• Fabrice Pouliquen

    Publié le 28/02/17 à 07h55 — Mis à jour le 28/02/17 à 10h38

     

    Illustration d'un élevage de porcs, ici près de Rennes, en 2015.

    Illustration d'un élevage de porcs, ici près de Rennes, en 2015. — C. Allain / APEI / 20 Minutes

    La souffrance animale se limite-elle aux abattoirs ? Médiatiquement oui, bien souvent. Les images de l’association L214, tournées en caméra cachée dans les salles de mise à mort d’abattoirs français, ont été largement reprises sur le web et provoquées des haut-le-cœur chez bon nombre de Français.

    Frédérique Mergey prend de la hauteur dans « La fin de la souffrance animale ? ». Le documentaire sera diffusé mardi soir dans « Le monde en face » sur France 5. Pour le coup, la réalisatrice a remonté toute la filière viande, à rebours, à travers le prisme du bien-être animal. D’abord les abattoirs, puis les transporteurs et enfin l’élevage intensif.

    L’élevage intensif… la bête noire des ONG

    Chaque année, un Français mange en moyenne 86 kilos de viande et 80% des animaux consommés sont issus d’élevages intensifs. C'est la bête noire de L214. « Plus encore que les abattoirs », précise Frédérique Mergey à 20 Minutes. Les images chocs ne manquent pas là encore. « La fin de la souffrance animale ? » en compile quelques-unes : des poussins broyés, des poulets entassés, des lapins couverts de crevasses à force de tenir sur des grillages et d’autres mutilations encore pour accroître la rentabilité des élevages.

    Mais Frédérique Mergey ne s’arrête pas aux constats. Elle donne aussi la parole, et pas seulement aux ONG, souvent rompues aux techniques de communication, mais aussi à la défense : des directeurs d’abattoirs, des transporteurs, des éleveurs…

    Les vidéos de L214 ? « Je n’y crois pas »

    Serait ainsi venu le temps de communiquer. Côté éleveurs, ce désir est manifeste. Le 14 février, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) lançait une opération de communication intitulée « Les éleveurs respectent leurs animaux ». Anne-Marie Poupard, éleveuse de lapins dans le Maine-et-Loire, était l’une des agricultrices à témoigner. Paul Auffray, éleveur de porcs dans les Côtes-d’Armor et président de la Fédération nationale porcine, lui, ce sera sur le plateau de France 5 qu’il interviendra dans le débat qui suivra le documentaire de Frédérique Mergey.

    Contactés par 20 Minutes, les deux éleveurs expliquent vouloir « rétablir la balance » et commencent par remettre en question les vidéos de L214. « Je n’y crois pas, impossible que ça se passe en France, il y a trop de contrôles », glisse la première quand Paul Auffray, lui, décrit l’association comme « un groupuscule de type terroriste ». « En France, on est loin des feed lots américains [des parcs d’engraissement intensifs de bovins], clame-t-il. Les exploitations sont bien plus petites et bien plus soucieuses du bien être animal. »

    Des décalages entre discours et pratiques ?

    Pour les deux éleveurs, « maltraiter ses animaux de rente relève même de l’absurde ». « Un porc élevé dans de mauvaises conditions grandira moins vite, sera plus exposé aux maladies et, in fine, sera moins rentable pour nous éleveurs », illustre Paul Auffray.

    >> Lire aussi: Scandale des abattoirs: «Les cadences sont si élevées que la bête qui résiste devient ton ennemi»

    Frédérique Mergey pointe pourtant des contradictions entre les discours tenus et certaines pratiques. Les truies peuvent être maintenues de longs moments couchées sur le flanc, sans pouvoir bouger, juste vouées à nourrir leurs petits. Une directive européenne de 2008 stipule aussi que « les porcs doivent avoir accès, dans leur enclos, à des matériaux permettant des activités de recherche et de manipulation, comme la paille, le foin, la sciure… Une directive souvent contournée par l’ajout d’un petit ballon dans l’enclos.

    Qu’entend-on par bien être animal ?

