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Vidéos – « Les Garçons Bouchers étaient un groupe militant »
Vidéos – « Les Garçons Bouchers étaient un groupe militant »
À la mémoire de François Hadji-Lazaro, figure du rock alternatif français disparu en 2023, ses vieux complices réactivent les Garçons Bouchers pour une tournée hommage. Parmi eux, le chanteur Pierre Favre, alias Sapu, bénévole actif du Secours catholique depuis 22 ans. Interview
Même ceux qui n’écoutaient pas sa musique connaissent son visage. Faut dire qu’il avait ce qu’on appelle « une gueule » : bretelles bandées sur son ventre XXL, crâne de skin et moue de clown triste, François Hadji-Lazaro a incarné presque à lui seul la mouvance du rock alternatif, au mitan des années 1980. Chef d’écurie avec Boucherie Productions, il était la figure (mais pas le chanteur principal) des Garçons Bouchers, formation punk, braillarde et gauloise, qu’il conduisait en marge de Pigalle, autre projet musical plus poétique.
Chanteur de BB Doc, Pierre Fabre – alias Pierrot Sapu – a rejoint les Garçons Bouchers en 1988. Depuis un quart de siècle, il était sorti des radars, parti dans le Var se mettre au service des plus démunis que lui.
Sous l’impulsion du saxophoniste Stefff Gotkovski, le groupe s’est reformé à la Fête de l’Huma en 2023 pour un concert hommage intitulé « Tchao François ». Que les Garçons Bouchers trimbalent en tournée, comme une ultime révérence. La tête couverte de tatouages, Sapu est naturellement de la fête. « Une gueule », lui aussi ; son sourire lippu perçant sous une barbe de Père Noël destroy. Confidences.
Créé en 2023 à la fête de l’Humanité, le concert « Tchao François » est en tournée française jusqu’à fin 2025.3CTourOù étiez-vous quand vous avez appris la disparition de François Hadji-Lazaro ?
Dans un lycée du côté de Rennes. J’interviens régulièrement dans des établissements scolaires pour parler de solidarité à des jeunes qui vivent parfois difficilement leur adolescence. Comme ça a été le cas pour moi. J’apporte mon témoignage d’ancien ; ça a du sens.
Comment vous étiez-vous rencontrés ?
J’ai quitté Lyon en 1984 et rejoint Paris pour un boulot du côté de l’aéroport de Roissy. Le soir, je fréquentais les concerts que l’asso Paris Bar Rock organisait dans des cafés. François y était très présent. Il faisait l’ingénieur du son ou le service d’ordre. Moi, après quelques bières, j’avais la manie d’entonner a cappella les chansons que je créais dans ma tête dans les transports en commun, en allant au boulot. François, ça le faisait marrer. Et un jour, il m’a invité à manger chez lui, dans son appart du 13e. Notre amitié est née comme ça.
Un soir, un petit punk est venu me proposer de monter un groupe avec lui. On l’appelait Drunk. Il joue toujours aujourd’hui, dans un groupe qui s’appelle Gastéropodes Killers, du côté d’Angoulême. Il débutait à la guitare, je ne chantais pas très juste. En cherchant des gens pour jouer avec nous, on n’en a trouvé que des un peu cabossés, comme nous. Et on a monté BB Doc en 1985.
La même année, François avait fondé les Garçons Bouchers, dont j’étais fan. Puis notre bassiste, Riton, les a rejoints. Quand Eric « Blitz » Dabda, le premier chanteur, est parti, François m’a proposé de le remplacer. En fait, je suis un fan à qui on a proposé de devenir le chanteur de son groupe préféré !
Musicalement, les Garçons Bouchers étaient plus proches des Bérurier Noir que des autres groupes de Boucherie Productions…
L’idée de François, c’était toujours d’associer une rythmique punk avec des instruments acoustiques. Sur un ordinateur Atari à disquettes. il programmait une boîte à rythme hyperrapide, la basse et les claviers… Et sur scène, il jouait violon, accordéon, flûte, saxo, harmonica… Puis le groupe a grandi et changé de formation. Mais pas de direction : François était communiste et voulait que les Bouchers soient un groupe militant. Contre le racisme et l’intolérance.
Qu’êtes-vous devenu après la dissolution du groupe ?
Quand, en 1995, François a décrété la fin des Bouchers, on est tous repartis chacun de son côté. J’ai déménagé dans le Var pour que mon épouse, très malade, puisse se rapprocher de sa maman. Elle et moi avions séparément contracté le VIH. Les cinq dernières années de sa vie ont été terribles. Des médicaments pouvaient ralentir la progression de l’infection, mais Géraldine avait déclaré le sida avant ce traitement. Une encéphalite spécifique à ce virus lui a causé des problèmes psychiatriques importants. Moi qui connaissais le monde de la rue, j’ai découvert celui de la psychiatrie. Finalement, c’est un papillomavirus qui l’a tuée. Je l’ai accompagnée jusqu’au bout, j’y consacrais tout mon temps et mon énergie. Et quand elle est décédée, j’ai cherché comment continuer à aider les gens.
Vers qui vous êtes-vous tourné ?
Dans la petite ville où j’habitais, il y avait le Secours catholique. J’ai poussé la porte sans a priori : j’avais lu qu’en grec ancien, « katholikos » signifiait « universel ». Donc qu’on soit tous frères et sœurs en humanité, c’était évident pour moi depuis toujours. En octobre 2002, je suis devenu bénévole à plein temps. À l’accueil, à la compta, à l’encadrement d’équipes, etc. Je le suis encore aujourd’hui. Pendant plusieurs années, j’ai été adjoint d’un aumônier : accompagner des gens en difficulté, ça peut impliquer d’aborder des questions spirituelles, comme le sens de la vie. Mais contrairement à ce que certains ont raconté, je ne suis pas devenu aumônier ou curé.
Aujourd’hui, je suis responsable d’une équipe particulière : la Parole des Sans Voix, dont le but est de collecter le message de ceux que l’on n’entend pas, pour le transmettre par le théâtre, les arts plastiques… On a créé ensemble un groupe de rock, Les Sans Voix, avec lequel on essaye de faire le maximum de concerts…
Pourquoi cette tournée « Tchao François » ?
On ne voulait pas que la reformation soit réservée aux Parisiens. On en a parlé avec la famille de François et le tourneur 3C Tour… Ça devait être un concert unique et finalement, on a des dates jusqu’à fin 2025. Outre les chansons des Garçons Bouchers, on joue des titres de Pigalle et des Carayos, les deux autres groupes de François.
Pierre Hadji-Lazaro, un de ses deux fils, a conçu des animations vidéo en 3D, projetées en fond de scène, qui mettent en scène son père. Et on a samplé les parties de violon et d’accordéon de François à partir des enregistrements originaux. C’est bien, on le sent vraiment parmi nous sur scène.
En concert
Composés de Pierrot Sapu (chant), Gaël Mesny et Christophe Gauziède (guitare), Benoit Simon (basse), BattBatt (batterie), Toto Rossi (trompette), Stefff Gotkovski (saxo), et Jissé Batut et Stéphane Lorraine (son), les Garçons Bouchers seront en concert vendredi 29 novembre à la Rock School Barbey de Bordeaux (avec Arno Futur) et vendredi 6 décembre. à la Basane de Miramont-de-Guyenne (avec Bad Bad Bird).« Paris s’active pour protéger les 3 000 sans-abris du froidterrorisme, vives réprobations politiques »