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« Le déclin démographique français n’est pas une fatalité »
« Le déclin démographique français n’est pas une fatalité »
Comme le suggèrent des exemples étrangers, la France peut sortir de son hiver démographique. À condition de faire preuve de courage.
Mis de côté depuis les réformes déployées sous le quinquennat de François Hollande, le thème de la démographie a enfin refait surface dans le débat public, notamment grâce au discours d'Emmanuel Macron sur le « réarmement démographique ».
La publication récente d'études et d'ouvrages, tels que L'enfant est l'avenir de l'homme (Albin Michel), d'Aziliz Le Corre, et l'étude de l'Institut des Français de l'étranger (IFE) en collaboration avec l'Observatoire de l'immigration et de la démographie et le professeur Gérard-François Dumont, « Permettre aux Français de construire la famille de leur choix », éclairent les choix à réaliser.
Quelle est la situation actuelle de la démographie en France ? Notre pays est entré dans un hiver démographique. Le nombre de naissances annuelles est passé de 828 000 en 2010 à 678 000 en 2023, soit une baisse de 20 % ou encore 500 naissances de moins chaque jour. Le taux de fécondité des femmes est, lui, passé de 2 enfants par femme en 2010, à 1,64 en 2023, largement en dessous du seuil de renouvellement des générations, qui est fixé à 2,1.
Si aucune action n'est entreprise pour renverser cette tendance, notre population va, hors effet de l'immigration, baisser de plusieurs millions d'habitants d'ici à 2050. C'est déjà le cas dans les pays comme le Japon, qui aura perdu 30 % de sa population, soit 32 millions d'habitants entre 2004 et 2050, ou encore l'Italie, qui, avec un taux de natalité de 1,2 enfant par femme, est en déclin démographique accéléré.
Équilibre entre les générations
Mais pourquoi est-il souhaitable d'inverser la tendance à la baisse de la natalité ? Il est faux de penser que les Français ont renoncé à faire des enfants ! Ces derniers souhaitent, selon une étude de l'Union nationale des associations familiales de 2024, en moyenne 2,46 enfants par couple, alors qu'en 2023 le nombre moyen a été, pour rappel, de seulement 1,64.
En d'autres termes, lorsque vous croisez dix familles dans la rue, vous devriez, si les couples réalisaient leurs souhaits, dire bonjour à sept enfants supplémentaires. L'objectif n'est donc pas de forcer les familles à avoir plus d'enfants, mais d'accompagner celles qui le souhaitent dans la concrétisation de leurs projets de vie, et de lever les obstacles à « l'envie d'enfant ». Quel État ne voudrait pas soutenir ses citoyens dans la réalisation de leurs aspirations familiales ?
De plus, notre modèle social repose sur un équilibre entre les générations. De nombreux défis actuels, notamment le déséquilibre de notre système de retraite, pourraient être atténués si notre démographie, et donc notre capacité à augmenter le nombre d'actifs, était plus dynamique.
Soldes naturels et migratoires
La question de la puissance est également liée à la démographie. La puissance politique est souvent proportionnelle à la taille de la population. Comme l'expliquait Alain Peyrefitte dans Quand la Chine s'éveillera (Fayard), la plus grande puissance démographique mondiale ne pouvait rester une puissance économique et politique secondaire. Pour que la France maintienne sa place dans le monde, il est, par conséquent, crucial de maintenir une démographie dynamique.
Enfin, il est important de noter que le déclin démographique ne peut être compensé que par des naissances ou par l'immigration. Depuis 2018, le solde naturel (naissances moins décès) est largement dépassé par le solde migratoire.
Une conséquence est par exemple une très forte représentation des populations d'origine immigrée à l'école (environ 40 % de descendants d'immigrés sur deux générations dans les enfants de 0 à 4 ans, d'après les chiffres de l'Insee). Rééquilibrer les soldes naturels et migratoires ne serait-il pas souhaitable pour assurer une meilleure intégration des nouveaux arrivants dans la communauté nationale ?
Investissement
Mais, au-delà des déclarations de principes, peut-on réellement inverser la tendance à la baisse de la natalité observée en France depuis 2010 ? Une analyse approfondie des statistiques démographiques par pays, réalisée par l'Institut des Français de l'étranger, montre que le déclin démographique n'est pas inéluctable.
