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La question démographique est au cœur des débats entre Africains et Européens
C'est une matinée comme les autres à la maternité Issaka Gazobi de Niamey. Dans la pièce exiguë qui jouxte la salle de travail, elles sont déjà une douzaine, silencieuses et grimaçantes, à attendre la délivrance. L'une, très faible, est étendue au sol, poitrine découverte. D'autres essayent de reposer leur ventre rond sur un lit déjà bien occupé. Une douce odeur d'encens sature l'atmosphère. "On ne sait pas trop où les mettre, on manque de place", s'excuse presque Barry Ramatou, l'une des sages-femmes en chef. Cette maternité est la plus importante du Niger. La plus débordée aussi. L'année passée, on y a pratiqué 7.200 accouchements, 5.700 césariennes. "C'est un peu à la chaîne, reconnaît le professeur Nayama Madi, la référence de l'obstétrique dans le pays. Mais c'est parce que nous travaillons 24 heures sur 24 et que les autres centres de santé de la région ne sont pas tous fonctionnels."
Sensibilisation dans le village de Dioga
Voilà des années que la planification familiale et la contraception, devenue gratuite, sont érigées au rang de priorités dans ce pays à majorité musulmane. Pour quels résultats? En 2012, le taux de prévalence contraceptive n'était que de 12%. Si des progrès ont été faits, l'objectif de 50% pour 2020 fixé par les autorités semble hors d'atteinte. "Il y a tellement d'autres priorités, la famine, les sécheresses, soupire Jean-Pierre Guengant. Et pour s'attaquer au problème, le personnel formé et motivé manque." En outre, la population nigérienne est encore rurale à 80 %. Difficile de faire de la sensibilisation dans des endroits reculés. Difficile aussi de faire bouger les mentalités qui considèrent encore que les enfants sont source de prospérité. Encore que…
Dioga, un village de brousse à 60 kilomètres de Niamey. Ici, pas d'électricité ni de centre de santé. L'école s'arrête au primaire. L'endroit est un cas d'espèce pour l'ONG Marie Stopes, spécialisée dans la promotion du planning familial. Ce jeudi, elle a envoyé une équipe mobile qu'une ribambelle de gamins accueille. Au centre du village, à l'ombre des arbres, une cinquantaine de femmes l'attendent déjà. En quelques minutes, l'un des cadres de Marie Stopes sort un kit de contraception, un pénis bleu ciel en latex. Préservatifs, stérilet, pilule… Tout y passe. Pas de ricanement dans le public. Juste une attention studieuse à la démonstration.
Par Antoine Malo