• Qui veut la peau des lanceurs d'alerte ?

     

    Qui veut la peau des lanceurs d'alerte ?

     
    Au nom de la vérité, ils ont témoigné. Mais les grands groupes n'ont aucune pitié pour ceux qui sortent du rang. A la clé : procès, harcèlement, chômage, dépression... L'intégrité coûte cher.
    Antoine Deltour, qui est à l'origine des révélations du Luxleaks. - JEROME MARS/JDD/SIPA

    Asphyxiés par les procès, chamboulés dans leur quotidien, inquiets pour leur avenir... Dans une société où le culte de la hiérarchie est davantage ancré que celui de l'intérêt général, les lanceurs d'alerte mènent le combat d'une vie, la leur. Un combat dont les pouvoirs publics peinent encore à définir les contours, et l'indispensable protection juridique qui devrait l'accompagner. Multinationales ou institutions reconnues, les Goliath qu'affrontent ces nouveaux David ont l'argent et les réseaux pour étouffer toute affaire gênante les concernant. Autant d'armes dont sont dépourvus celles et ceux qui, un jour, osent rompre le rang. « Des lanceurs d'alerte que je connais, aucun n'est sorti indemne, constate le magistrat Eric Alt, vice-président de l'association Anticor. Malgré les avancées législatives récentes et la médiatisation de certains scandales, le rapport de force n'est pas encore favorable à ces hommes et ces femmes qui remettent en cause l'ordre établi en disant la vérité, cette vérité qui heurte, qui fait mal, qui choque, et que personne ne veut ou ne peut accepter. »

    Du temps d'Antigone, les porteurs de mauvaises nouvelles avaient du mal à se faire entendre. A l'heure d'Internet, leur audience est démultipliée. Mais la violence - bien réelle ou symbolique - qu'exercent à leur égard les puissants visés par leurs révélations continue de faire froid dans le dos. Car il y a mille manières de « tuer le messager ». Menacée dans son intégrité physique par ceux dont elles avaient dénoncé les magouilles comptables et les fausses factures, cette fonctionnaire, qui n'hésitait pas il y a quelques années à raconter son combat à visage découvert, confie aujourd'hui à Marianne : « Je ne veux plus qu'on parle de moi. Il va bientôt falloir que je cherche un nouveau travail, et, croyez-moi, cette affaire me dessert. Quand je vois ce que sont devenus les autres lanceurs d'alerte, dépressifs, suicidaires, condamnés au chômage, je me dis que le mieux est de raccrocher les gants et de faire profil bas. C'est une honte pour notre pays, mais là, en ce qui me concerne, c'est "opération survie". »

     

    « Terrorisme : "Le spectre de la guerre civile s’est propagé au-delà des marges""Les salafistes, c'est un peu Adolf Hitler avant 1934" »