• Voitures électriques : en Île-de-France, la course aux bornes de recharge est lancée

      08h00 , le 7 novembre 2021, modifié à 08h08 , le 7 novembre 2021
    • Par
    • Maël Jouan
     

    Face à la fin annoncée des moteurs thermiques, les bornes de recharge constituent le prochain défi pour passer au tout électrique. Dans un environnement urbain dense, il s'agit de trouver de l'espace et de fournir des solutions adaptées aux usagers.

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    Voiture électrique en recharge à une station Belib' à Paris à la place d'une ancienne station Autolib'. (Antoine Wdo/Hans Lucas)
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    Il y a moins d'un an, ­Thibault n'a pas hésité longtemps avant d'acheter sa première voiture électrique, une Model 3, la star de la marque Tesla. Le bonus écologique du gouvernement, additionné à l'aide de la Région Île-de-France destinée aux professionnels, abaissait sa facture de 11.000 euros. "C'est à peu de chose près le prix d'une berline classique avec quelques options", souffle le jeune ingénieur, satisfait d'avoir fait une bonne affaire. Mais s'il a franchi le pas, c'est surtout parce qu'il dispose d'un point de recharge dans le parking de son bureau, situé à Versailles (78). Et lorsqu'il se rend dans son Gard natal, il compte sur le réseau privé de recharge rapide de la marque texane. Le temps de boire un café ou de changer la couche de sa fille, et la voiture est repartie pour 300 kilomètres. Sans ces deux atouts, il ­aurait sûrement opté pour un moteur thermique.

    Les constructeurs ont fait et continuent de faire de gros progrès sur les batteries. Il nous faut maintenant des bornes pour avancer en toute sérénité

    Car lorsqu'il est dans son appartement dans le 15e arrondissement, sans garage, il lui est impossible de brancher sa voiture. Il existe bien des bornes de recharge à Paris, mais "il n'y en a pas assez et elles sont inadaptées, déplore-t-il. Elles manquent de puissance. Au mieux, ça dépanne de temps en temps, mais je préfère ne pas compter dessus au quotidien." Face à un marché ­automobile en pleine explosion – la même Model 3 est la voiture la plus vendue en Europe au mois de septembre 2021 –, le véritable enjeu n'est plus l'autonomie de la voiture mais la recharge. 

     

    "Les constructeurs ont fait et continuent de faire de gros progrès sur les batteries, confirme Jérémie Maestracci, responsable développement des véhicules à faibles émissions chez Stellantis (né de la fusion de PSA et de Fiat Chrysler Automobiles), dont la marque DS sera la première du groupe 100 % électrique dès 2024. Il nous faut maintenant des bornes pour avancer en toute sérénité. ­L'enjeu est encore plus important en ville, où les résidents n'ont pas d'accès aux prises."

    Le règne de TotalEnergies dans la capitale

    En mai dernier, l'Association ­nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere) soulignait dans son baromètre un manque de points de recharge en Île-de-France. La région comptait alors 5.653 bornes, soit une pour 15,3 voitures électriques, bien ­en-dessous des recommandations de la Commission européenne. Mais plusieurs acteurs majeurs – et une kyrielle de plus petits – ont investi le marché francilien, souvent en partenariat avec les pouvoirs publics. Et ce déficit semble se résorber. Selon les tous derniers chiffres de l'Avere, que le JDD dévoile, il existe environ 9.000 points de charge pour 99.000 véhicules 100% électriques dans la région.

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    Au pied de la tour Total, à la ­Défense (92), les pompes à ­essence ont laissé place nette à un hub constitué de neuf bornes de recharge. Mais c'est à l'intérieur du périphérique que le géant de l'énergie règne sans partage sur la voirie parisienne avec un nouveau réseau baptisé Belib'. Le 17 novembre 2020, TotalEnergies a repris l'exploitation des anciennes bornes du service de partage Autolib', arrêté en 2018. "Elles sont progressivement remplacées et remises en service, précise Philippe Callejon, directeur Mobilités et Nouvelles Énergies chez Total Marketing France. Aujourd'hui il y en a 1.600, et nous arriverons à terme à 2.300, réparties en 433 stations."

     

    Paris n'a pas vocation à devenir une station de recharge géante. L'enjeu est double : il faut réduire la circulation et développer les infrastructures pour la nouvelle génération de voitures

     

    Les abonnés au service, résidents ou non, bénéficient de quelques avantages : une tarification plus faible, la possibilité de laisser sa voiture en stationnement la nuit, une réservation à l'avance ou un paiement simplifié. Reste que la grande majorité de ces bornes sont dites "à recharge lente" – il faut plusieurs heures pour faire le plein – et la voirie n'est pas extensible. 

    "Paris n'a pas vocation à devenir une station de recharge géante, prévient d'emblée David Belliard (EELV), adjoint à la maire de Paris chargé de la transformation de l'espace public et des mobilités. L'enjeu est double : il faut réduire la circulation et développer les infrastructures pour la nouvelle génération de voitures. En juillet, nous avons voté, dans notre réforme du stationnement, le déploiement de 8.300 bornes." Dans le détail, en plus du réseau Belib', 6.000 points seront installés en sous-sol, ainsi que 10 stations de recharge rapide.

