• Data, IA, 5G : la France mérite un ministère d'Etat à la société numérique

      10h52 , le 30 mars 2019, modifié à 10h59 , le 30 mars 2019
    • Par
    • Redaction JDD

    TRIBUNE - A quelques jours du remaniement, Nathalie Chiche, présidente de Data Expert & DPO externe, et David Fayon, consultant Transformation Digitale, auteur de Made in Silicon Valley, appellent à la création d'un ministère d'Etat à la société numérique.

    Emmanuel Macron au salon Viva Technology en juin 2017.

    Emmanuel Macron au salon Viva Technology en juin 2017. (Sipa Press)
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    La tribune de Nathalie Chiche, présidente de Data Expert & DPO externe, et David Fayon, Consultant Transformation Digitale, auteur de Made in Silicon Valley, qui demandent la création d'un ministère d’Etat à la société numérique : "Aujourd'hui, le numérique représente le nouvel outil de puissance et de souveraineté. En témoigne la fin de non-recevoir d'acteurs très puissants (Amazon et Alibaba) refusant de signer la Charte de bonne conduite des acteurs du e-commerce présentée par Mounir Mahjoubi mardi dernier, afin d'instaurer un cadre de confiance entre plateformes et TPE/PME.

    Ou encore dans le domaine fiscal, la difficulté de taxer pour les profits réalisés les GAFA et autres géants du numérique qui, en situation de quasi-monopole, répercutent les taxations sur leur prix de vente et pénalisent in fine les PME françaises et les particuliers qui supportent le manque à gagner de l'Etat.

    Au-delà des géants américains (GAFAM) et chinois (BATX), des pays comme l'Estonie, Israël - la 'start-up nation' -' ou encore le Royaume-Uni, ont fait un avantage compétitif du numérique.

    Tous les ministères de notre République française sont impactés par le numérique

    Le premier pour son e-administration au service des citoyens, le deuxième pour le dynamisme économique avec une plus grande porosité entre le monde des entreprises, des start-up, de l’enseignement comme on le constate surtout en Californie où les capitaux abondent, le troisième pour la finance et la vision qu’avait eu Tony Blair et qui se traduit aujourd'hui dans les chiffres : 17 licornes au Royaume-Uni alors que la France n’en dénombre que 3.

    Le numérique n’est pas un secteur particulier.

    Il est transverse et impacte tous les secteurs de l’économie d’un pays. Il est de nature à disrupter son organisation politique. De fait, tous les ministères de notre République française sont impactés par le numérique : Education, Défense, Fonction publique, Industrie, etc.

    Il s’agit de pouvoir réaliser la transformation numérique de toute notre société. Concrètement, de la rendre plus agile, de la faire passer d’un monde en « silos » à un monde collaboratif, monde en phase avec les usages induits par les nouvelles technologies et au service des citoyens dans un cercle vertueux de création de valeur.

    Le défi pour le Président de la République Emmanuel Macron est d’en saisir les enjeux dans un cyberespace qui s’affranchit des frontières géographiques. 

    On le constate, les notions traditionnelles de territoire et de souveraineté nationale sont peu opérantes et la régulation sur Internet par des acteurs privés demeure un défi de taille pour notre pays.

    Chaque jour, de grandes questions relatives à la préservation des libertés, à la neutralité du Net, à la protection des données, à la cybercriminalité, à la circulation des biens culturels, à la diversité culturelle et linguistique ou encore à l’impact environnemental s’invitent au cœur de nos débats et font l’objet de nombreuses controverses (fake news, cyberhaine, cyberattaque, …)

    Il ne s'agit pas d'être technophile mais d'utiliser la technologie pour le bien de tous et sans discrimination

    Ces grandes problématiques vont s’amplifier avec des évolutions décisives et déjà initiées, comme le déploiement de la 5G (alors que des zones critiques n’ont pas de couverture réseau et que la fracture numérique reste une réalité pour 1 Français sur 5) ; les capteurs connectés sur tous les objets de notre quotidien (la bataille des assistants personnels et l’Internet des objets) ; l’intelligence artificielle ; la blockchain ; l’impression 3D, etc.

    Il ne s'agit pas d’être technophile mais d’utiliser la technologie pour le bien de tous et sans discrimination.

    Dès lors, pourquoi ne pas envisager la création d’un super ministère régalien impactant toutes les questions liées au numérique, doté de moyens politiques, diplomatiques, mais aussi industriels, économiques à la hauteur des défis vertigineux à relever? 

    A l’évidence, l’éparpillement des compétences 'numériques' entre de multiples ministères et agences entrave la cohérence et la portée des décisions au plus haut niveau de l’Etat sans compter que le nombre d’échelons hiérarchiques des administrations ne s’inscrit pas dans une tendance d’agilité et de service pour les administrés.

