• Surveillance : à Nice, chez les accros de la cam

    Le 6 février au centre de supervision urbain. En 2019, 1 630 vidéos ont fait l’objet d’une réquisition judiciaire.

     

    Depuis 2010, le centre de supervision urbain créé par Estrosi scrute les rues jour et nuit, avec des méthodes aux frontières de la légalité. Ce laboratoire sécuritaire a été plébiscité samedi dernier par Jean Castex.

    Le mur d’écrans a été posé contre les fenêtres, si bien qu’il est impossible d’apercevoir le monde extérieur de ses propres yeux. Au centre de supervision urbain (CSU) de Nice, les agents n’ont nul besoin d’une vue directe sur la rue, ses passants et son soleil : ils voient la vie en 16/9. Sept jours sur sept et 24 heures sur 24, 90 policiers et agents de surveillance de la voie publique (ASVP) scrutent, zooment, analysent la ville et ses habitants à la recherche du moindre comportement suspect. Le «premier complexe de vidéoprotection» est le laboratoire des dispositifs sécuritaires et des nouvelles technologies. Avant que Jean Castex ne fasse de la préfecture maralpine, où il était en déplacement samedi dernier avec ses ministres de l’Intérieur et de la Justice, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti, un lieu d’expérimentation des pouvoirs élargis de la police municipale, Libération avait passé une journée lambda dans les yeux de la ville la plus vidéosurveillée de France.

     


  • Nouvelles | Bruno Retailleau a-t-il raison d'affirmer que ...Macron c'est le mépris des Français... Marine, c'est l ...

     

    Le président du groupe LR au Sénat a affirmé que c'était en France qu'il y avait, par rapport au reste de l'Europe, le plus de meurtres par habitant. C'est inexact.

    Question posée par Pierre le 21/07/2020

    Bonjour,

    Vous nous avez demandé : «Est-il vrai que la France est le pays d’Europe où le taux d’homicides est le plus élevé, comme l’a affirmé Bruno Retailleau sur France Inter ?»

    Vous faites référence au passage du patron des sénateurs Les Républicains sur la radio publique le 21 juillet. Pour illustrer ce qui serait un «ensauvagement de la société française», Bruno Retailleau déroule (à 5 minutes 26 de l’interview) : «Vos auditeurs savent-ils aujourd’hui que la France est le pays d’Europe qui affiche le taux d’homicides le plus élevé ? C’est catastrophique.» C’est surtout inexact.

     

    Contacté, l’entourage de Bruno Retailleau indique que celui-ci tient son information d’un livre paru en février 2020, l’Alerte démocratique (Editions de l’Observatoire), de l’essayiste de droite Nicolas Baverez.

    Effectivement, on lit bien à la page 89 de cet ouvrage : «Elle [la France] affiche le taux d’homicides le plus élevé d’Europe (1,3 pour 100 000 habitants), largement devant le Royaume-Uni (1,2), l’Allemagne (1), l’Espagne (0,7) et l’Italie (0,6).»

    Nicolas Baverez n’a, pour l’heure, pas été en mesure de nous indiquer la source de ces chiffres. Il reconnaît cependant une «inexactitude» «Il aurait fallu écrire que la France avait le taux d’homicides le plus haut, parmi les grands pays d’Europe.»

     

    Car à l’échelle de l’ensemble du continent, effectivement, la France est loin de dominer ce classement.

    La France en milieu de tableau

    Eurostat, la plateforme de la Commission européenne qui compile les statistiques des pays d’Europe, dédie une page aux chiffres européens de la criminalité. Parmi les indicateurs disponibles, on trouve celui des homicides volontaires.

    Les derniers chiffres disponibles sont ceux de l’année 2018 (sauf pour la Macédoine : ils remontent à 2017). En 2018, la France est le pays européen qui a, selon Eurostat, enregistré le plus grand nombre d’homicides : 779. Devant le Royaume-Uni (754) et l’Allemagne (632).

