• Renvoyer les OQTF de france

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    Est-il vrai que 700 000 personnes ayant déjà été sous le coup d’une OQTF vivent actuellement en France ?

    Le chiffre agité par l’extrême droite ces derniers jours, déjà brandi par des élus LR ou macronistes, ne se fonde sur aucune statistique officielle et résulte d’un calcul simpliste et erroné.
    publié le 27 septembre 2024 à 10h52
     
     

    C’est un chiffre qui refait surface à la faveur de l’émotion provoquée par le meurtre de Philippine, 19 ans, dont le tueur présumé est un Marocain, déjà condamné pour un viol en 2021, qui faisait l’objet d’une OQTF. Il y aurait en France 700 000 personnes vivant dans le pays tout en ayant déjà été la cible d’une obligation de quitter le territoire. Une décision administrative prise par une préfecture, qui peut viser des étrangers entrés en France de façon irrégulière, d’autres entrés sous couvert d’un visa qui n’est plus valable, ceux qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié, ou encore ceux qui représentent une menace à l’ordre public.

    «Tu les mets dans un avion et tu les laisses là-bas», suggérait, à propos des personnes sous OQTF, Cyril Hanouna dans son émission On marche sur la tête sur Europe 1, tandis qu’un de ses chroniqueurs évoquait «500 000 à 700 000 personnes.» Ce même chiffre a été repris dans les émissions de Pascal Praud, que ce soit dans l’Heure des pros sur CNews, ou dans Pascal Praud et vous, sur Europe 1. A l’antenne de la radio de Vincent Bolloré, le député RN Laurent Jacobelli avait déjà procédé à un exposé similaire, mardi 24 septembre : «Savez-vous combien de personnes qui ont été sous le coup d’une OQTF vivent en France ? 700 000. Certains ont vu leur OQTF être périmée au bout d’un an. C’est ce qu’a cité le Sénat dans une étude récente. Il y a aujourd’hui 700 000 personnes qui ne devraient pas être sur le territoire français. Et parmi [elles], des gens qui ont été condamnés, des multirécidivistes, des gens qui ont fait de la prison, ou qui parfois n’en ont pas fait et auraient dû en faire.»

    On retrouve cette donnée dans la proposition de loi «visant à mieux protéger la société des étrangers clandestins dangereux et à faciliter leur expulsion», déposée jeudi 26 septembre par Laurent Wauquiez et les membres du groupe Droite républicaine à l’Assemblée. Dans leur texte, les députés LR dénoncent la présence sur le «territoire national» d’«environ 700 000 personnes sous obligation de quitter le territoire français ou ayant déjà fait l’objet d’une OQTF».

    Calcul simpliste

    D’où vient cette estimation ? Plusieurs parlementaires l’ont évoquée ces dernières années. En plein examen du projet de loi de finances pour 2023, à l’automne 2022, le rapporteur spécial de la mission «Immigration, asile et intégration», Sébastien Meurant, un sénateur LR passé dans l’escarcelle RN-Ciotti pour les dernières législatives, où il n’a pas été élu, avait mis ce chiffre sur la table lors des discussions en commission : «Selon le député de la majorité Jean-Carles Grelier, il y aurait 700 000 personnes sous OQTF dans notre pays.» Jean-Carles Grelier, alors député Renaissance, avait une semaine plus tôt affirmé dans l’émission Morandi Live sur CNews : «Il y a 700 000 personnes sous OQTF dans ce pays. Où trouve-t-on les moyens, le temps et la possibilité de créer 700 000 places [en centres de rétention administrative] ?» L’élu ne s’appuyait sur aucun document officiel, ni ne donnait l’origine de son chiffre.

    Le député LR Eric Pauget, qui avait soumis une question à ce sujet au ministère de l’Intérieur en novembre 2022, avait donné une statistique à peu près similaire, mais en expliquant cette fois son mode de calcul. «Au cours de la dernière décennie, écrivait-il, ce sont pas moins de 902 954 OQTF qui ont été prononcées, mais seulement 5,6 % d’entre elles ont, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur pour le premier semestre 2021, effectivement l’objet d’un retour. Sauf à considérer le retour en France d’une partie de ces personnes éloignées – et d’ailleurs, combien sont-elles ? –, il y aurait toujours au moins 779 291 personnes ayant fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français qui seraient présentes sur le territoire national», exposait l’élu des Alpes-Maritimes.

    Le nombre de personnes ayant été l’objet d’une OQTF s’obtiendrait ainsi en additionnant les OQTF prononcées ces dernières années, et en y retranchant celles dont on sait qu’elles ont été exécutées. Un calcul simpliste, volontiers jugé saugrenu par les spécialistes. On notera d’abord qu’il n’y a aucune raison (si ce n’est la volonté arbitraire de prendre un chiffre rond) d’additionner les OQTF prononcées sur une durée de dix ans. Pourquoi pas cinq, quinze ou vingt ans ? Ce qui, selon le même calcul, modifierait substantiellement le résultat.

