Des “funérailles joyeuses”
Rouge pour Bordeaux, vert pour la banlieue
À l’époque, Bordeaux a deux réseaux de tram bien distincts. Le premier, jaune et rouge, circule intra-muros, à l’intérieur des boulevards. Le second, jaune et vert, dessert la banlieue. Un héritage des temps anciens. À la fin du XIXe siècle, conservatrice et méfiante à l’égard de la toute jeune fée électricité, la ville centre avait voulu conserver les chevaux de son tram hippomobile, tandis que les maires de banlieues, avides de modernisation, s’équipaient avec la traction électrique…
Le 8 novembre 1954 au soir, vers 21h30, des Bordelais font la fête pour les deux derniers tramways verts de banlieue qui vont franchir les boulevards bordelais à la barrière de Toulouse, en direction de Léognan et du Bouscat.Ce 8 novembre 1954, quand les deux derniers trams verts quittent la place Bir-Hakeim, vers 21 h, en direction de Léognan et du Bouscaut, les Bordelais leur font leurs adieux en dansant, même s’ils emportent avec eux « pas mal de souvenirs de chasses, de pique-niques et de joyeuses libations sous les frais ombrages du Pont-de-la-Maye », lit-on dans « Sud Ouest » le lendemain. « Un moment encore on a vu leur lumière, entendu leur timbre discret et le grincement de leurs roues sur les rails. Peu à peu, ils furent absorbés par la nuit de Villenave-d’Ornon, qui les engloutit. »
Dernier tramway de Bordeaux le 7 décembre 1958. A l’avant, le wattman, M. Carl Lamy entouré de Jacques Chaban-Delmas, député-maire, M. Moniot, directeur de l’exploitation, M. Bartherotte, directeur du réseau.Quatre ans plus tard, le 7 décembre 1958, quand Chaban, tout sourire, conduit le tout dernier tram, entre la gare Saint-Jean et la place Gambetta, la foule, en liesse, l’accompagne en fanfare. Ces « funérailles joyeuses » n’auront été qu’un au revoir : Bordeaux a retrouvé son tram le 21 décembre 2003. Mais il ne va plus jusqu’à Léognan.