    Cynisme ? Frédérique Mergey ne le pense pas : « Ces éleveurs sont souvent sincères dans leur désir d’assurer le bien-être de leurs animaux ». C’est alors peut-être un problème de définition : qu’entend-on par bien-être animal quand on parle de bêtes destinés à la consommation ? « Le citadin fera le parallèle avec son animal de compagnie, note Paul Auffray. Moi j’ai des animaux de rentes. Entre 1.300 et 1.600 porcs que je ne peux laisser libre dehors. Vous imaginez la pagaille ? »

    Le président de la Fédération nationale porcine ne nie pas la nécessité de poursuivre les efforts pour améliorer le bien-être de ces animaux. « Ce travail s’inscrit dans le temps, sur plusieurs années, estime-t-il, avant de prendre l’exemple du fameux ballon. « Nous travaillons à les remplacer par des cubes de pailles qui permettraient aux cochons de jouer comme de manger. »

    Il y a comme un équilibre à trouver. L’agricultrice Nicole Sergent, interrogée par Frédérique Mergey, le résume en une phrase : « Que l’animal soit bien, mais dans des techniques rentables ». Elle veut bien laisser ces cochons à l’air libre, mais prévient que le coût sera plus élevé pour l'éleveur et donc pour le consommateur. « Sera-t-il prêt à payer la différence», demande-t-elle dans une moue dubitative.


  • Bordeaux: De «Vous êtes charmante» à «Tu sais que t'es bonne»...La campagne du réseau TBM contre le harcèlement

    HARCELEMENT Elle a été lancée après qu'une étude a démontré que 80% des utilisatrices du réseau ont déjà été harcelées...

    Les affiches sont présentes dans les bus et tramway

     

    Les affiches sont présentes dans les bus et tramway - Affiche de la campagne Stop ça suffit

    Laetitia Dive

    « Je n’ai pas encore remarqué ces affiches mais a priori c’est une bonne idée, je vais faire attention une fois dans le tram ! ». Violaine, 22 ans, attend le tramway place de la Victoire avec son amie Anna. Toutes deux voient d’un bon œil la campagne de lutte contre le harcèlement sexiste mise en place dans les trams et les bus TBM de la métropole de Bordeaux.

    « Réponds sale chienne »

    Depuis quelques jours, des affiches qui prennent l’apparence d’un plan sont placardées à l’intérieur des transports. Mais en guise de noms de station, des phrases apparaissent.

    Elles ont été déclinées en trois rôles : celui du harceleur, celui de la victime et celui de la personne qui assiste à une situation de harcèlement sans réagir. Sur la première, cela commence par un simple « Mademoiselle » à la première station, suivi d’un « Vous êtes charmante » pour terminer sur un « Réponds sale chienne ».

    Les associations ont demandé que la campagne nationale soit reprise à Bordeaux. Les associations ont demandé que la campagne nationale soit reprise à Bordeaux. - Affiche de la campagne Stop ça suffit

    «Une enquête a été menée conjointement par la ville de Bordeaux, la métropole et la TBM. Les résultats (parus fin novembre) ont montré que 80 % des voyageuses ont déjà été victimes de harcèlement. On a décidé de réagir immédiatement », raconte Christophe Duprat, vice-président de Bordeaux Métropole.

    Une campagne déjà menée à Paris

    A la demande des associations, ils décident de reprendre les affiches proposées par la campagne « Stop ça suffit » menée à l’échelle nationale. « On ne voulait pas perdre de temps pour le mettre en place après l’enquête. Ça n’est pas anodin et on veut que les personnes qui harcèlent comprennent rapidement qu’il n’y a aucune tolérance. »

    Les conducteurs et le reste du personnel de la TBM ont été formés pour savoir détecter les cas de harcèlement. Les conducteurs et le reste du personnel de la TBM ont été formés pour savoir détecter les cas de harcèlement. - Affiche de la campagne Stop ça suffit

    Sur la ligne C du tramway, Sébastien, 31 ans, salue l’initiative : « J’ai tout le temps des copines qui me racontent qu’un type les a emmerdées. Parfois c’est l’air de rien, ils disent juste "t’es jolie" ou posent une question débile pour engager la conversation… Mais à la longue ça peut être lourd. »

    Et quand il apprend que 80 % des utilisatrices ont déjà vécu ces situations, le trentenaire n’en revient pas : « C’est horrible parce que ça signifie aussi que la proportion d’hommes qui harcèlent est plus élevée qu’on ne le croit… J’espère que je n’en connais pas ! »

    Jusqu’au 8 mars

    A Bordeaux, la campagne, inédite dans la ville, se poursuit jusqu’au 8 mars : une date symbolique puisqu’il s’agit de la journée de la femme. En parallèle, l’ensemble du personnel TBM est formé pour détecter des situations ou des gestes qui s’apparentent à du harcèlement.

    « On fera une nouvelle campagne l’an prochain, raconte Christophe Duprat. On attend les retours de celle-là et on espère surtout que d’ici là, le nombre de cas va baisser. »

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