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    Sondages de l'Élysée : de la prison ferme requise contre Claude Guéant et Patrick Buisson

    Benoit PEYRUCQ / AFP

    Sondages de l'Élysée : de la prison ferme requise contre Claude Guéant et Patrick Buisson

    Les hommes du président

    Par Laurent Valdiguié

    Publié le 09/11/2021 à 21:59

    Le PNF réclame de la prison ferme pour Claude Guéant et Patrick Buisson, les deux « personnages principaux » de l’affaire des sondages de l’Élysée. Une nouvelle douche froide pour l’ancien bras droit de Nicolas Sarkozy et son plus proche conseiller politique.

    Trois heures de réquisitions techniques. Laborieuses, comme l’est ce dossier des sondages de l’Élysée, où la justice navigue depuis dix ans dans des eaux troubles, entre immunité présidentielle d’un côté, et règles des marchés publics complexes de l’autre. Au final, de cette longue démonstration, deux coupables principaux aux yeux des deux procureurs du parquet national financier. Patrick Buisson, l’ancienne éminence grise de Nicolas Sarkozy, qui a « cherché à semer le doute et la confusion », et dont l’objectif principal était « de maximiser ses profits ». Contre lui, le PNF réclame la peine la plus lourde de l’audience : deux ans de prison, dont un an ferme, 100 000 euros d’amende, et 5 ans d’interdiction de gérer, avec une mesure d’application immédiate. Absent depuis lundi, ayant fait un malaise chez lui en fin de semaine dernière, Patrick Buisson n’a pas pu assister en direct à cette charge au vitriol contre sa personne. Plusieurs heures durant, le parquet éreinte « les failles majeures dans la gestion de ses entreprises », et conclut à son « inaptitude à gérer » au vu de sa volonté de « maximiser ses revenus en s’affranchissant des règles ».

    Des billets de train aux cartes postales de la Wehrmacht

    Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson aurait trouvé « une martingale » et détourné directement, via un contrat « exorbitant » de conseils et de sondages, la somme totale de 1,9 million d’euros. Le parquet lui reproche aussi 179 000 euros d’abus de biens sociaux au préjudice de sa société Publifact, Buisson ayant fait supporter à celle-ci une flopée de dépenses personnelles. Pendant de longues minutes, le procureur lit une liste à la Prévert de dépenses payées par Publifact, sans lien avec son objet social. Des billets de train, des objets de décoration… Il est aussi question de livres sur Pétain, d’affiches de Vichy, de cartes postales de la Wehrmacht et d’un bric-à-brac d’écrits collaborationnistes, que le procureur détaille comme avec gourmandise pour camper le profil de son « personnage central ». 

    Concernant son contrat auprès de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson est soupçonné d’avoir piégé l’Élysée, en préférant cet accord taillé sur mesure à une embauche comme conseiller de la présidence, seule solution, aux yeux du parquet, pour s’attacher ses services légalement. Le procureur se livre à un rapide calcul. En divisant les presque deux millions d’euros obtenus, Buisson a ainsi reçu l’équivalent d’un salaire mensuel de l’ordre de 32 000 euros, « près du double de celui du président de la République, lui-même, de 19 000 euros », insiste le procureur François-Xavier Dulin.

     

    Guéant, le « grand manitou »

    Le deuxième personnage principal, Claude Guéant, est décrit en quasi Pilate de ce dossier. Officiellement, l’ancien secrétaire général de l’Élysée ne s’est occupé de rien, ni d’engager Patrick Buisson, choix présidentiel, ni de signer son contrat, rôle d’Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy. Mais le PNF fait voler en éclat cette défense en forme de défausse. Guéant est dépeint par les deux procureurs en « grand manitou », « l’homme à la manœuvre », celui « ayant ouvert à Buisson la cassette de l’Élysée ». « Nicolas Sarkozy a choisi Patrick Buisson, bien sûr, mais ne s’est jamais occupé de son contrat, ce n’était pas son rôle », souligne aussi le procureur Quentin Dandoy, exonérant au passage l’ancien chef de l’État, glissant aussi que le PNF n’avait pas estimé « son audition nécessaire à la manifestation de la vérité ». Claude Guéant est donc le seul « rôle central ». Selon le parquet, il s’est rendu coupable de « détournement de fonds public par négligence », et il aurait dû veiller à la légalité des contrats Buisson.

