• épisodes de la loi travail

     

    Le droit des sociétés contourne allègrement depuis des années le droit du travail, et le gouvernement accélère le mouvement en exposant le tissu des petites entreprises à une aggravation de la concurrence avec les grands groupes.

    Les petites entreprises représentent d’après la Ministre du Travail elle-même

    • 55% des salariés,
    • 95% du total des entreprises et
    • 4% des délégués syndicaux …

    mais le gouvernement a SOIGNEUSEMENT évité de nous dire combien on comptait parmi ces « TPE » d’ « UNITES ECONOMIQUES ET SOCIALES » et qu’est-ce que ce terme recouvrait.

    Après avoir expliqué ce que sont les unités économiques et sociales, nous verrons en quoi les TPE fictives issues des grands groupes menacent l’existence des TPE réelles via l’inversion des normes du travail* (*les accords d’entreprises prévalant sur la Loi). Un dernier paragraphe traitera des moyens dont chacun d’entre nous dispose individuellement et collectivement pour peser sur certaines évolutions.

     

    I QUEST-CE QUE LES UNITES ECONOMIQUES ET SOCIALES ET EN QUOI CES STRUCTURES PERTURBENT LA CONCURRENCE ENTRE TPE ?

    Les unités économiques et sociales (UES pour la suite de l'article) sont en réalité de grandes entreprises qui ont dissout leurs responsabilités sociétales en se scindant en de multiples TPE fictivement indépendantes en vue d' une « optimisation » de leurs résultats financiers.

    Elles répartissent leurs salariés dans ces TPE fictives à raison de moins de 11 salariés par structure, seuil qui permet de ne pas avoir de délégué du personnel.

    Ces grandes UES dénient ainsi aux salariés leurs droits à représentation, ce qui explique le taux de syndicalisation de 4% des TPE dont la Ministre semble faire, bien à tort, reproche aux syndicats …. 

    Tout aussi grave, ces UES réduisent le vivier des TPE réelles en faisant  une concurrence déloyale aux petites structures issues de la société civile : petits employeurs indépendants, artisans, patrons de TPE réelles qui ne peuvent NI avoir accès ni aux réseaux de fournitures à prix cassés des UES, NI aux services généraux comptables et juridiques rompus à « l’optimisation fiscale et sociale » de ces structures, NI à la clémence de l'administration fiscale via le "verrou de Bercy".

    Prenons quelques exemples concrets :

    Dans la grande distribution, l’enseigne d’épicerie LEADER PRICE est en réalité la propriété du groupe CASINO. CASINO a créé une holding pour cette enseigne low cost composée d’un prestataire de services et de multiples magasins fictivement « indépendants » qui dépendent de ce prestataire et sont dirigés par des gérants sous contrats commerciaux censés être les véritables employeurs de leur personnel ;

    En réalité ces gérants sont en lien de subordination puisqu’un chapître du code du travail concerne leur sécurité sociale et la rupture du contrat de travail pourtant réputé être un contrat commercial…. c'est ainsi que le contrat de gérance de mon épicier a été rompu parce qu'après trois mises en demeure il refusait d'ouvrir le Dimanche.

    Les salariés des leader price ne bénéficient pas non plus des avantages sociaux des salariés de la maison mère pas plus qu’ils ne peuvent avoir une représentation du personnel NI au niveau de LEADER PRICE qui n'est qu'une enseigne NI sur leur établissement dès lors que le magasin a un nombre de salariés insuffisant . Cela donne des situations comme celle constaté à Troyes. Cela induit aussi des problèmes comme le scandale récent de la distribution d'oeufs contaminés.

    Cette précarisation sociale concerne aussi des salariés très diplômés ; ainsi dans le tertiaire : une société peut être dépecée en une entité pour les services généraux, une entité pour l’ingéniérie et la conception des produits, ou la R et D, une entité de commerciaux pour la diffusion des produits, une entité technique pour la réalisation des produits la pose la maintenance, toutes, bien entendu, en dessous des seuils permettant la représentation salariale et donc un minimul d'information sur la marche des affaires. A cela s'ajoute les remontées abusives de résultats sur la holding par le jeu de prix surestimés de ses prestations .