    Pour l'heure, la France est dangereusement distanciée par ces acteurs privés, principalement américains et chinois

    Pour l’heure, la France est dangereusement distanciée par ces acteurs privés, principalement américains et chinois, conservant leur mainmise sur la matière première de l’économie numérique : la donnée!

    Leur rente informationnelle provient principalement de la collecte, du traitement ou de la vente des informations de l’Europe, leur premier réservoir!  

    Le premier enjeu pour la France est de reprendre la main pour instaurer une fiscalité plus juste et un changement de posture dans l’incitation à l’innovation en pensant international dès le départ, ce qui permettrait l’éclosion de champions français et européens du numérique et pouvant peser sur la scène internationale, en profitant de nos savoir-faire différenciants, de nos formations d’excellence reconnues aux États-Unis, etc..

    Ceci serait accompagné d’une stratégie concertée et centralisée, à l’exemple du Règlement Général de Protection des Données (RGPD). 

    Le deuxième enjeu pour la France est de mettre en place d’une véritable politique industrielle européenne, à même de défendre notre souveraineté face aux appétits de la Chine et des États-Unis, condition indispensable pour ne plus reproduire l’échec du rapprochement entre Alstom et Siemens et assumer un rôle décisif dans le monde numérique du 21èmesiècle.

    Il s’agit aussi de pouvoir grâce au numérique réindustrialiser la France tout en veillant aux enjeux pour la planète sachant aussi que l’enjeu des matières premières, des terres rares nécessaires pour le numérique est à considérer.

    Le troisième enjeu pour la France et l’Europe réside dans la souveraineté numérique : avoir des serveurs localisés sur sol européen pour être maître de nos données.

    On pourrait en étant disruptif imaginer que le cloud européen soit hébergé à St Pierre et Miquelon alors que les acteurs américains ont pour certains misé sur l’Alaska pour des raisons d’optimisation énergétique.

    Mais aussi ne pas être dépendant d’équipements réseaux ou de matériels qui pourraient encapsuler des outils d’espionnage.

    Ne perdons pas de vue que numérique et intelligence économique sont intimement lié.

    Il en va de même pour la dévulnérabilisation et l’évolutivité des solutions informatiques de l’État, des collectivités territoriales, des hôpitaux et des entreprises dans leur ensemble.

    Des chantiers seront à prioriser selon les marges budgétaires qui sont minces.

    Le quatrième enjeu pour la France est de rendre compatible le développement de l'économie numérique, le respect des droits individuels et des libertés fondamentales des citoyens français et des lois applicables à la hauteur des enjeux économiques, éthiques, et même philosophiques du numérique!

    C’est un élément de différenciation important par rapport aux modèles américain et chinois.

    L'innovation et la réactivité au changement sont les seuls atouts dont la France peut se prévaloir 

    En décembre dernier, un rapport de l’Institut Montaigne soulignait qu’une poignée de députés maîtrisent ces enjeux quand leur rôle reste prépondérant dans la fabrique et le suivi de nos lois. 

    La tâche du politique est d'organiser une cohérence entre tous les ministères pour que les nombreux enjeux du numérique soient connues et choisies en toute connaissance de cause par les citoyens. Encore faut-il que nos ministres français, leur cabinet et plus généralement l’ensemble des décideurs publics aient aussi accès aux connaissances techniques nécessaires!

    L’innovation et la réactivité au changement sont les seuls atouts dont la France peut se prévaloir pour regagner en influence sur l’échiquier mondial du numérique. 

    Et cela commence au plus haut niveau de l'Etat…

    Réponse le 1er avril, en espérant qu’il n’y ait pas de poisson ce jour-là!"

    * Les exergues sont de la rédaction

     

  • EXCLUSIF. Mark Zuckerberg : "Quatre idées pour réguler Internet"

    un rôle plus important dans cette régulation. 

     
     FUNNY MARK ZUCKERBERG PICTURES | FUNNY INDIAN PICTURES ...
     
     
    Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, ici en mai 2018 lors d'un passage à Paris. (Sipa)

     

      20h04 , le 30 mars 2019
    • Par
    • Redaction JDD

    TRIBUNE - Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, publie dans Le Journal du Dimanche, une longue tribune dans laquelle il dévoile quatre idées pour réguler Internet. Il indique notamment que les gouvernements doivent jouer un rôle plus important dans cette régulation. 