    «Absurde»

    Mais surtout, dans sa réponse, le ministère soulignait que l’estimation des personnes toujours présentes sur le territoire ne saurait reposer sur cette simple soustraction entre OQTF prononcées et OQTF exécutées : «L’appréhension exhaustive des obligations exécutées n’est pas possible en raison des sorties du territoire national qui se font par le franchissement de frontières terrestres. Dans ce cas, l’obligation de quitter le territoire est bien accomplie, mais l’administration n’en a pas connaissance et l’éloignement ne peut dès lors être comptabilisé.»

    Par ailleurs, chaque OQTF délivrée et non exécutée ne peut pas être comptabilisée comme correspondant à une personne physique. «Une même personne peut faire l’objet de plusieurs mesures d’éloignement, par exemple si elle est interpellée à plusieurs reprises au cours de la même année ou si le réexamen de sa situation administrative conduit à prendre une mesure sur un nouveau fondement. Pour autant, il n’y a bien, dans ce cas de figure, qu’une seule personne concernée par ces mesures, et ne pourra être comptabilisé in fine qu’un seul éloignement», précise l’Intérieur. Selon un récent rapport de la Cour des comptessur la seule période 2019-2022, «plus de 43 000 personnes se sont vu notifier plusieurs OQTF». Le calcul aboutissant au résultat de 700 000 personnes vivant en France après avoir été sous le coup d’une OQTF «est absurde», confirme Serge Slama, qui enseigne le droit des étrangers à l’Université de Grenoble.

    Confondre, comme semble le faire le député Jean-Carles Grelier (Modem, ex-Renaissance et ex-LR) à l’origine du chiffre, le nombre de personnes (quel qu’il soit) ayant fait l’objet d’une OQTF avec le nombre de personnes demeurant sous OQTF constitue une autre erreur. Parmi ces étrangers ayant été l’objet par le passé d’une obligation de quitter le territoire, certains ont par exemple pu être régularisés depuis.

    «Faire du chiffre»

    Le débat sur la non-exécution des OQTF rejoint celui sur le très grand nombre d’obligations prononcées en France, parfois de manière abusive. Ainsi, les annulations contentieuses sont régulièrement listées comme une des raisons du faible taux d’exécution de ces décisions. Dans un avis rendu il y a un an, des députés indiquaient que parmi les OQTF prononcées par la préfecture du Rhône, le taux d’annulation contentieuse s’élevait à 13 % ; il était de 27 % s’agissant de la préfecture de police de Paris. Les avocats spécialisés en droit des étrangers déplorent une inflation dans la délivrance d’OQTF, dont le nombre a dépassé les 100 000 décisions annuelles en 2018 et continue d’augmenter depuis. Sommées de «faire du chiffre», les administrations recourent à des «matrices» pour dresser les arrêtés obligeant un étranger à quitter le territoire, et donc «ne prennent que très peu en compte les situations particulières», regrettait Me Claude Coutaz auprès de CheckNews en octobre 2022.

    «Une de mes clientes était sous OQTF alors que ses parents sont nés en France ; une autre était sous OQTF parce que sa carte de résidence était arrivée à expiration et qu’elle était en attente de son rendez-vous pour le renouvellement, expliquait mercredi 25 septembre à Libération une avocate qui assure la défense de nombreux clients en situation irrégulière. On doit ajouter à cela les employés en préfecture qui sont débordés et qui commettent parfois des erreurs.» Les préfectures se reposent dès lors sur les tribunaux administratifs pour en vérifier la recevabilité, et 700 000 OQTF prononcées depuis dix ans (pour reprendre le chiffre cité ces derniers jours) ne sont pas forcément 700 000 OQTF «légales».

    OQTF et délinquance, la grande confusion

    En dernier lieu, la confusion entre les étrangers ayant commis des infractions et les étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF, largement suggérée dans les débats des derniers jours, est trompeuse. Le fait de présenter une menace pour l’ordre public peut être un des motifs de délivrance d’une OQTF. Mais la menace à l’ordre publique n’implique pas nécessairement une condamnation préalable (donc le statut de «délinquant») et constitue une mesure préventive. De plus en plus utilisé, ce motif est largement critiqué par les associations de défense des droits des étrangers.

    En 2022, sur les 134 280 OQTF prononcées à l’encontre des ressortissants issus de pays tiers, 52 162 l’avaient été en raison de l’entrée irrégulière, 4 209 en raison du maintien irrégulier sur le territoire, 25 683 en raison du refus de délivrance ou du non-renouvellement d’un titre de séjour, 36 981 en raison du refus de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, et 9 837 sur le motif de menace pour l’ordre public (à peine plus de 7 %).

    L’OQTF, sans être directement motivée par la menace à l’ordre public, peut toutefois aussi avoir un lien indirect avec celle-ci, notamment en cas d’OQTF pour refus de délivrance de titre, ou de non-renouvellement. D’après la DGEF, 6,8 % des refus de première délivrance de titre de séjour et 13,9 % de ceux de renouvellement le seraient ainsi pour des motifs de menace à l’ordre public. Mais là encore, sans que cela n’implique forcément que les étrangers visés aient été condamnés préalablement.

    EDIT : mise à jour le 28 septembre à 11h05 avec précision sur le motif de «menace à l’ordre public».

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