    Dans ce contexte, les difficultés économiques d’une des entités sont très aisées à « organiser » ce qui rend les ruptures collectives économiques conventionnelles des ordonnances MACRON très problématiques pour la stabilité de l’emploi et les comptes de l’UNEDIC.

    Dans le secteur industriel même schéma : une société est dépecée avec une entité pour les services généraux, une entité pour le réseau commercial, une entité pour chaque composant du produit fini, une entité pour leur assemblage et une entité pour l’expédition du produit quand cela n’est pas externalisé.

    Certaines entités peuvent être implantées à l'international, en particulier la holding souvent hébergée dans un paradis fiscal, ce qui prive l'Etat de nombre de ses rentrées fiscales.

     

    Ce mouvement de scission des grands entreprises va se poursuivre puisque les ordonnances MACRON  autorisent l’employeur fictif de ces petites unités à faire du dumping social en proposant UNILATERALEMENT après consultation référendaire éventuellement comminatoire ;

    • de réduire les rémunérations suppression des primes (d’ancienneté , treizième mois, primes d’astreinte , de transport de déshabillage, de nettoyage , de fourniture de vêtements de travail etc ….), diminution imposée de la durée du travail avec diminution consécutive du salaire ou à l’inverse augmentation de la durée du travail sans augmentation des salaires ce qui revient au même. Donc, à terme, tout le monde au SMIC pour 48H hebdomadaire de travail puisque c’est la limite européenne.
    • de changer les règles d’organisation du travail horaires modifiés sans tenir compte de la vie de famille et dans l’irrespect du principe de préservation de la santé des salariés puisque les droits à repos journaliers, hebdomadaires et annuels peuvent être fractionnés : Une nuit interrompue par une prestation étant censée être l’équivalent d’une nuit de repos normale. Fin de l’indemnisation de l’astreinte, travail du dimanche sans volontariat et sans contrepartie etc …. Etc ….

    Or une fois que les TPE n’appartenant pas à des UES se seront alignées sur cette baisse des normes sociales elles continueront à ne pas jouer dans la même cour n'obtenant,

    • NI un traitement fiscal équitable par rapport aux UES,
    • NI l'équité de traitement en cas de litige avec l'administration fiscale puisque le « verrou » de Bercy n’a pas sauté,
    • NI l’accès aux réseaux de fournitures à prix cassés de ces UES
    • NI à leur expertise en matière de droit social si bien que l’inversion des normes et la fin du principe de faveur constitueront pour elles seules un risque juridique nouveau, pas pour les UES qui pratiquent le low cost depuis longtemps.

    Monsieur MACRON en est parfaitement conscient puisqu’il propose une base de données des obligations salariales et patronales alors que, bien évidemment une base de données, ne répondra pas à la variété des situations.

    Pour avoir tenu un blog juridique pendant 17 ans qui comptabilisait à ma retraite plus de 10000 visiteurs par jour en semaine, je peux vous dire que je ne suis jamais parvenue à traiter l’extrême variété des situations personnelles en 17 années de patiente amélioration du contenu des fiches que je mettais en ligne. Le forum a toujours comporté de nombreux messages : sur les cinq dernières années il avait enregistré 33293 messages.

     

    II AVEC L’INVERSION DES NORMES LE PATRON D'UNE TPE REELLE NE SERA JAMAIS SUR DE SON « BON » DROIT

    Un simple salarié peut contester par question prioritaire de constitutionnalité, (« QPC » dans la suite du texte) tout article s’appliquant à son litige que ce soit un article issu d'une convention ou même de la Loi : La QPC très médiatique sur le harcèlement sexuel a occasionné la modification complète de la législation afférente dans plusieurs Codes.

    Des CONVENTIONS COLLECTIVES et ACCORDS DE BRANCHES ont également été déclarés illégaux au regard des droits constitutionnels ou accords internationaux par la Cour de Cassation alors, qu’à priori ,des juristes de haut vol avaient participé à leur rédaction ….

