INTOX. Depuis l’annonce de la baisse de 5 euros des aides au logement (1), le gouvernement patauge de justifications fallacieuses en excuses bidon. Après avoir (à tort) expliqué que cette baisse figurait noir sur blanc dans le budget voté sous le quinquennat précédent, la majorité tente de nuancer l’impact de cette hausse par la baisse des loyers. Ainsi Aurore Bergé, porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée, ce vendredi matin sur RFI : «En tout cas, ce qui est sûr, c’est que pour cette rentrée, la baisse moyenne des loyers sera supérieure à la baisse des APL, donc les gens ne devraient pas le subir, pas le sentir à la fin du mois.»

DESINTOX. L’agenda réserve parfois des surprises bienvenues. Et la majorité, engluée dans son annonce des APL, a dû accueillir avec un gros «ouf» de soulagement l’annonce faite par l’observateur des loyers Clameur, le 5 septembre, d’une baisse de 0,6% des loyers en août (en glissement annuel). La baisse est même un peu supérieure concernant la relocation, avec une chute de 0,8% des loyers en août (toujours en glissement annuel). Cette chute, selon l’étude, n’est pas tant due à l’encadrement des loyers qu’à «l’atonie de la demande». Pour un loyer de 900 euros, la baisse de 0,6% correspond à 5,4 euros. Bingo ! Sauf que raisonner sur une moyenne n’a pas beaucoup de sens. Et si on peut affirmer que les 6,5 millions de bénéficiaires des aides au logement vont bien se voir appliquer le rabot de 5 euros, il est mensonger de suggérer que tous ont bénéficié d’une baisse équivalente ou supérieure de leur loyer.

Primo, le calcul fait par Clameur s’effectue sur la base des nouvelles locations ou relocations, et ne concerne évidemment pas les baux en cours. Un locataire demeurant dans le même appartement depuis deux ans n’est évidemment pas concerné (par la baisse de son éventuelle APL, oui).

Deuzio, cette baisse moyenne dépend aussi de la taille des logements. Et si elle est plus forte pour les grandes surfaces (-1,7%), elle est en fait quasi imperceptible pour les petites surfaces (studio et une pièce) qui sont stables (0,1%). Or une majorité d’étudiants (ils sont 800 000 à bénéficier des APL) vivent dans des petites surfaces.

Tertio, la baisse moyenne ne tient pas compte des spécificités géographiques. Dans certaines villes, les loyers ont baissé, dans d’autres, ils ont augmenté (à Lyon par exemple).

Enfin, la baisse de loyer moyenne établie par Clameur ne concerne que le parc privé, seul champ d’étude de l’association. Or un tiers des bénéficiaires des aides au logement (environ 2,2 millions sur 6,5 millions, selon l’Union sociale de l'habitat) vivent dans le parc public. Les loyers des HLM sont fixés en fonction de l’indice IRL, qui a certes stagné ces dernières années (d’où une relative stabilité des loyers), mais est reparti à la hausse en 2017.

Autant de raisons pour lesquelles le nouvel argument dégoté par la majorité n’a guère de sens.

(1) La baisse concerne l’ensemble des allocations logements, l’Aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement à caractère familial (ALF) et l’allocation de logement à caractère social (ALS).

Cédric Mathiot