À quelques jours des fêtes, les derniers retardataires se pressent les uns à la suite des autres, sac informe saucissonné par du ruban adhésif sous le bras ou en attente du précieux présent. Au Jane Hemp House, petite boutique spécialisée dans le CBD bio, avenue Thiers à Bordeaux, les journées sont rythmées par le « bip » incessant des codes-barres scannés sur les cartons. De quoi excéder Eric et sa fille Héléna, les gérants.
Ouvert il y a deux ans et demi, le magasin propose un service de point relais du leader du secteur en France, Mondial Relay. Depuis, leur arrière-boutique ressemble à une partie de « Tetris », les plus petits rangés sur les étagères, les plus gros à même le sol. Après l’arrivée du livreur à 14 heures, plus de 200 colis attendent patiemment leurs véritables destinataires. « Soit plus du double de ma jauge. Selon mon contrat, je ne peux en stocker ‘‘que’’ 90 », affirme Eric.
« Si je n’ai pas d’employé, c’est ingérable. C’est une véritable charge de travail »
Sur la trentaine de points relais de Mondial Relay à Bordeaux – d’autres sociétés concurrentes sont aussi présentes dont Chronopost et Relais Colis –, seulement quatre se situent dans le quartier de la Bastide. D’ailleurs, sur le site de l’entreprise, seul celui du Leclerc Drive de l’allée Serr est affiché, les trois autres étant saturés. « Quand on refuse des colis au livreur, cela génère une suspension de plusieurs jours voire semaines, le temps que l’on revienne à la normale. Mais comme nous ne sommes pas assez, les uns saturent à la suite des autres », explique le commerçant. Contacté par « Sud Ouest », Mondial Relay n’a pas répondu à nos sollicitations.
Un moyen financier
Malgré un certain « épuisement physique », lié à la manutention, la recherche et la manipulation de tous ces paquets, Eric en a « besoin », puisque son partenariat lui dégage une petite marge, « environ 500 euros par mois ». Avec toutes ces personnes foulant l’entrée de sa boutique, il gagne aussi en visibilité. « Au bout d’un moment, les gens nous identifient et viennent acheter quelques bricoles. »
À Gambetta, d’autres commerçants sont également débordés par les colis.
Hervé Bénoucief-Guégan, dit « Bobi », du nom de son épicerie bio éponyme de la rue de la Benauge, sert ses clients lorsque Arsène donne un colis à une jeune femme. Depuis quelques mois, l’épicier s’est également lancé dans les colis. « Si je n’ai pas d’employé, c’est ingérable, affirme-t-il. C’est une véritable charge de travail, mais étant un commerce de proximité, ça facilite la vie du quartier. »
Solution
De son côté, Fabien (le prénom a été modifié), opticien lui aussi rue de la Benauge, a trouvé une solution afin d’éviter l’emballement de la fin d’année. Pour ne pas crouler sous les colis, il a déclaré sa lunetterie fermée pour les deux semaines de vacances scolaires. « En réalité, je ne suis en congés que la seconde semaine, mais comme les gens ont huit jours pour venir les récupérer, je préfère tricher, comme ça, j’écoule le stock, sans être envahi. » Malgré tout, il se retrouve encore avec une dizaine de petits colis sur les bras. Il raconte avoir dû une fois réceptionner seul un banc de musculation avec poids, de plusieurs dizaines de kilos.