    Un entrepreneur en LEGIFERANT DANS SON ENTREPRISE par accord d’entreprise ou via un référendum prendra en charge de nouveaux risques juridiques causes d'une recrudescence des sources de contentieux.

    Dans la plupart des cas, l’employeur tentera de sécuriser sa décision en faisant appel à ses frais à un avocat sans aucune garantie de bonne fin car si c’était si simple il n'y aurait pas une recrudescence des QPC et pas 77 arrêts de Cour de cassation portant sur les occurrences "conventions collectives ET droits fondamentaux".

    Il s’agit d’affaires où des conventions collectives contreviennent aux droits fondamentaux des salariés ou aux accords internationaux ou bien des affaires dans lesquelles l’interprétation par l’employeur de l’étendue de ses droits sur la base d’un texte conventionnel s’est révèlée contraire aux droits fondamentaux ou aux accords internationaux… 

    L’accord d'entreprise ou le référendum ne préserve nullement l’employeur de ce type de litiges qui ont des sources extrêmement variées : 

    • Santé du salarié au travail  : dans ce contexte le fractionnement du temps de repos journalier, hebdomadaire et annuel, les astreintes comme les forfaits jours sont à haut risque pour les employeurs…
    • Défaut d'information des salariés sur les engagements qu’il prend par son contrat de travail  : ce qui n’est pas notifié par écrit n’est pas opposable au salarié en cas de litige et les ordonnances MACRON n’imposent toujours pas un contrat écrit contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays européens.alors même qu’il y aura autant réglementations du travail que d’entreprises...
    • Défaut d’information des salariés sur la marche de l’entreprise notamment en cas de ruptures conventionnelles COLLECTIVES des contrats de travail pour des raisons économiques dans des entreprises où il n’y a pas de CES (Comité Economique et Social, nouvelle version du Comité d’entreprise) puisque l’inspection du travail NE GARANTIT pas la réalité desdites causes économiques mais uniquement la régularité formelle de la procédure.

    Une rupture conventionnelle peut toujours être dénoncée contrairement à ce que l’on croit notamment quand il y a un vice de consentement.

    • Défaut de prise en compte des conditions nécessaires à la fondation et à la vie de la famille ce qui peut rendre une organisation du travail inconstitutionnelle.
      • Les changements OBLIGATOIRES d’horaires,
      • la réalisation obligatoire d’heures supplémentaires et de dimanches travaillés (contrairement à ce qui se passe en Allemagne),
      • les modifications de durée de travail ayant des conséquences graves sur les ressources familiales,
      • les changements de lieu de travail par clauses de mobilité NON INDEMNISEE, contraires au code civil, 
    • L’irrespect du principe à travail égal, salaire égal tous ces sujets, dont la liste n'est pas exhaustive, sont à haut risques de sinistralité juridique.

     

    III QUE FAIRE DANS UN CADRE LEGAL ?

    LE PREMIER MOYEN D’ACTION consiste à accentuer la pression politique 

    Puisque le gouvernement par les ordonnances a rendu l’Assemblée Nationale muette comme une carpe :

    • Manifester, écrire à vos députés, pétitionner pour réclamer que tous les articles soient a minima validés par le conseil constitutionnel ce qui évitera la multiplication des contentieux ;
    • Réclamer un rééquilibrage des textes par les décrets,
    • réclamer un référendum sur les choix sociétaux générés par les changements législatifs ;
    • Exiger qu'on finalise une réelle sécurisation des parcours professionnels AVANT la mise en oeuvre de la dérégulation.

    LA SECURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS EST EN EFFET EN GRAND DANGER DE NE JAMAIS VOIR LE JOUR .

