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on ne sait plus quoi manger de peur dêtre empoisonné
Salmonelles dans les œufs, mercure dans les boîtes de thon, larves dans le riz… Que se passe-t-il dans nos assiettes ?
Publié le 30/10/2024 à 6h15.Mis à jour le 30/10/2024 à 9h24.Les alertes et rappels de produits alimentaires de base se succèdent, générant chez les consommateurs un vent de panique. Même les œufs, le thon en boîte, le riz, qui sont autant de produits de base, que l’on mange en général les yeux fermés. Que risque-t-on ? Et pourquoi cet emballement ?
« Allo maman ? J’ai acheté une boîte de six œufs frais, tu crois que je peux les manger ? Euh, je ne connais pas la marque en fait, ils n’étaient pas chers. » Maman, en l’occurrence, vit à 700 kilomètres, et son fils étudiant a un budget limité pour faire ses courses de la semaine. Renseignement pris, il s’agit bien des œufs porteurs de salmonelle. L’étudiant hésite à tout jeter, mais sur les conseils avisés de sa mère, il fera tout bouillir pour les manger en œufs durs. Depuis le 25 octobre, 3 millions d’œufs font en effet, l’objet d’un rappel en raison d’un risque de contamination par la bactérie Salmonella Typhimurium, responsable de la salmonelle. En clair, si l’étudiant avait mangé son œuf frais à la coque, il aurait pu développer une salmonellose, genre sale gastro-entérite, avec vomissements, diarrhée et fièvre. Sans conséquence pour lui, mais beaucoup plus pour les personnes âgées, et les jeunes enfants.
Ni frais, ni en mayo
Ces œufs vendus entre le 12 septembre et le 24 octobre, ont été commercialisés dans diverses enseignes à travers toute la France : Lidl, Carrefour, Auchan, Intermarché, U, Leclerc et… Restos du cœur. À l’origine de ce retrait magistral, le signalement fait par la société Ovalis, gigantesque entreprise de production d’œufs, de la présence de la Salmonella, pouvant générer une toxi-infection alimentaire collective (Tiac). Cette bactérie se développe dans le système digestif des poules pondeuses, se transmet lors de souillure des œufs par des matières fécales contaminées. Selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), « on peut consommer ces œufs en les cuisant à + 65 °C ou en pâtisserie, ce qui va détruire ces bactéries. » Ceux qui sont déjà tombés malades en ont mangé préparés en mayonnaise, en crèmes, au plat ou à la coque.
Thon en boîte, riz, pizzas…
Autre coup de tonnerre, ce mardi matin dans nos garde-mangers : le thon en boîte, au piquet ! Incontournable thon en boîte, dont sont friands les enfants, les étudiants, les familles pressées. Pas cher et bon pour la santé. Un rapport des ONG BLOOM et Foodwatch met en lumière la teneur en mercure, ultra-concentrée, dans les boîtes de thon parmi les plus vendues au supermarché, notamment l’indétrônable Petit Navire. L’Anses, dans ses recommandations précise depuis longtemps déjà qu’il faut limiter la consommation de poissons : « À haute dose, le méthylmercure est toxique pour le système nerveux central de l’être humain, en particulier durant son développement in utero et au cours de la petite enfance. La consommation de poisson constitue la principale source d’exposition alimentaire au méthylmercure, donc, il ne faut pas manger du poisson plus de deux fois par semaine et choisir plutôt le saumon, sardine, maquereau, hareng, colin, merlu, cabillaud, sole. » Plusieurs marques de boîtes de thon sont pointées par BLOOM et Foodwatch, mais celle qui est particulièrement critique est donc Petit Navire, avec sa teneur en mercure explosant tous les compteurs : soit 3,9 mg/kg, 13 fois plus élevée que celle des autres espèces de poissons.
Ces problèmes sanitaires sont le fruit d’un système agroalimentaire industrialisé. On a éloigné les aliments, des producteurs et donc des consommateurs, ceci pour fournir à défaut de la qualité, de la quantité
En 2022, c’était le scandale des pizzas contaminées à la bactérie E. coli : deux enfants étaient décédés, et on comptait les malades par dizaines. Le plus inoffensif des aliments de base, le riz, a lui-même fait l’objet de rappels conso cette année, en raison de présence de pesticides et de larves d’insectes. La liste des produits alimentaires anxiogènes ne cesse de s’allonger.
Industrialisation
Face à cette série noire, Bernard Del’homme, agroéconomiste, maître de conférences en gestion à Bordeaux Sciences Agro, rattaché à l’unité de recherche Ettis (environnement, territoires en transition, infrastructures, sociétés) de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), renvoie les consommateurs à leur responsabilité. « Ces problèmes sanitaires ne sont pas nouveaux, tempère-t-il. Ils sont désormais mis en avant par l’importance des contrôles. Mais ils sont le fruit d’un système agroalimentaire industrialisé. On a éloigné les aliments des producteurs et donc des consommateurs, ceci pour fournir, à défaut de la qualité, de la quantité et donc, de la normalisation. »
Ce système agroalimentaire de masse est en fin de parcours, il va falloir beaucoup de temps, beaucoup de pédagogie pour revenir à une alimentation de proximitéSelon lui, en éloignant les aliments bruts des consommateurs, en élargissant les élevages et les quantités de nourriture débitées, on a multiplié les risques sanitaires. « Les gens font confiance à la boîte, oublient de connaître la provenance, la façon dont le produit est travaillé, d’où il vient. Ce processus de déresponsabilisation des consommateurs, on le voit, est au bout de sa logique. Ce système agroalimentaire de masse est en fin de parcours, il va falloir beaucoup de temps, beaucoup de pédagogie pour revenir à une alimentation de proximité. C’est la base de nos travaux de recherche : faire le lien entre agriculture, alimentation et territoire. La proximité est la seule issue. »
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