Christophe Duniau est de ceux qui ont lâché la voiture au profit du train. Depuis septembre 2023, c’est un habitué de la ligne TER Pessac-Biarritz. Il l’emprunte pour un aller-retour hebdomadaire, alors qu’il télétravaille une partie de la semaine au Pays basque. Le train-train parfait pour cet homme de 55 ans qui, professionnel dans le médical, a enquillé les kilomètres sur la route durant toute sa carrière et apprécie le confort du rail. Enfin sur le papier.
« Que ce soit le jeudi ou le vendredi, la ligne est bondée, il n’y a pas une seule place pour s’asseoir », rage le voyageur. Il pointe ici la ligne L51, dont le départ de Bordeaux se fait à 15 h 19 pour une arrivée à Biarritz à 17 h 31. « Quand je monte à Pessac (un arrêt après Bordeaux, NDLR), les rames sont déjà pleines avec des gens debout, on peut à peine entrer dans le train ! »
Dans les scènes vécues depuis septembre, Christophe Duniau cite les tensions avec des gens « qui gueulent parce qu’il y en a qui poussent pour monter ». Sans compter les usagers avec vélo qui prennent une place précieuse dans ces rames devenues trop étroites. « C’est à Dax – soit à la moitié de son trajet, environ, NDLR – que l’on peut enfin trouver une place, parce que le gros descend pour la liaison avec Pau. »
Jeudi 12 octobre 2023, sur la ligne Bordeaux-Hendaye, à Pessac à 15 h 24, on ne pouvait déjà plus s’asseoir.« C’est un scandale ! »
Pour Christophe Duniau, cette galère hebdomadaire se résume en une phrase : « C’est un scandale ! » « Informatiquement, si vous pouvez vendre 200 places, vous n’en vendez pas 400, argumente-t-il. Les gens voyagent dans des conditions lamentables. » Le quinquagénaire a tenté d’obtenir des explications auprès de contrôleurs de la ligne. Mais à chaque fois, « ils ne sont pas concernés ». Le service client ? « Je ne tente même pas, ce sont toujours des réponses bien tournées, et vous n’avez pas de retour. C’est de la perte de temps. »
Louise Darricarere, étudiante en école d’infirmière à Bordeaux, ne dit pas mieux. Cette Bayonnaise de 19 ans rentre chez elle toutes les semaines et voyage à bord de la ligne, le vendredi. Comme Christophe Duniau, elle monte à Pessac. Ils se connaissent d’ailleurs de vue. Elle ne compte plus ses trajets, collée contre la porte. « Il y a trop de monde, on ne peut pas passer dans les couloirs. » Elle a en mémoire cette « maman qui a dû rester debout avec un petit en bas âge qu’elle a porté dans ses bras pendant tout le trajet ». Pour elle, le problème n’est pas nouveau : « L’an dernier, j’étais en 2e année, c’était déjà la même histoire. »
Victime de son succès
Pour expliquer cette situation, SNCF voyageurs décrit une ligne victime de son succès, avec, « de façon générale, une augmentation de fréquentation de plus de 33 % » sur les deux créneaux horaires, et « depuis le début de l’année 2023, 10 à 15 % supplémentaires » d’usagers. L’opérateur reconnaît que la ligne 51 a connu « des pics en septembre et octobre », les associant « à la prolongation de la période estivale [qui] a généré des flux parfois difficiles à anticiper ».
À la clientèle usuelle qu’accueille la ligne 51, en fin de semaine, soit « beaucoup de scolaires et de personnes partant en week-end », s’ajoutent « l’effet RTT et télétravail [qui] engendre des voyages en grand nombre dès le jeudi ». Enfin, note SNCF voyageurs, des travaux gérés par SNCF réseau se sont déroulés « en septembre et à nouveau depuis le 9 octobre » : or, dans le cadre de ces chantiers, il arrive que la voie où circule la L51 soit « restituée tardivement, ce qui génère la suppression du TER précédent. De ce fait, les clients se reportent sur le 15 h 19 ».
Alertes trop tardives
Fort de ces éléments, quelle est la marge de l’opérateur pour fluidifier le trafic ? À l’entendre, il n’y a pas de solution miracle. SNCF voyageurs l’admet : « Nous ne pouvons pas jauger la fréquentation des trains en amont, le constat se fait avec les ventes de billets ». Une alerte est alors faite par le service dédié, mais c’est « parfois trop tardif pour pouvoir disposer d’une rame supplémentaire ». Enfin, le transport des vélos, service gratuit, n’arrange pas la situation. La jauge est limitée à 6 places maximum : « Certains ne comprennent pas ce seuil, et cela génère des montées à l’insu du contrôleur ».
Un nouveau sillon, cela ne s’obtient pas comme ça, mais pourquoi pas une desserte plus cadencée ?
À ce stade, l’ajout de TER Bordeaux-Hendaye sur les jeudis et vendredis n’est pas à l’ordre du jour. Mais SNCF voyageurs ne se l’interdit pas : « Un nouveau sillon, cela ne s’obtient pas comme ça, mais pourquoi pas une desserte plus cadencée ? » En revanche, cette création implique une étude de faisabilité, entendre que la solution ne verra pas le jour en 2023. Si les feux étaient au vert, l’opérateur parle plutôt de l’horizon 2025, année où est prévu l’achat de matériel par la Région, qui ira renforcer les lignes le plus dans le besoin. Sûr que les passagers du Bordeaux-Hendaye n’auront pas envie de regarder ce train passer.