     
    Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, ici en mai 2018 lors d'un passage à Paris. (Sipa)
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    C'est un texte fort que Mark Zuckerberg publie ce dimanche dans quatre quotidiens internationaux (Le Journal du Dimanche en France, le Washington Postaux Etats-Unis, le Frankfurter Allgemeine Zeitung en Allemagne et le Sunday Independent en Irlande). Le PDG de Facebook y détaille "quatre idées pour réguler Internet". Elles concernent les contenus violents et haineux, l'intégrité des élections, la protection de la vie privée et la portabilité des données. Il en appelle aux gouvernements et aux pouvoirs publics et livre un constat surprenant et neuf de la part d'un entrepreneur américain qui a créé le réseau social le plus puissant au monde : "Les décideurs publics me disent souvent que nous avons trop de pouvoir en matière d'expression, et franchement, je suis d'accord. J'en viens à croire que nous ne devrions pas prendre de telles décisions tout seuls." 

    Voici la version française de la tribune de Mark Zuckerberg publiée en exclusivité par le JDD :

    "La technologie occupe une place importante dans nos vies, et des entreprises comme Facebook ont une très grande responsabilité. Tous les jours, nous devons prendre des décisions pour déterminer quel discours est dangereux, ce qui constitue de la publicité politique ou encore comment prévenir des cyber-attaques complexes. Ces décisions sont importantes pour assurer la sécurité de notre communauté. Personne n’attend des entreprises qu’elles répondent seules à ces enjeux.

    Faire évoluer la régulation d'Internet nous permettra de préserver ce qu'Internet a de meilleur

    Je suis convaincu que les gouvernements et les régulateurs doivent jouer un rôle plus actif.  Faire évoluer la régulation d'Internet nous permettra de préserver ce qu'Internet a de meilleur - la liberté pour les gens de s'exprimer et l'opportunité pour les entrepreneurs de créer - tout en protégeant la société de préjudices plus larges.

    Ce que je retiens de mon expérience, c'est que nous avons besoin d'une nouvelle régulation dans quatre domaines : les contenus violents et haineux, l'intégrité des élections, la protection de la vie privée et la portabilité des données.

    1. Premièrement, sur les contenus violents et haineux. Facebook permet aux gens de faire entendre leur voix, et c'est une bonne chose - cela leur permet de partager des expériences et de se mobiliser plus facilement. Dans ce contexte, nous avons une responsabilité vis-à-vis de leur sécurité lorsqu'ils utilisent nos services. Cela implique de décider de ce qui est de la propagande terroriste, du discours haineux, et plus encore. Nous ajustons sans cesse nos règles avec des experts, mais compte tenu de notre échelle, nous ferons toujours des erreurs et prendrons des décisions avec lesquelles les gens ne seront pas forcément d'accord.

    Les décideurs publics me disent souvent que nous avons trop de pouvoir en matière d'expression, et franchement, je suis d'accord. J'en viens à croire que nous ne devrions pas prendre de telles décisions tout seuls. Nous sommes donc en train de créer un organisme indépendant pour que les gens puissent faire appel de nos décisions. Nous travaillons aussi avec les gouvernements, et notamment avec les pouvoirs publics français dans le cadre d'un groupe de travail commun, afin de garantir que nos dispositifs de modération des contenus soient efficaces.

    Une idée pourrait être de confier à des organismes tiers le soin de définir des standards sur la diffusion des contenus violents et haineux

    Les entreprises d'Internet doivent rendre des comptes quant à l'application des règles concernant les contenus violents et haineux. Il est impossible de retirer l'ensemble de ces contenus d'Internet. Or, quand on sait que les gens utilisent des dizaines de services de partage différents, chacun avec ses propres règles et processus, il devient évident que nous avons besoin d'une approche plus harmonisée. 

    Une idée pourrait être de confier à des organismes tiers le soin de définir des standards sur la diffusion des contenus violents et haineux, et d'évaluer les entreprises sur la base de ces standards. La régulation pourrait établir une base de référence de ce qui est interdit, et exiger des entreprises qu'elles mettent en place des moyens pour réduire au maximum les contenus violents et haineux.
    Facebook publie déjà des rapports de transparence sur le retrait des contenus violents et haineux. J'estime que toutes les grandes entreprises du numérique devraient le faire tous les trimestres, car c'est aussi important que publier les rapports financiers. Quand nous aurons une meilleure idée de la part des contenus violents et haineux, nous pourrons alors constater quelles entreprises font des progrès, et voir où nous devrions placer le curseur.

    2. Deuxièmement, la législation est importante pour protéger les élections. Facebook a déjà mis en œuvre d’importants changements en matière de publicité politique : dans de nombreux pays, les annonceurs doivent désormais faire vérifier leur identité avant de diffuser ce type de contenus. Nous avons créé une bibliothèque en ligne pour les répertorier. Mais décider de ce qui relève de la publicité politique n’est pas toujours évident. Nos systèmes seraient plus performants si la régulation établissait des standards communs pour vérifier l’identité des acteurs politiques.

