• Permis de conduire : faut-il instaurer des visites médicales obligatoires ?

    Dans quelques jours, le Parlement européen pourrait voter un texte réformant les modalités d’obtention puis de renouvellement du Permis de conduire...

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    Illustration Blog Auto

    Au mois de décembre 2023, la Commission Transports et Tourisme du Parlement européen, présidée par l’eurodéputée Les Verts Karima Delli, a adopté – par 22 voix contre 21 et 2 abstentions – une proposition de loi visant à rendre obligatoire le passage d’une visite médicale de contrôle des capacités, notamment visuelles, pour l’obtention du Permis de conduire, puis le passage d’une visite périodique tous les 15 ans en vue du renouvellement de ce document.

    Objectif affiché par les eurodéputés : diminuer de manière significative le nombre des victimes de la route, et notamment celui des personnes décédées dont le total s’est élevé à 20 640 dans l’Union européenne en 2022 (dernière année de références consolidées), parmi lesquelles 3 267 sur les routes françaises.

    D’ores et déjà, plusieurs pays membres de l’Union européenne ont mis en place une législation de cette nature, souvent plus contraignante. En l’occurrence, c’est le Portugal qui se montre le plus rigoureux avec des visites à partir de 40 ans qui deviennent bisannuelles dès 75 ans. En Italie, les visites de contrôle sont obligatoires dès 50 ans. En Espagne, en Grèce et en République Tchèque, ces visites – tous les 5 ans – ne sont imposées qu’à partir de 65 ans tandis qu’au Danemark et en Finlande, l’obligation ne survient qu’à compter des 70 ans, les Pays-Bas ayant, quant à eux, fixé l’âge minimal à 75 ans.

    Conscients de la nécessité de légiférer sur un tel sujet, d’autres pays ont également pris des dispositions, mais en faisant un choix quelque peu différent : la Belgique, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie renouvellent le Permis de conduire tous les 10 ans sur présentation d’un certificat du médecin traitant.

    Comme on peut le constater, le Parlement européen ne serait pas particulièrement exigeant s’il venait, dans quelques jours, à valider la nouvelle directive dans les termes votés en Commission. Si tel est le cas, ce texte imposera aux états membres moins disant – c’est hélas ! le cas de la France – une transcription dans leur droit national, mais « probablement pas avant 2027 », a précisé Karima Delli.

    Les visites médicales devraient a minima porter sur un contrôle des capacités visuelles, à charge pour les états d’en définir les modalités et de leur adjoindre s’ils le souhaitent un contrôle des capacités auditives et des réflexes.

    Vivement interpellée par des élus du RN qui l’accusaient de « persécuter les automobilistes » et avant même que les associations d’automobilistes ne se manifestent, Karima Delli a répondu ceci sur le réseau social X le 6 février : « Une simple visite médicale tous les 15 ans, ce n’est pas la mer à boire ; nous en faisons chaque année pour le sport, le travail... C’est un petit geste qui sauve des vies. »

    À ce propos de bon sens, Karima Delli a ajouté ceci : « À tout âge, nos capacités physiques peuvent s’altérer : notre vue baisse, nos réflexes diminuent. L’objectif est d’anticiper ces risques pour les autres et [pour] soi-même. » Une opinion et des constats partagés par nombre de personnalités politiques, à l’image de Raphaël Glucksmann, et de médecins, sur la même ligne que le très médiatique Michel Cymes.

    Nul doute qu’il y ait également beaucoup de nos compatriotes sur la même ligne, qu’ils aient été directement ou pas concernés par l’un de ces drames de la route qui fauchent des existences ou rendent les victimes handicapées à vie par la faute d’un conducteur ou d’une conductrice aux capacités diminuées.

    À cet égard, comment être indifférent au sort de personnes comme Pauline Déroulède ? En 2018, âgée de 28 ans, elle a été fauchée sur son scooter à l’arrêt par un conducteur de 92 ans, incapable de maîtriser son véhicule. Devenue paraplégique, et de surcroît amputée d’une jambe, la jeune femme est, à force de volonté, devenue une joueuse de tennis handisport de haut niveau et milite activement pour que soient rendus obligatoires des tests d’aptitude à la conduite tout au long de la vie, avec une fréquence des contrôles plus élevée à partir de 70 ans.

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    Pauline Déroulède (photo Dauphiné Libéré)

    Le texte que s’apprête à voter (ou pas) le Parlement européen va dans le sens des attentes de Pauline Déroulède et de nombre d’entre nous. Seule réserve : pourquoi tous les 15 ans seulement, surtout lorsqu’on avance en âge ? Et pourquoi l’imposer à des personnes jeunes lorsqu’elles passent le Permis de conduire ? Précisément, cette disposition votée par les eurodéputés en Commission a pour but d’éviter toute discrimination liée à l’âge.

    Non sans raison : n’importe qui peut, en effet, être exposé au cours de sa vie à une diminution de ses capacités à la suite d’un accident ou d’une maladie invalidante. Une périodicité de surcroît alignée sur la durée de validité administrative des nouveaux Permis de conduire au format carte de crédit.

    Mais une périodicité qui ne répond pas à cette évidence : plus on est âgé, plus les risques d’être en incapacité de conduire un véhicule augmentent. C’est pourquoi, même s’il convient de saluer cette indéniable avancée dont il faut espérer qu’elle sera validée par le Parlement européen, il semble nécessaire d’aller plus loin, n’en déplaise aux membres de l’association 40 millions d’automobilistes qui a récemment lancé, au mépris des victimes de la route, une irresponsable pétition intitulée « Touche pas à mon permis ».