    Parmi les promesses de campagne que l’on peut soutenir, il y avait 

    • l’accès des indépendants et auto-entrepreneurs à l’assurance chômage,
    • le droit à indemnisation du chômage pour les démissionnaires 
    • Un accès facilité à la formation professionnelle continue,

    MAIS ces projets ne peuvent aboutir qu’avec un compromis signé par toutes les parties concernées et l'on est très loin d'un tel compromis :

    Si l’on écoute le gouvernement tous ces frais nouveaux seraient, comme par miracle, compensés par une augmentation de la CSG affectant toutes les familles mais plus particulièrement les retraités « aisés » sans que l’on sache où se situe le curseur de l’aisance ; Certaines sources parlent de pensions de retraite de plus de 1200 euros.

    Rappelons qu'une pension de retraite est un « salaire différé correspondant l'investissement professionnel antérieur du bénéficiaire » et que les autres revenus des retraités relèvent fréquemment de l'épargne de toute une vie. 

    Ajoutons que nombre de retraités sont encore les soutiens de leurs très vieux parents tout en assumant encore l'entretien partiel d'enfants adultes qui sont en contrats précaires,situation qui ne va pas être améliorée par le CONTRAT DE TRAVAIL DIT DE PROJET des ordonnances MACRON qui est en réalité un CDD dépourvu d'indemnisation de la précarité et interdisant à son titulaire de démissionner ... s'il trouve une meilleure place ailleurs.

    Nous sommes donc aujourd'hui très loin d'avoir un COFINANCEMENT SOCIETAL consensuel de l'indemnisation du chômage et de la formation continue alors que l'évolution de la robotique fait craindre une grande évolutions des métiers dans les prochaines années et de nombreuses pertes d'emplois.

    Le gouvernement fait en ce moment le "PARI A COURT TERME" d’une reprise qui selon ses projections à deux ans , viendrait réduire grandement le nombre de chômeurs alors même qu’il facilite les emplois précaires et les licenciements alourdissant la charge de l’UNEDIC .

    Il se prive en outre VOLONTAIREMENT d’un certain nombre de ressources :

    Le moins que l’on en puisse dire c’est que ce PARI est risqué.

    SECOND MOYEN D’ACTION à la portée des salariés de TPE : Vous pouvez contrer juridiquement LES ORDONNANCES MACRON lorsqu’elles seront appliquées dans votre entreprise soit collectivement soit à titre individuel par question prioritaire de constitutionnalité si un litige survient concernant des mesures unilatéralement imposées par l’employeur susceptibles de contrevenir à des dispositions constitutionnelles ou à des accords internationaux.

    TROISIEME MOYEN D’ACTION à la portée des salariés d’unité économiques et sociales : lorsque vous appartenez à une TPE fictive issue d’une grande entreprise vous pouvez faire RETABLIR JURIDIQUEMENT EN TANT QUE SALARIE VOTRE DROIT A REPRESENTATION ET NEGOCIATION ce qui évitera la propagation du dumping socialVous pouvez faire reconnaitre l’unité économique et sociale par le tribunal d’ instance de votre secteur en vous syndiquant pour que l’action collective , qui est une obligation dans ce cas, puisse avoir lieu et être prise en charge financièrement par le syndicat de votre choix .

    Il faut savoir que la Cour de cassation condamne ces groupes qui ne se déclarent pas comme tels puisqu’une recherche de jurisprudences par les mots clefs : « Cour de cassation » , « chambre sociale » et « unité économique et sociale » donnait cette semaine 1136 occurrences.

    QUATRIEME MOYEN D’ACTION à la portée des consommateurs : le boycott des employeurs qui ne se montreront pas socialement responsables  : vous favoriserez ainsi l’élévation des normes sociales

    CINQUIEME MOYEN D’ACTION inventer un autre salariat

    Chacun(e) d’entre nous peut donc avoir une action individuelle dont la multiplication influencera forcément le cours délétère de la LOI TRAVAIL initiée par Monsieur MACRON lorsqu’il a, pour être élu par les déçus de Monsieur FILLON, décidé d’inverser l’ordre des réformes faisant passer sous forme d'ordonnances la flexibilité du travail AVANT la sécurisation des parcours professionnels.

     

     

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