Et une offre de plus, une, dans le raz-de-marée de contenus vidéos en tout genres qui déferle sur nos écrans. Parti en retard, Facebook a confirmé mercredi qu’il faudra également compter avec lui. Déjà ouvert depuis un an outre-Atlantique, son service Watch va être étendu au reste du monde. Pas question de laisser ce marché en pleine «plateformisation» et en passe de renvoyer le vieux média télévisé aux oubliettes de l’histoire à Google (YouTube) et Amazon (Prime Video et Twitch).

Accessible en France à partir du 21 septembre et dans 20 autres pays parmi lesquels l’Espagne et l’Allemagne, la dernière déclinaison en date du leader des réseaux sociaux parie à fond sur la carte de l’interactivité pour se distinguer. «Nous avons créé ce produit de manière à ce que les utilisateurs ne soient pas dans une logique de consommation passive des vidéos, mais qu’ils puissent y participer. Nous espérons qu’ils auront le sentiment d’avoir passé un moment enrichissant», a expliqué la vice-présidente produits chargée de la vidéo et de la publicité, Fidji Simo.

Gratuit, Watch proposera des contenus en direct ou en replay sous forme de séries par épisodes sur une infinité de thèmes. Comme Twitter, qui avait acquis dès 2016 les droits de diffusion en ligne des matchs de la ligue de football américain (NFL) ou de la MLB, la ligue de baseball américain, Facebook va étoffer son catalogue de compétitions sportives à visionner sur sa plateforme. Déjà détenteur de droits de retransmission de matchs de baseball et de rencontres de football américain, le réseau social a mis la main au portefeuille pour garnir son panier de contenus exclusifs. Il a remporté cet été les droits de diffusion de la Premier League anglaise en Asie (en juin, Amazon avait lui aussi acheté les droits de 20 matchs par an du championnat britannique pour les abonnés de son service Prime Video) et plusieurs matchs de la Champions League, de la Ligue Europa et de la Liga espagnole pour l’Amérique Latine.

«Watch parties»

Des moteurs d’audience et de visibilité mais qui ne constituent qu’une tête de gondole de Watch, explique-t-on chez Facebook. «Les contenus achetés sont minoritaires sur Watch», précise Fidji Simo qui insiste sur les possibilités de monétisation offertes par ce leader de la publicité en ligne – il exerce un duopole sur ce marché avec Google et en tire 97% de ses revenus – afin d’attirer les créateurs de contenus. Les utilisateurs du service auront tout loisir de proposer leurs vidéos et d’échanger avec leurs créateurs afin d’influer sur le déroulement de ces programmes à travers le format maison des «watch parties». «Nous voulons rapprocher les gens grâce à des contenus interactifs, a détaillé Fidji Simo. Les gens peuvent commenter, voter, influer sur le dénouement».

Accessible sur smartphone, tablette, ordinateurs et via les téléviseurs connectés qui sont devenus la norme, Facebook Watch revendique aujourd’hui 50 millions de spectateurs mensuels outre-Atlantique. Un début notable, même s’il reste loin de YouTube, leader incontesté des plateformes vidéo. De son côté, Amazon bénéficie d’une très efficace canal de commercialisation : son service Prime Video accessible dans 240 pays est «offert» aux abonnés de son service de livraison express Prime qui dépasse les 100 millions d’inscrits dans le monde, à des prix variant de 15 dollars pour l’Inde à 99 aux Etats-Unis (en passant par 40 euros en France).

L’arrivée de Facebook sur le marché déjà très occupé des plateformes vidéo divisé entre les offres payantes comme Netflix, Hulu ou HBO et gratuites comme YouTube – qui propose également une offre payante baptisée YouTube Red – doit permettre au réseau social de se relancer aux yeux des investisseurs qui l’ont lourdement sanctionné en bourse. En juillet dernier, le titre a dégringolé en une seule journée de 19%, amputant en quelques heures sa capitalisation boursière de quelques 118 milliards de dollars. Le réseau social n’affichait alors «que» 2,23 milliards d’utilisateurs mensuels actifs (+11% sur un an), en deça des 2,25 milliards anticipés par les marchés, prêts à sanctionner le moindre signe de faiblesse du titan dont l’image a été durablement ternie par la tempête Cambridge Analytica. Depuis ce jour noir, le cours de l’action ne s’est guère repris.

Pour le patron de Facbook Mark Zuckerberg, qui entend faire deu réseau la plateforme de référence à laquelle «les internautes pensent lorsqu’ils recherchent des vidéos», ce nouveau service doit permettre de relancer la dynamique en favorisant des «interactions sociales qualitatives». A l’entendre, rien ne vaut la vidéo pour fédérer ses milliards d’utilisateurs et promouvoir un usage plus responsable, nouveau mantra maison. «Les communautés formées autour de vidéos comme les émissions télévisées ou le sport créent un plus grand sentiment d’appartenance que d’autres sortes de communautés, déclarait-il fin 2017. Et les vidéos en direct génèrent dix fois plus d’interactions et de commentaires que d’autres vidéos.» CQFD.

En attendant «Apple vidéo»

Après l’arrivée de Facebook, il ne reste plus que Apple, pionnier de la vidéo en mode téléchargement, à ne pas – encore – proposer de service de streaming de contenus audiovisuels illimités à la demande. Régulièrement annoncée, l’arrivée d’un «Apple vidéo» sur le même modèle qu'«Apple Music» ne devrait cependant plus trop tarder, dans la foulée du milliard de dollars d’investissements que la firme à la pomme a décidé de consacrer à la production de séries télévisées en 2018 – avec dix projets annoncés au compteur.

Cette surabondance d’offres gratuites et payantes directement accessibles via n’importe quel support connecté sur fond de surenchère des Gafa, de Netflix et des poids lourds de «l’ancien monde » (Disney, HBO and co) est en passe de saturer un marché pourtant encore récent. Rien qu’aux Etats-Unis, on comptait pas moins de 487 séries produites l’an dernier. Dans cette foire d’empoigne qu’est devenu le marché des plateformes de contenus, seuls les plus puissants capables de toucher plusieurs milliards d’utilisateurs survivront. Facebook compte bien en être.

Christophe Alix