Des pays comme la Suède, l'Allemagne et la Hongrie ont adopté des politiques efficaces pour freiner ce déclin. Nous avons dégagé de cette comparaison internationale trois grands principes applicables à la France.
En premier lieu, considérer la politique familiale comme un investissement. Elle doit être perçue comme un investissement, semblable à la création d'infrastructures, et non comme une simple dépense à court terme. Sa stabilité est essentielle car agrandir une famille engage sur plus de deux décennies. La politique familiale doit donc pouvoir être anticipée. Elle se doit d'être ciblée.
Concilier vie professionnelle et vie familiale
Les efforts doivent se concentrer sur les classes moyennes et encourager l'arrivée de deuxièmes et troisièmes enfants. Les classes moyennes sont effectivement les grandes perdantes des multiples réformes des aides familiales et, de fait, les « responsables » majoritaires du recul de la fécondité.
Enfin, elle doit reposer sur un équilibre entre quatre piliers. Le premier est évidemment l'argent : il s'agit d'offrir aux familles les moyens financiers d'accueillir de nouveaux enfants. Le second touche au « temps » : permettre aux parents de concilier vie professionnelle et vie familiale (notons que les femmes qui travaillent le plus sont plus enclines à avoir des enfants).
Le troisième, et cela n'étonnera personne, est l'espace : faciliter l'agrandissement du logement pour les familles. Enfin, l'atmosphère, dont on sous-estime souvent l'impact : créer une ambiance favorable à la famille dans le pays.
Congé parental
L'IFE recommande donc de remettre à plat nos dispositifs en s'inspirant des pratiques de nos voisins. Il serait pertinent de remplacer les 14 dispositifs d'aide existants (comme le RSA famille et les allocations familiales) par une allocation familiale universelle d'environ 250 € par mois et par enfant, comme proposé par l'économiste Marc de Basquiat.
Cette aide devrait être universelle, disponible pour toutes les familles, et immédiate dès la naissance de l'enfant. Les primes à la naissance, dont il est démontré qu'elles n'ont aucun effet incitatif à la natalité, pourraient, elles, être supprimées, tout comme certaines aides parfois détournées de leur finalité.
La mise en place d'un congé parental de quatorze à dix-huit mois, partagé entre les parents et indemnisé à hauteur d'au moins 70 % du salaire, a prouvé son efficacité dans des pays comme l'Allemagne et la Suède. Le choix de prendre un moment pour élever ses enfants ne serait plus un sacrifice financier insurmontable pour de nombreuses familles.
Atmosphère favorable
En complément, un modèle intéressant consisterait à autoriser la rémunération des grands-parents en tant qu'assistants d'éducation, comme c'est le cas en Hongrie. Cela permet aux parents de confier leurs enfants à des tiers de confiance et donc de retourner travailler avec sérénité, de désengorger le système d'accueil des jeunes enfants, et aux retraités de compléter leurs revenus. Cela n'est aujourd'hui possible en France qu'au prix de l'obtention d'une certification, rendant totalement inopérante cette possibilité.
Instaurer un prêt à taux réduit destiné aux familles pour acheter ou agrandir leur logement à l'arrivée d'un nouvel enfant permettrait de lever un obstacle supplémentaire. On pourrait envisager un prêt à taux zéro « bonus », plafonné à la valeur de 10 mètres carrés par enfant (ce qui représenterait entre 30 000 et 100 000 € selon les villes).
Enfin, un aspect crucial est la création d'une atmosphère favorable à la famille et aux enfants. Certains pays instaurent des mesures, comme des places de parking réservées aux familles et des labels family friendly. La France devrait aussi remplacer le discours dominant actuel, de tendance « écolo-malthusienne », par un message optimiste et bienveillant sur la famille.
Cela passe par de nombreux signaux faibles : l'aménagement des transports pour les enfants, l'ajout de la dimension famille dans les politiques de responsabilité sociale et de diversité des entreprises, etc. Le déclin démographique n'est pas une fatalité, d'autres pays l'ont prouvé. La France va-t-elle avoir le courage de lutter contre celui-ci ?
*Martin Tronquit est le cofondateur de l'Institut des Français de l'étranger, un think tank qui réalise des études comparatives internationales afin de nourrir le débat public français.
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