    Au-delà du périphérique, l'utilisateur est dans le flou

    Ces dernières sont essentielles, ­notamment pour les livreurs, taxis et VTC, qui doivent recharger au plus vite pour reprendre leurs courses. La mairie expérimente d'ailleurs une station opérée par Shell et réservée aux professionnels dans le parking souterrain de l'Hôtel de Ville. Les bornes délivrent une puissance de 50 kilowatts et permettent une recharge à 80% en trente minutes. "Mais attention! signale Matthieu Dischamps, directeur de Power Dot France, une start-up qui gère 210 hubs en France. Pour installer ce type de recharge, un système d'extinction automatique à eau doit impérativement être intégré aux parkings. C'est loin d'être le cas à Paris, et les mises en conformité coûtent très cher."

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    "Nous adaptons nos solutions de recharge en fonction du temps que l'utilisateur passe sur un lieu, poursuit le jeune dirigeant. En clair, nous installons des stations permettant une recharge en vingt minutes sur les parkings de fast-foods, et d'autres un peu moins puissantes sur ceux des centres commerciaux." Il serait a priori facile de délivrer la puissance maximale partout, mais pour le constructeur, le coût n'est pas le même. Le prix d'une borne à recharge lente s'établit environ à 20.000 euros, quand les plus rapides grimpent à plus de 100.000 euros. L'utilisateur a d'autant plus de mal à s'y retrouver que les offres se multiplient.

    Trois acteurs se partagent le marché de la voirie, au-delà du périphérique. La Métropole du Grand Paris a misé sur Métropolis pour quinze ans. Cet opérateur aussi récupère et transforme les anciens sites Autolib'. "Quelque 700 points de charge sont déjà en cours d'installation, précise ­Aurélien Chiron, directeur du développement de Métropolis. Dans un an, il y en aura 3.000, réparties sur les 130 communes du Grand Paris." 

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    Deux organismes publics, le Syndicat intercommunal pour le gaz et l'électricité en Île-de-France (Sigeif) et le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (Sipperec), se sont aussi lancés dans la bataille. Chaque acteur propose un abonnement à son réseau et développe son application. Métropolis se distingue par une facturation à la puissance délivrée, quand les deux autres facturent au temps. Un argument de poids tant les véhicules sont encore inégaux face à la recharge.

    Les opérateurs, forts de leurs spécificités, courent désormais après chaque espace libre. Les copropriétés et les parkings de société sont des lieux prisés pour suivre la cadence des nouvelles immatriculations. "J'appelle tous les acteurs publics et privés à installer des bornes", clame Jérémie Maestracci de Stellantis. En ville comme ailleurs, la course à la borne ne fait que commencer. 

     
     

  • La généralisation du rappel servirait de bouclier antivirus mais la priorité des autorités reste de convaincre les plus fragiles. 

    Vaccination à Londres, décembre 2020.

    Vaccination à Londres, décembre 2020. (Reuters)
     

    Jamais deux injections sans trois? L'idée semblait incongrue il y a quelques jours encore mais elle s'immisce dans le débat. D'autant que le gouvernement allemand a plaidé, vendredi, pour la généralisation d'une dose de rappel vaccinal six mois après la dernière piqûre. Pour l'instant, seul Israël a lancé une telle campagne et l'Italie l'envisage pour janvier. En France, la troisième injection est réservée aux plus de 65 ans, aux personnes vulnérables jeunes ou aux soignants. Des études en population ont en effet montré que la protection contre les formes graves diminuait au fil du temps chez les plus âgés. En cause, le vieillissement du système immunitaire.

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    Mais le succès des injections de masse en Israël, qui pourrait avoir freiné le virus, et un article paru récemment dans la revue New England Journal of Medecine, suggérant que la protection contre les formes sévères chuterait aussi chez les moins de 65 ans avec le temps, pourraient étayer le bénéfice d'un rappel pour tous. Cependant, selon Alain Fischer, le "­Monsieur ­Vaccin" du gouvernement et président du conseil d'orientation de la stratégie ­vaccinale, l'heure n'est pas venue : "L'étude du New ­England est critiquable, notamment car l'effectif est faible. Des données plus solides, françaises et britanniques, n'ont pas montré de baisse de la protection contre les formes graves chez les moins de 65 ans en bonne santé. Personnellement et sans m'exprimer au nom du conseil, j'y suis opposé. Mais ma position pourrait changer au vu de nouvelles données ou si la circulation du virus s'accélérait comme en Allemagne."

    Un bouclier contre le Covid

    C'est justement l'un des arguments avancés par ceux qui réfléchissent au rappel pour tous : la protection contre la transmission diminue avec le temps même chez des personnes jeunes. Une généralisation du rappel pourrait jouer le rôle d'un bouclier anti-Sars-CoV-2, en diminuant le risque d'infection chez les gens vaccinés et en ­protégeant indirectement les non-vaccinés.

    Chaque petit point de pourcentage de gagné, ce sont des vies sauvées

    Aux yeux d'Alain Fischer, l'enjeu est plutôt de convaincre les personnes fragiles de la pertinence d'une troisième injection : "Pour l'instant, la campagne de rappel se déroule bien mais on peut mieux faire. Il faut passer de 65-70% de plus de 65 ans protégés à 90%. Les personnes plus jeunes atteintes de comorbidités, elles, ne sont que 20% environ à avoir reçu un rappel et c'est insuffisant. Globalement, on n'a pas atteint la moitié de la cible, il faut accélérer." Pour cela, il plaide pour "encore plus de pédagogie". Son autre priorité? Les plus de 85 ans non vaccinés, immunisés à 87%. "Des efforts énormes sont faits pour aller vers eux. Chaque petit point de pourcentage de gagné, ce sont des vies sauvées."