    Aller plus loin en gardant l’esprit de la future directive sur l’application à tous de contrôles médicaux réguliers, mais surtout en s’inspirant des modèles en vigueur chez nos voisins latins. Et sans doute faudra-t-il à terme envisager une périodicité encore plus réduite au-delà de 80 ans, possiblement tous les 2 ou 3 ans, pour faire face à l’inexorable diminution de nos capacités à conduire sans risque.

    Contrôle technique des voitures, contrôle physique des automobilistes, deux évidences !

     

     


  • Nouvelle unité addictologie à l’hôpital de Cadillac : « la maladie va être mise en rémission totale via notre soutien »

     

    Nouvelle unité addictologie à l’hôpital de Cadillac : « la maladie va être mise en rémission totale via notre soutien »

     

    Une nouvelle unité addictologie vient d’ouvrir ses portes au sein de l’hôpital psychiatrique de Cadillac, avec à sa tête le docteur Christelle Donon, qui prône une approche psychique pour aider le cerveau à se détourner de l’envie irrépressible de consommer des substances

    Une nouvelle porte vient de s’ouvrir en Sud-Gironde pour soigner les personnes souffrant d’addictions. Une porte d’où les malades peuvent entrevoir l’espoir d’une guérison. Tabac, alcool, drogues, sexe, écran, travail, alimentation ou même sport : l’addiction recouvre de nombreuses dépendances toxiques désormais prises en charge par le nouvel hôpital de jour en addictologie implanté dans les murs du centre hospitalier psychiatrique de Cadillac.

    Ouverte depuis le mois de décembre dans l’ancien bâtiment de l’unité Régnier, le service est dirigée par la psychiatre addictologue Christelle Donon et bénéficie de financements directs de l’hôpital de Cadillac et de l’Agence régionale de santé.

    « La vision très ancienne de l’addiction comme maladie avec laquelle on avait déjà un pied dans la tombe, ce n’est plus d’actualité »

    L’équipe du docteur Donon compte un psychologue et une quinzaine d’infirmiers formés aux nouvelles pratiques de traitement de l’addictologie. « Mon objectif depuis le début a été de construire une équipe extrêmement formée et compétente », souligne la psychiatre. Des recrutements de psychologues, d’éducateurs et de psychomotriciens sont en cours pour permettre à la filière de tourner à plein régime à partir du mois de mars, avec neuf demi-journées par semaine.

    Une approche psychothérapeutique

    « La vision très ancienne de l’addiction comme maladie avec laquelle on avait déjà un pied dans la tombe, ce n’est plus d’actualité. Cette maladie, on sait désormais la traiter extrêmement efficacement », assure le docteur Donon. Formée par le professeur d’addictologie de la faculté de médecine de Bordeaux, le psychiatre Marc Auriacombe, reconnu dans le monde pour « ses travaux révolutionnaires » sur l’approche et la prise en charge de l’addictologie, Christelle Donon prône une approche psychothérapeutique pour se détacher des démons de la dépendance.

    « On dispose de traitements médicamenteux pour l’alcool, les opiacés et le tabac, mais globalement, ce qui est révolutionnaire, c’est la prise en charge psychothérapeutique, c’est-à-dire non médicamenteuse. Le professeur Auriacombe a démontré en 2016 que l’envie de consommer, cette envie irrépressible qui ne dépend pas du contexte et qui nous oblige à consommer alors que l’on ne voudrait pas, peut être évitée grâce à la mise en place d’un travail psychique de diversion, afin de permettre au cerveau de ne pas se focaliser sur cette envie. Pour faire simple, l’addiction est une dérégulation cérébrale d’une partie du cerveau qui contrôle l’usage des objets de plaisir. »

    Stratégies de diversion

    « Les déclencheurs » de cette envie irrépressible, comme l’odeur de la cigarette pour un fumeur, peuvent être communs ou spécifiques à chaque patient. « Le fait d’inventorier ces déclencheurs permet de mettre en place des stratégies d’évitement ou de diversion adaptées à chacun. Aujourd’hui, on a démontré que l’efficacité de cette stratégie est bien plus efficace que les traitements antidépresseurs. On n’est plus du tout dans le paradigme de maladies dont on va mourir. On est dans une prise en charge pour laquelle la maladie va être mise en rémission totale via notre soutien. »

    En plus des consultations individuelles, les patients de l’hôpital de jour participent à de nombreuses activités en groupe, à la fois ludiques, didactiques et motivantes. Des quiz permettent ainsi de repérer les représentations fausses par rapport aux substances. « Le crack, par exemple, qui est de la cocaïne fumée, est une substance extrêmement addictogène et dangereuse dont les patients ne se méfient pas assez. » L’atelier de confection de cocktail sans alcool permet de mettre en place une stratégie de diversion pour apprendre à passer un moment festif sans boire d’alcool. « L’objectif de notre hôpital de jour est de réapprendre un quotidien sans consommation de substance, mais avec tout autant de plaisir et sans les dommages. »

    Contact unité d’addictologie de Cadillac : 05 56 76 51 01, addictologie@ch-cadillac.fr

    « Le crack en pleine montée »

    Faibles niveaux de revenus et d’accès à l’emploi et à la formation, précarité, « ces déterminants bien connus en Sud Gironde et dans l’Entre-deux-Mers que l’on retrouve dans le Médoc poussent à la pathologie mentale, à la dépression, à la précarisation et donc aux addictions », rappelle le docteur Christelle Donon. Au niveau des substances consommées, « le crack est aujourd’hui en pleine montée en Sud-Gironde alors que le territoire est déjà extrêmement consommateur de cocaïne ». En douze ans de pratique à l’hôpital de Cadillac, l’addictologue a pu constater aussi « une explosion des addictions comportementales », c’est-à-dire sans substance. Et de lister les addictions aux écrans, aux jeux, au sport, au sexe ou encore au travail.




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