• Covid-19 : des millions de doses de Paxlovid déjà commandées à Pfizer

    Une centaine de pays et organisations auraient débuté des discussions avec l’industriel américain pour obtenir le comprimé.

     

     

     

     

    Par Zeliha Chaffin

     

    Pfizer va-t-il une nouvelle fois rafler la mise ? Après une année 2021 couronnée de succès grâce aux ventes de son vaccin Comirnaty contre le Covid-19, développé avec l’allemand BioNTech, le laboratoire pharmaceutique américain s’apprête à inonder le monde de son tout nouveau produit contre le SARS-CoV-2 : Paxlovid.

    Ce nouveau traitement contre le virus, pour l’instant réservé aux patients infectés les plus à risque de développer une forme grave de la maladie, n’est pas le premier à faire irruption sur le marché. En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a déjà accordé son feu vert à une série de remèdes, dont Evusheld, un anticorps monoclonal mis au point par le britannique AstraZeneca, ou, plus récemment, Xevudy, le traitement de son compatriote, le londonien GlaxoSmithKline (GSK). Pfizer dispose toutefois d’un avantage sérieux : à l’inverse de ses rivaux, dont les produits nécessitent d’être administrés par injection intraveineuse, son traitement antiviral se présente sous la forme de comprimés à avaler deux fois par jour. Bien plus pratique pour les patients.

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    Cette petite révolution dans l’arsenal thérapeutique contre le virus devrait largement profiter à l’industriel new-yorkais. D’autant plus que le fabricant de médicaments devrait, comme lors de l’arrivée des vaccins, profiter des déboires de ses compétiteurs. Son principal rival, l’américain Merck, dont la pilule contre le Covid-19 promettait à l’automne 2021 une sérieuse concurrence aux ambitions de Pfizer, a brutalement vu ses espoirs s’effondrer, son traitement se révélant bien moins efficace que prévu. La France, qui avait d’ailleurs passé une pré-commande à Merck en octobre 2021, a annulé son contrat mi-décembre pour se tourner vers Pfizer.

    Un total de 27 millions de doses

    Du pain béni pour Pfizer. Le laboratoire pharmaceutique aurait déjà commencé des discussions en vue de potentielles commandes auprès d’une centaine de pays et organisations, dont récemment avec le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies afin de fournir le continent africain. Le cabinet Airfinity évalue à 19,5 milliards de dollars (17,2 milliards d’euros) le gain potentiel de Pfizer en 2022 avec les ventes de son produit. Plus d’une douzaine de contrats ont déjà été paraphés, pour un total de doses avoisinant les 27 millions.

    Parmi les grosses commandes figure notamment celle des Etats-Unis. Après l’annonce, mi-novembre 2021, d’un premier accord de 5,29 milliards de dollars (4,7 milliards d’euros) pour 10 millions de doses, soit environ 466 euros par cure de traitement, le gouvernement de Joe Biden a doublé la mise début janvier.

     


  • GAFAM : comment l’Europe entend mettre fin au "Far West numérique"

     

     

    Le Parlement européen vient de se pencher sur une directive phare, le Digital Services Act (DSA), censée obliger les GAFAM à modérer les contenus de leur plateforme. Qu'attendre en termes de liberté numérique d'une directive chère à Emmanuel Macron, lequel vient de prendre la présidence du Conseil de l'Union européenne ?

    « Tout ce qui est interdit dans l’espace public sera interdit dans l’espace en ligne. » Voici la genèse du Digital Service Act (DSA) européen, régulièrement expliqué par le Commissaire européen pour le Marché intérieur, Thierry Breton. En somme : le Far West, c’est terminé. En plus du DMA (Digital Market Act) qui aura pour objectif de réguler le marché des plateformes et de mieux contrôler le statut d’ultra-dominant des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – ce texte prendra le relais de la vieille directive sur le commerce électronique datant de 2000.

