• Grève des livreurs à vélo : pourquoi le mouvement sera suivi les 2 et 3 décembre à Bordeaux

    Grève des livreurs à vélo : pourquoi le mouvement sera suivi les 2 et 3 décembre à Bordeaux

    Grève des livreurs à vélo : pourquoi le mouvement sera suivi les 2 et 3 décembre à Bordeaux

     

    Trois syndicats appellent les coursiers à la grève à la suite de la nouvelle tarification adoptée par Uber Eats. À Bordeaux, la Maison des livreurs soutient leur mouvement et pointe leurs souffrances physique et morale

    Il est 15 heures, début du moment de creux dans l’interminable journée de travail des coursiers à vélo bordelais. La Maison des livreurs, créée à l’initiative de la municipalité pour leur offrir un lieu où se reposer, commence à se remplir. Entre le baby-foot et un jeu d’awélé (ici, quasi tous sont africains), la discussion du jour tourne autour de la grève à venir : les 2 et 3 décembre, les syndicats CGT livreurs, Union-Indépendants et Sud Livreurs des Plateformes appellent à cesser les « shifts ».

     

    Ici, tous comptent participer à la grève. À l’origine de la colère, un changement du mode de calcul de la rémunération des livreurs par Uber Eats. « Depuis octobre, la tarification a changé, expose Yaya. On gagne moins pour les mêmes courses. Résultat, on est obligé de travailler davantage. »

    Uber Eats défend de son côté « une tarification plus juste », car « basée sur le temps » de livraison et non plus sur la distance. Mais les autres plateformes (Deliveroo, Stuart…) et leurs « rémunérations illisibles » sont aussi montrées du doigt par les syndicats.

    « 9 euros pour 24 km aller-retour… Ce n’est pas possible, c’est une folie ! Et quand tu refuses, la plateforme te déconnecte »

    Dosso détaille ce qui « ne va pas » dans le calcul de sa paie : « seul le trajet chez le client est rémunéré. Pour aller chercher la commande dans le restaurant, ce n’est pas payé. Le retour de chez le client non plus n’est pas décompté. Regardez ce qu’on nous donne : 4 euros pour 10 km aller-retour, 9 euros pour 24 km aller-retour… Ce n’est pas possible, c’est une folie ! Quand tu refuses, la plateforme te déconnecte. »

    Santé dégradée

    Déjà effréné il y a six mois, leur rythme de travail s’est encore accru, disent-ils. « Je bosse tous les jours de 9 heures à 1 heure, pour même pas 50 euros, souffle Joseph. Sept jours sur sept, je passe 14 heures sur mon vélo, sur lequel je parcours 150 kilomètres. Tout ça malgré le froid, la pluie et les accidents. Nous prenons des risques en faisant ce travail. Avant-hier encore, je suis tombé en prenant ma roue dans un rail du tramway. »

    Pour Jonathan L’Utile Chevallier, coordinateur de la Maison des livreurs de Bordeaux, la pression des plateformes est telle que les livreurs sont poussés à prendre les sens interdits ou griller les feux, à oublier la prudence.

    De la question de la rémunération, on glisse vite vers celle de la santé. « Lors des permanences de soins à la Maison des livreurs, une à deux fois par semaine, on constate que les corps sont en souffrance, poursuit-il. Les dos, les mains ; les poumons à cause de la pollution ; les hémorroïdes et les testicules à cause des heures passées sur la selle. »

    La santé psy aussi est en berne. « Ma femme est enceinte, avec mes horaires, je n’ai même pas le temps d’être auprès d’elle », témoigne Joseph. Comme beaucoup de livreurs, il habite dans un squat, dans la périphérie bordelaise – le phénomène avait été documenté par une enquête « data » collective des titres de la presse quotidienne régionale, dont sudouest.fr

    Mobilisation

    La première demande des futurs grévistes : que les plateformes revoient leurs prix. Ils se plaignent aussi d’avoir en face d’eux un algorithme qui décide de tout. « Il suffit de trois plaintes de clients ou de restaurateurs pour que leurs contrats soient résiliés, détaille Jonathan L’Utile Chevallier. Les plateformes se sont engagées à ce que des humains valident ces résiliations – ce qui signifie que ce n’était pas le cas avant – mais chaque fois qu’on demande des précisions, on nous fait une réponse type : ces décisions ne sont jamais motivées. »

    « À Bordeaux, un rassemblement est organisé samedi à 11 h 30 devant le restaurant Mc Donald’s de la Victoire »

    Le coordinateur espère aussi une prise de conscience des clients : « certains font descendre des seaux par leur fenêtre pour que les livreurs y déposent leur commande. D’autres exigent qu’on monte au quatrième étage pour venir les servir jusque dans leur chambre, comme des rois. L’un des livreurs Abdoulaye s’est fait casser la figure par un client à qui il avait refusé de monter sa commande. »

    JosephJoseph

    Gwenaël Badets/ « Sud Ouest »

    Paris, Lyon, Marseille… Mais aussi, dans la région, Bayonne, Pau, La Rochelle, la mobilisation se prépare dans toutes les grandes villes. « Personne ne travaillera ce week-end, les restaurants seront bloqués », escompte Dosso. À Bordeaux, un rassemblement est organisé samedi à 11 h 30 devant le restaurant Mc Donald’s de la Victoire. Le mouvement devrait être suivi indifféremment par les livreurs en règle comme par les nombreux sans-papiers (qui sous-louent des comptes pour travailler).« Parfois, certains les opposent, en expliquant que ce sont les sans-papiers qui font baisser les prix car ils acceptent toutes les commandes », note Jonathan L’Utile Chevallier. Dosso montre son téléphone : « la preuve que c’est faux, c’est que j’ai encore été déconnecté pour avoir refusé des courses qui étaient trop loin pour le tarif imposé ».

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