    Sans broncher, prenant des notes sur des fiches Bristol, l’ancien secrétaire général de l’Élysée, ancien préfet, ancien ministre de l’Intérieur, semble bouillir de l’intérieur. Le procureur évoque à son endroit une « délinquance chevronnée » en allusion à une autre condamnation, dans l’affaire des frais de mission, qui lui a déjà valu une peine d’un an ferme. « Votre casier judiciaire commence doucement à se remplir », raille François-Xavier Dulin. Guéant reste impassible. Le PNF requiert six mois ferme à son encontre, pour favoritisme et détournement de fonds publics par négligence.

    À ses côtés, son ancienne rivale, Emmanuelle Mignon, « la seule à avoir reconnu à moitié les faits », selon le PNF, bénéficie de réquisitions d’une grande clémence. Le parquet national financier lui reconnaît d’avoir mis en œuvre des « règles » à son arrivée à l’Élysée, et d’avoir lancé « des réformes ambitieuses », et « sans grand soutien du secrétaire général »…  Même si elle doit être déclarée coupable elle aussi de favoritisme et de détournement de fonds publics par négligence, le PNF réclame contre Emmanuelle Mignon 10 000 euros d’amende. Le PNF demande 5 000 euros contre Julien Vaulpré, l’ancien conseiller sondage de la présidence. Enfin, contre Pierre Giacometti, l’autre conseiller de l’ancien président, signataire lui aussi, dès 2007, d’un contrat de conseils litigieux, le PNF propose la peine de six mois ferme pour recel de favoritisme, de 70 000 euros d’amende et de 250 000 euros d’amende contre sa société.

    Il y a dans cet énoncé des peines à boire et à manger pour la défense. Certains avocats, en sortant de la salle d’audience, avaient le sourire. En débutant les réquisitions pourtant, le procureur avait donné des sueurs froides à tous, en lisant des extraits du discours d’Épinal de Nicolas Sarkozy évoquant « le gaspillage de l’argent public » : « Trop longtemps on a considéré que l’argent public, c’était l’argent de personne… Notre État a besoin d‘une révolution morale, avait tonné le président de la République, réclamant en début de quinquennat, la plus grande sévérité pour ceux qui commettent des fautes ». Mais au bout de ses réquisitions, le PNF n’a pas pris au mot l’ancien président…

    À LIRE AUSSI : Procès des sondages de l'Élysée : face aux juges, la déchéance de Claude Guéant

    En début d’audience ce mardi 9 novembre, Me Jérôme Karsenti, l’avocat de l’association Anticor, à l’origine de la plainte ayant entraîné l’enquête puis ce procès, s’était livré à une tout autre mise en perspective historique. « Cette affaire des sondages fait le pont entre l’affaire Libyenne, financement de la campagne de 2007 et l’affaire Bygmalion, financement de la campagne de 2012 », a plaidé l’avocat. Selon lui, les sondages tous azimuts supportés par l’Élysée et donc le contribuable sous les commandes en rafale de Patrick Buisson, constituaient en réalité un financement déguisé de la campagne présidentielle de 2012. « Avec émotion », Me Karsenti rappelle comment il a dû batailler en 2010, contre « le parquet de Paris aux ordres », et détaille le parcours du combattant pour faire aboutir ce dossier. « Anticor a jeté une pierre à la mer », résume-t-il à raison, soulignant aussi la « métamorphose judiciaire » qui s’est opérée durant ces dix ans. « Ce dossier y a contribué, nous avons assisté à l’émergence d’une justice plus indépendante », estime Me Karsenti. Et en regardant le banc des prévenus, ces anciens proches d’un ancien président, le temps d’un quinquennat hommes et femmes les plus puissants de la République, difficile de ne pas lui donner raison.

    Le tribunal rendra son jugement à l’issue de son délibéré et des plaidoiries des avocats ce mer


  • Pass, 3e dose, retraite, chômage, nucléaire… Pour sa neuvième intervention depuis le début de la crise de la Covid, le Président a dépassé le simple champ sanitaire, faisant du travail le fil rouge de son action

    Kak_coronavirus_Macron_allocution_Covid_web 09/11/2021
    Kak
    Les faits -

    Emmanuel Macron s’est adressé solennellement aux Français mardi soir pour doper le rappel vaccinal face au rebond de l'épidémie, vanter son bilan et évoquer les priorités de la fin du quinquennat. Les personnes de plus de 65 ans devront, à compter du 15 décembre, avoir effectué un rappel du vaccin pour valider le pass sanitaire. “Les conditions ne sont pas réunies pour lancer la réforme des retraites”, a-t-il aussi déclaré.