     

    Mais en ramenant ces valeurs absolues à la population des pays, ce qui permet de calculer le taux d’homicides, le classement est tout autre. Et la France n’est pas première : elle enregistre un taux d’homicides de 1,16 pour 100 000 habitants. Les autres pays que cite Nicolas Baverez dans son livre ont effectivement des taux d’homicides inférieurs (mais pas ceux qu’il indique) : Royaume-Uni (1,14), Allemagne (0,76), Espagne (0,62) Italie (0,57).

    La France arrive en milieu de tableau, loin derrière la Lettonie (5,22), la Lituanie (3,45) ou le Liechtenstein (2,62), qui occupent le podium. Derrière également la Finlande (1,62), Chypre (1,55) ou la Belgique (1,49). Si la France a un taux d’homicides supérieur à celui de ses voisins directs (excepté la Belgique), ce n’est donc pas le cas si on regarde à l’échelle de l’Europe entière.

    Notons que ce taux d’homicides de la France est sous-évalué, car d’après la méthodologie d’Eurostat, les «agressions menant à la mort» (serious assault leading to death) ne sont pas comptabilisées comme des homicides pour la France. C’est cependant le cas pour certains pays (comme l’Allemagne, l’Espagne ou la Lettonie). Alors que dans d’autres (Belgique, Royaume-Uni), la méthodologie ne précise pas s’ils sont pris en compte.

     

    Hausse des homicides depuis 2015

    Pour observer le nombre d’homicides dans le temps, en France (ce qui pourrait être un marqueur d’un éventuel «ensauvagement», selon Bruno Retailleau), on peut s’appuyer sur les chiffres du Service statistique ministériel de la sécurité intérieur (SSMSI). Ces chiffres sont consolidés, et par exemple nettoyés d’éventuels doublons (ce qui n’est pas le cas des chiffres disponibles sur data.gouv, selon le SSMSI).

    Ces données valent pour la seule France métropolitaine, et prennent en compte les coups et blessures volontaires suivis de mort. Elles révèlent un nombre d’homicides relativement stable depuis 2009, avec des variations entre 750 et 850 homicides annuels (800 en moyenne sur la période), hors terrorisme.

    On constate toutefois une augmentation (hors terrorisme) continue depuis 2015. Une augmentation qui s’accélère, puisque les données provisoires de l’année 2019 laissent voir une augmentation de 9% du nombre d’homicides enregistrés par les forces de sécurité par rapport à 2018. Soit 970 victimes, «dont 4 à ce jour en lien avec un attentat terroriste», relève le SSMSI dans sa note de janvier intitulée «Insécurité et délinquance en 2019 : une première photographie».

     

    Le service statistique émet au demeurant une réserve sur la comparaison des chiffres d’avant et d’après 2015. Notamment car, créé en 2014, le SSMSI déclare ne pas avoir «les moyens de vérifier que des erreurs aient pu se produire avant 2015, du fait des dispositifs de remontée d’information statistique beaucoup plus frustes». Ainsi, il est impossible à nos interlocuteurs de «garantir une parfaite homogénéité lorsque sont comparés les chiffres avant/après 2015». Par exemple, les victimes du terrorisme ne sont comptabilisées à part qu’à partir de l’année 2015.

    Il y a plus d’un an, CheckNews évoquait déjà cette tendance haussière du nombre des homicides. Elle faisait l’objet de différentes interprétations. Sans épuiser le débat, un de nos interlocuteurs, spécialistes de la statistique criminelle, posait l’hypothèse suivante, liant indirectement cette poussée aux attentats ayant frappé l’Europe : «La baisse du nombre d’homicides était jusqu’en 2015 un phénomène de fond qui caractérisait les pays de l’Europe de l’Ouest. On ne peut pas exclure que dans un contexte d’attentats faisant de très nombreuses victimes, le niveau latent de la violence mortelle de nature non terroriste ait été influencé.»

    Edit le 31 juillet : au troisième paragraphe, remplacement de «mai» par «février».

    Fabien Leboucq