• Le président des ultrariches

    La caste au pouvoir

    Sociologues, spécialistes de la bourgeoisie et de l’oligarchie françaises, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot publient une chronique sociale de la France de M. Emmanuel Macron. Leur synthèse jette une lumière crue sur le mépris de classe d’un président mal élu et sur l’accaparement du pouvoir par une caste — deux détonateurs du soulèvement français.

     

    Entre le résultat de M. Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle, le 23 avril 2017, et le score de La République en marche (LRM) au premier tour des élections législatives, le 11 juin suivant, il y eut une érosion de plus de deux millions de voix.

    Le raz de marée initialement promis fut d’autant moins au rendez-vous que l’abstention, elle, a battu des records au second tour des législatives : plus de vingt millions d’électeurs, soit plus de la moitié des inscrits, ont préféré ce jour-là aller à la pêche. LRM a ainsi réussi la prouesse d’obtenir, avec à peine 7 826 432 voix, 308 sièges à l’Assemblée — soit une majorité absolue permettant à M. Macron de faire entériner son programme néolibéral.

    En juillet 2017, M. François Ruffin, nouvel élu de La France insoumise, a fait circuler un graphique montrant la composition socioprofessionnelle de la nouvelle Assemblée nationale. Celle-ci penche très nettement du côté des cadres et des professions intellectuelles supérieures, qui représentent 76 % des députés alors que cette catégorie socioprofessionnelle ne concerne, en 2017, que 18 % de la population active, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

    Sans surprise, à l’autre bout de l’échelle sociale, c’est l’inverse. Les 20,8 % d’ouvriers de la société française ne se retrouvent que 0,2 % dans l’Hémicycle. Même constat pour les employés, avec respectivement 27,2 % dans la population active et 4,58 % des députés, et pour les professions intermédiaires : 25,7 % des actifs et 6,3 % à l’Assemblée.

    En 2017, M. Macron s’est d’emblée entouré d’un premier « gouvernement de riches », avec quinze ministres ou secrétaires d’État millionnaires sur trente-deux.

    Des biens et des liens

    Madame Muriel Pénicaud, ministre du travail, a déclaré le patrimoine le plus élevé, avec plus de 7,5 millions d’euros. Elle est propriétaire d’une maison dans les Hauts-de-Seine, estimée à 1,3 million d’euros, et d’une résidence secondaire de 340 000 euros dans la Somme. (...)


  • En réclamant la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), les « gilets jaunes » ont soulevé un débat centré sur le référendum. Ce n’est pourtant là qu’une voie d’expression de l’initiative citoyenne, favorisée dans plusieurs pays. Les conditions du partage de l’information et du débat public, sous le contrôle de gouvernants soucieux de protéger l’ordre établi, restent déterminantes.

    Depuis le début du XXe siècle, la volonté d’encourager l’initiative citoyenne a inspiré divers dispositifs. Ceux-ci permettent aux électeurs d’imposer aux institutions la tenue d’un débat, la remise en cause d’une loi, la prise en compte d’une question ou l’organisation d’un vote. Les citoyens peuvent ainsi contribuer, en théorie, à définir l’ordre et la nature des politiques à mener. Il est difficile de tirer des enseignements généraux d’expériences aussi disparates que les référendums d’initiative populaire dans le Colorado ou la loi sur la participation en Toscane. Cependant, deux dimensions récurrentes apparaissent : l’initiative citoyenne est très encadrée  ; et elle court le risque de voir ses règles redéfinies quand elle empiète sur des thèmes que les élites politiques ne souhaitent pas mettre en débat.

    On peut d’ailleurs rappeler une évidence : comme de nombreuses réformes « participatives » de la démocratie représentative, l’introduction du principe d’une initiative citoyenne est presque toujours décidée par des représentants élus. Logiquement soucieux de ne pas se voir déposséder trop aisément de leur capacité à cadrer les débats et les décisions publics, ils imposent des obstacles procéduraux parfois vertigineux à l’activation du droit d’initiative, à tel point qu’il peut devenir un droit « hochet », c’est-à-dire « un de ces droits que nous sommes très fiers de posséder mais que nous n’exerçons pas parce que nous savons qu’il est frappé d’impuissance ».

    Ainsi, en France, l’ordonnance du 3 août 2016 introduit une initiative citoyenne en matière de démocratie environnementale. Lorsque les responsables d’un projet d’aménagement n’ont pas respecté l’obligation d’une concertation préalable selon les modalités prévues par la loi, « un droit d’initiative est ouvert au public pour demander au représentant de l’État concerné l’organisation d’une concertation préalable respectant ces modalités ». Mais il faut pour cela la signature d’au moins 20 % de la population des communes touchées (...)