    Seuls les gouvernements peuvent créer des sanctions qui découragent les interférences

    Les lois sur la publicité politique en ligne concernent en priorité les candidats et les élections, plutôt que les sujets politiques qui divisent, et sur lesquels nous avons constaté plus de tentatives d'interférence. Certaines lois ne s'appliquent que pendant les élections alors que les campagnes d'influence sont continues. Par ailleurs, d'importantes questions se posent sur la manière dont le ciblage et les données sont utilisés pendant les campagnes politiques. La législation devrait refléter la réalité des menaces actuelles et définir des standards pour l'ensemble de l'industrie. 
    Les gouvernements peuvent aussi utiliser leur pouvoir pour prévenir les ingérences. Nous pouvons bannir les acteurs malveillants, mais seuls les gouvernements peuvent créer des sanctions qui découragent les interférences.

    3. Troisièmement, pour être efficace, la protection de la vie privée et des données personnelles nécessite un cadre harmonisé à l'échelle mondiale. Partout dans le monde, les gens réclament une réglementation complète en matière de protection de la vie privée en accord avec le RGPD (Règlement Européen de Protection des Données), et je suis d'accord. Je pense qu'il serait bon pour Internet que davantage de pays adoptent une réglementation telle que le RGPD comme cadre commun.

    Toute nouvelle réglementation sur la protection de la vie privée aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde devrait s'appuyer sur les protections offertes par le RGPD. Elle devrait protéger le droit de chacun de choisir la façon dont ses informations sont utilisées, tout en permettant aux entreprises de les employer, à la fois à des fins de sécurité et aussi pour fournir des services. Elle ne devrait pas imposer que les données soient stockées localement, ce qui les rend plus vulnérables à un accès non justifié. Et elle devrait faire en sorte que les entreprises comme la nôtre soient tenues responsables, en leur imposant des sanctions lorsqu'elles commettent des erreurs.

    Nous avons besoin de clarté sur la manière dont les données peuvent être utilisées pour servir l'intérêt général

    Je suis également convaincu qu'un cadre mondial commun, plutôt qu'une réglementation qui varie considérablement d'un pays et d'un Etat à l'autre, garantira qu'Internet ne se fracture pas, que les entrepreneurs puissent créer des produits utiles à tous et que chacun bénéficie des mêmes protections. 
    Alors que de nouvelles réglementations sur la protection de la vie privée sont en train d'être adoptées, j'espère que les décideurs publics pourront aider à répondre à certaines des questions qui subsistent autour du RGPD. Nous avons besoin de clarté sur la manière dont les données peuvent être utilisées pour servir l'intérêt général, et sur les règles qui devraient s'appliquer aux nouvelles technologies, comme par exemple l'intelligence artificielle.

    4. Enfin, la réglementation devrait garantir le principe de la portabilité des données. Si vous partagez des données avec un service, vous devriez pouvoir les transférer facilement et de manière sécurisée vers un autre service. Cela donne aux gens le choix et permet aux développeurs d'innover et d'être plus compétitifs.

    Nous soutenons un format standard de transfert de données, ainsi que le projet open source Data Transfer Project

    C'est important pour Internet, et pour créer les services que les gens veulent. C'est la raison pour laquelle nous avons construit notre plateforme de développement. La véritable portabilité des données devrait ressembler davantage à la manière dont les gens utilisent notre plateforme pour se connecter à une application, plutôt qu'à la manière dont les gens téléchargent actuellement une archive de leurs informations. Mais cela exige des règles claires sur qui est responsable de la protection de l'information lorsqu'elle passe d'un service à l'autre.

    Cela nécessite également des standards communs ; c'est pourquoi nous soutenons un format standard de transfert de données, ainsi que le projet open source Data Transfer Project. 
    Je suis convaincu que Facebook a la responsabilité d'aider à répondre à ces enjeux, et je serai heureux d'en discuter avec les décideurs publics du monde entier. Au cours des deux dernières années, nous avons mis au point les systèmes les plus avancés pour trouver les contenus violents et haineux, mettre fin aux interférences électorales et rendre les publicités plus transparentes.
    Mais, les gens ne devraient pas avoir à s'en remettre aux entreprises pour qu'elles règlent seules ces problèmes. Nous devrions avoir un débat plus large sur ce que nous voulons en tant que société, et sur la façon dont la réglementation peut nous aider. Ces quatre domaines sont importants, mais il y a bien sûr beaucoup d'autres sujets à discuter.
    Les règles régissant Internet ont permis à une génération d'entrepreneurs de créer des services, qui ont changé le monde et créé beaucoup de valeur dans la vie des gens. Il est temps d'actualiser ces règles afin de définir clairement les responsabilités des personnes, des entreprises et des gouvernements."

    * Les exergues sont de la rédaction.






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