    Parce que «nous n’en avons pas terminé avec la pandémie», le chef de l’Etat a lancé un appel à la responsabilité des Français mardi soir aux 6 millions de Gaulois réfractaires qui n’ont encore reçu aucune dose de vaccin anti-Covid. «Vaccinez-vous», a-t-il martelé. Parce qu’il «nous faudra vivre avec le virus et ses variants jusqu’à ce que la population mondiale dans son ensemble soit immunisée» et parce que «la 5e vague a commencé en Europe», Emmanuel Macron a annoncé qu’à partir du 15 décembre, les plus de 65 ans déjà vaccinés devront «justifier d’un rappel» pour obtenir le prolongement de la validité de leur pass sanitaire. «Six mois après le vaccin, l’immunité diminue, a-t-il expliqué. La solution, c’est le rappel».

    Le Président a aussi annoncé le lancement d’une campagne de rappel début décembre pour les 50-64 ans. Mais sans conditionner la validité du pass sanitaire à ce rappel.

    Il n’aura cependant consacré qu’un tiers de son allocution à la situation sanitaire, non sans dresser finalement un bilan satisfait de son action. «Depuis la première vaccination, nous avons injecté plus de 100 millions de doses en dix mois, a-t-il résumé. Ce qui fait de nous l’un des pays les mieux protégés». Il s’est aussi félicité du «quoi qu’il en coûte», qui «nous a permis de résister à la crise et de rebondir plus fort aujourd’hui» sur le plan économique.

    Emmanuel Macron a aussi mis fin au suspens qu’il entretenait depuis juin sur la réforme des retraites: il ne s’y risquera pas d’ici la fin du quinquennat. «La situation sanitaire que nous vivons, le souhait unanime des organisations syndicales, le besoin de concorde font que les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui», a-t-il expliqué, renvoyant ce chantier à l’après-présidentielle.« Dès 2022, il faudra prendre des décisions claires, a-t-il prévenu. Elles feront légitimement l’objet de débats démocratiques indispensables.» Il faudra, a-t-il énuméré, «travailler plus longtemps en repoussant l'âge légal, aller vers un système plus juste en supprimant les régimes spéciaux, en harmonisant les règles entre public et privé et en faisant en sorte qu’au terme d’une carrière complète, aucune pension ne puisse être inférieure à 1000 euros». Il a enfin évoqué la possibilité de «partir en retraite progressivement, d’accumuler des droits plus rapidement pour celles et ceux qui le souhaitent» et «d’encourager le travail au-delà de l'âge légal aussi pour celles et ceux qui en ont envie».

    Des investissements dans la santé «jamais atteints depuis la création de la sécurité sociale en 1945. Des créations d’emploi comme jamais». La décision inédite «depuis des décennies» de construire de nouveaux réacteurs nucléaires. C’est dire si Emmanuel Macron, dans les deux tiers de son allocution, était fier de l’action menée ces dernières semaines, fierté qu’il a cachée derrière un «nous» de politesse.

    «J’ai tâché à la cavalcade de retranscrire tout ce que nous sommes en train de faire», a-t-il reconnu dans la conclusion pleine d’optimisme de son discours, faisant fi du débat politique actuel, heurté par les polémiques et la radicalité des propositions de ses futurs adversaires. «Nous sommes restés soudés, fidèles à ce que nous sommes, profondément humains.» Le chef de l’Etat entend les «doutes», la «fatigue». La colère ? «Quelques fois», a-t-il minimisé.

    «N’ayons pas peur, croyons en nous, croyons en la France [...] Nous le méritons», a-t-il encore lancé. Mais à rebours de ce bilan présidentiel exposé aux Français à une heure de très grande écoute, plus grande que ce que n’importe quel meeting pourra lui offrir, pointait une inquiétude dans la voix grave du chef de l’Etat : que les «angoisses» du pays ne cessent de grandir au fil des discours déclinistes d’une partie de la classe politique.

    Les crises géopolitiques, les factures qui gonflent, le monde qui brûle imposent à la France des changements majeurs, une «révolution profonde». Le travail en sera le véhicule premier : «Le travail de tous permet de garantir notre indépendance (...) C’est en travaillant plus que nous sauverons le modèle social français.» Travailler plus, c’est contraindre les chômeurs à reprendre un emploi. Ceux qui ne mèneront «pas une recherche active verront leurs allocations suspendues», a tancé le président de la République, se contentant en réalité de rappeler une règle qui existe déjà.

    Il y a encore beaucoup à faire, dit le président Macron. Mais quoi ? Une réforme des retraites brossée dans les grandes lignes mais qu’il ne fera pas. En tout cas dans ce mandat. Ce mardi soir, le témoin est passé des mains du Président à celles du futur candidat.

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