Vendanges du rouge en Bordelais : « Cette année, nous avons tous la pression »
C’est sous la pluie, et avec l’objectif de faire au plus vite, que débute la vendange des rouges dans notre région, une étape capitale où se joueront les volumes et la qualité des vins
La cuve n° 13 portera peut-être chance à Arthur Yung. C’est là que le propriétaire du château Lestage, en AOC Montagne-Saint-Émilion, a versé ses premières grappes de raisin rouge pour ce millésime 2024. C’était ce mardi 24 septembre, par une belle – et rare – journée ensoleillée où la pluie n’a pratiquement pas eu son mot à dire dans ce coin du Libournais.
« Cette année, nous avons tous la pression. Il a beaucoup plu et cela devrait continuer », avance celui qui fut juriste-fiscaliste à Paris avant de revenir dans les propriétés familiales (Vignobles Yung, à Quinsac), en 2018, pour devenir maître de chai. En parallèle, il s’est lancé dans sa propre aventure en achetant en 2023, à 36 ans, le château Lestage : 18 hectares de vignes sur des terroirs calcaires, avec une majorité de merlot.
Trier la vendange
C’est justement ce cépage – le plus précoce parmi les rouges – que commencent à ramasser les vignerons de notre région, après les crémants fin août et les blancs mi-septembre. Avec une mauvaise nouvelle : l’été indien, traditionnellement si bénéfique à la qualité d’un millésime, n’est pas au rendez-vous. Jusqu’à ce jour.
À Lestage, la machine à vendanger est au travail. Elle enjambe les rangs, et des batteurs latéraux viennent décrocher les baies des rafles. Les raisins tombent alors sur un tapis puis passeront dans un trieur. Une fois les bacs pleins, la vendange sera vidée dans la benne d’un tracteur, puis direction le chai. Passage à nouveau par une machine à trier les baies, avant l’étape de la vinification dans les cuves.
On peut trouver sur une même grappe des baies de qualité très différente
C’est là un point clé de ce millésime qui s’annonce compliqué à ramasser : le tri. On peut en effet trouver sur une même grappe des baies de qualités très différentes : des mauvaises non développées, touchées par le mildiou, des moyennes pas tout à fait mûres et des bonnes. La saison fut en effet très difficile, avec déjà de la pluie au printemps et à l’été, et beaucoup de traitements phytosanitaires – qui coûtent cher – pour sauver la récolte.
C’est là un point clé de ce millésime qui s’annonce compliqué à ramasser : le tri.
GUILLAUME BONNAUD / SO
La météo, un casse-tête
L’autre point est évidemment la météo des prochains quinze jours. À court terme, les prévisions ne sont pas bonnes, et certains producteurs auront à se presser pour vendanger au plus vite, avant que la pourriture ne puisse gagner du terrain. Au risque que le raisin ne soit pas arrivé à complète maturité. Un dilemme plus facile à trancher quand on utilise une machine : elle peut travailler à toute heure tous les jours. Une souplesse que n’auront pas les grands châteaux qui récoltent à la main.
À court terme, les prévisions météo ne sont pas bonnes et certains producteurs auront à se presser pour vendanger au plus vite.
« Cette année, nous avons de tout », analyse Arnaud Chambolle, œnologue du cabinet Oenoconseil qui conseille Arthur Yung. « Des vignerons qui ont beaucoup de raisins, d’autres peu. Certains avec des grappes entassées – au plus grand risque de pourriture – alors que les voisins ont mieux travaillé. C’est un casse-tête. »
La fin de la journée approche et le jeune propriétaire veut garder le sourire. À côté de la cuve n° 13, la 14 se remplit à son tour. En bout de course, les baies du jour sont belles. Et rien n’est encore joué au niveau de la qualité finale des vins.