    Actuellement débattu et voté au sein du Parlement européen, le DSA introduit des obligations pour les grandes plateformes, dont les GAFAM, en matière de modération de contenu (discours de haine, désinformation, pornographie…), de produits illégaux (contrefaçons, armes…) ainsi que sur la transparence de leurs algorithmes. Pour ces grandes plateformes, il sera désormais interdit de pouvoir favoriser ses propres produits en ligne. La France, actuellement aux manettes du Conseil de l’Union européenne jusqu’au 30��juin, espère présenter une version finale avant cette date.

    Fin du principe « du pays d’origine » ?

    Comment cela devrait-il marcher dans les faits ? Bien sûr, les plateformes ne seront pas obligées de surveiller tous les contenus qu’elles hébergent. La tâche semblait aussi impossible qu’inquiétante en termes de liberté d’expression, dont les clés de la régulation auraient été déléguées à des acteurs privés. En revanche, elles devront prendre des mesures rapides de modération à la demande d’une autorité compétente. Mais laquelle ? Celle du pays qui accueille le siège européen de ces plateformes ? Ce principe dit « du pays d’origine » avait déjà montré ses faiblesses avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Notamment parce que l’Irlande, qui héberge Facebook, Twitter ou Google n’avait que très peu d’intérêt à pénaliser ces pourvoyeurs de milliers d’emplois.

     

    Sous pression de la France et après de nombreux débats entre les Vingt-Sept, les règles devraient être différentes. Ce rôle de régulation devrait revenir à une structure nouvelle de la Commission européenne, selon le dernier texte de compromis datant de novembre dernier. Plus rassurant ? Nous le saurons à l'usage. Mais ce n’est pas tout. Les particuliers et les organisations pourront également signaler un contenu suspect ou exiger qu’une plateforme justifie une décision de retrait. Le texte serre aussi la vis pour les plateformes pornographiques qui devront, notamment, s’assurer que les utilisateurs qui téléchargent du contenu sont majeurs. Pour réguler ces entreprises, la Commission propose la mise en place d’outils. Et des sanctions si elles ne font pas le nécessaire, a priori équivalentes à environ 6 % du chiffre d’affaires.

    Et la liberté d’expression ?

    Ce texte reste cependant très sensible à l’heure où bon nombre d’internautes, parfois des élus, crient à la censure dès qu’un de leurs posts est supprimé par un réseau social. Mais ce texte ne devrait pas permettre à une plateforme de supprimer toutes les publications d’opinions.

    Exemple : vous pourrez continuer à dire que vous avez des doutes sur le vaccin. En revanche, si un post vous incite à acheter du white-spirit pour lutter contre le Covid, celui-ci devrait être supprimé. « En bref, tout ce qui est illégal sur le plan juridique, comme réhabiliter Vichy ou proférer des insultes racistes ou qui met directement la vie de personnes en danger » explique un fin connaisseur du sujet, proche du parlementaire européen. « Mais juger ce qui est acceptable ou non restera une tâche bien complexe », concède-t-il.

    Et pour la presse ?

    Quant à la presse et ses posts sur les réseaux, une question se pose : Facebook et l’autorité européenne pourront-ils supprimer des articles des plateformes ? Nombreux sont ceux qui estiment que les plateformes en ligne ne devraient pas contrôler le contenu éditorial pour lequel les éditeurs sont légalement responsables.

    « Certains considèrent que les médias sont directement identifiables et les plateformes ne doivent pas être juges de ce qu’ils publient. S’ils relayent de fausses informations ou se mettent hors-la-loi, c'est à la justice du pays de faire son boulot » poursuit notre expert. C’est d’ailleurs cette position qui est passée au Parlement européen : « l'exemption des médias » des règles du DSA au nom du pluralisme et de la liberté de la presse.

    Mais d’autres s'interrogent. Qu'entend-on par « média » ? Que se passe-t-il quand un acteur revendiquant ce titre diffuse aussi de la désinformation ou des contenus illégaux. Certains craignent ainsi que l’exclusion des médias de la législation n’ouvre une boucle dangereuse pour la diffusion de la désinformation.