. Vu mon gabarit, il faut que je pense les choses différemment.
En charge de la défense à Bordeaux, Christophe Laussucq dit de vous : « Avec son gabarit de gamin de 12 ans un peu frêle, il s’y colle. »
Depuis tout petit, j’ai cette image. Mais je m’en fous complètement (sourire) : j’ai mes qualités. Ça ne m’empêche pas de savoir plaquer et de faire tomber les mecs. Maxime Lucu n’est pas le plus costaud du monde. Et il fait pourtant 15 à 20 plaquages par match en s’envoyant.
Affronter les Blacks, c’est la promesse de se frotter à des ailiers redoutables…
Depuis que je suis petit, les Blacks, c’est la meilleure équipe du monde. Voire de l’histoire. Un France - All Blacks, ça fait rêver. (Will) Jordan, (Caleb) Clarke, (Mark) Telea, ils ont des jolis clients. Mais jouer des (Chelsin) Kolbe ou (Kurt-Lee) Arendse (les ailiers des Springboks, NDLR), c’est pas mal non plus.
Bielle-Biarrey supersonique
Flash. Louis Bielle-Biarrey fait partie des ailiers les plus rapides du Top 14 : le Bordelais a été « flashé » à 37,8 km/h. Plus parlant encore, puisque plus en phase avec la réalité d’un sport qui privilégie l’explosivité, il efface les 10 mètres en 1’54 seulement. Le fruit de dispositions naturelles, évidemment, mais aussi d’un travail soutenu. « Je m’auto-challenge sur mes temps. Notamment sur 10 mètres et, parfois, sur ma vitesse max. Je n’ai pas envie d’en perdre. » Logique. Pour Louis Bielle-Biarrey, c’est une arme. Mais pas la seule. « Je pense avoir d’autres qualités que la vitesse. »« « Déconstruire les stéréotypes des deux côtés » : aux Aubiers, une rencontre entre jeunes et policiersRencontre croisée - Que savons-nous aujourd'hui des classes populaires en France ? »
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