• Pas-de-Calais: pour les agriculteurs inondés, un traumatisme et des mois de travail tombés à l'eau

    Source AFP

    Pas-de-Calais: pour les agriculteurs inondés, un traumatisme et des mois de travail tombés à l'eau

     

     

    était un véritable raz-de-marée": par deux fois en quelques jours, Thomas Quandalle a dû évacuer en urgence ses vaches de leurs étables envahies par les eaux, un traumatisme durable pour l'éleveur du Pas-de-Calais comme pour ses bête

    Dans sa ferme de Bréxent-Enocq, près de Montreuil-sur-Mer, dans le bassin de la Canche, des ballots de fourrage trempés, irrécupérables, baignent dans la boue, et l'eau forme toujours de vastes étendues près d'une étable. Le cadavre d'un bovin git sur le sol.

    Nichée en fond de vallée à 100 mètres de la rivière Dordonne, la ferme a été inondée le 6 novembre, puis à nouveau le 10 et a failli l'être une troisième fois le 20.

    "Une énorme vague a envahi brutalement tous les bâtiments d'élevage. On a eu seulement quelques minutes pour réagir et faire sortir tous les animaux en urgence dans les pâtures, au-dessus de l'exploitation", raconte l'éleveur de 33 ans, à la tête d'un troupeau de 150 têtes dont 50 vaches laitières, en montrant des vidéos de vaches pataugeant, de l'eau jusqu'au pis.

    "Trois jours après, ça a recommencé, il a fallu refaire sortir les bêtes en catastrophe et cette fois-ci c'était la nuit".

    Après des pluies records et un épisode historique de crues, les inondations ont touché au moins 118 exploitations agricoles du Pas-de-Calais, selon la préfecture.

    Un chiffre amené à augmenter car certains agriculteurs, occupés à "sauver les meubles", n'ont pas encore déclaré leur sinistre, souligne le secrétaire général de la FDSEA 62, Jean-Pierre Clipet.

    Le fonds de 80 millions d'euros promis par le gouvernement pour les agriculteurs sinistrés des Hauts-de-France mais aussi de Bretagne et Normandie, touchés par la tempête Ciaran, sera selon lui très insuffisant.

    Dans le Pas-de-Calais, environ 1.000 bovins ont dû être déplacés, rapporte-t-il.

    Une soixantaine de vaches de Thomas Quandalle sont ainsi parties en pension chez trois autres agriculteurs.

    L'éleveur a choyé en priorité ses vaches laitières, très sensibles aux changements, mais n'a pas pu empêcher une baisse de leur production de lait d'un quart en raison du stress et de problèmes digestifs ou de claudications.

    Entre le fourrage et un silo de maïs perdus, il estime les dommages à 20 à 30.000 euros, et craint des maladies et une baisse de la fertilité des vaches.

    "On se bat depuis des années pour avoir des outils performants, des animaux en bonne santé...", soupire-t-il.

    Saison "fichue"

    Plus au nord, dans le delta de l'Aa, les maraichers de Saint-Omer payent eux aussi un lourd tribut aux inondations.

    "Certains ont perdu toute leur activité hivernale avec des hectares de choux et de céleri immergés sous l'eau", déplore le président de leur syndicat, Dominique Bayart. "C'est une saison de fichue" pour nombre d'entre eux.

    Agriculteur à Polincove, Xavier Boidin estime avoir perdu 20 % de sa récolte de blé, qui est encore sous l'eau, et s'inquiète pour ses betteraves et la chicorée de son cousin.

    "La chicorée doit être sortie (de terre) avant la fin de l'année, sinon les usines sont fermées, pour les betteraves on a jusqu'au 15 janvier mais si les champs sont gorgés d'eau, ça va être compliqué", le poids des machines creusant des ornières, prévoit-il.

    "On n'a jamais vu une chose pareille, quatre débordements se sont succédé, alors qu'en général c'est un tous les trois ou quatre ans", explique l'agriculteur.

    Les pompes historiques des wateringues, ces canaux et fossés de drainage, sont débordées, et il a fallu ajouter dix pompes "en activité depuis 19 jours", pour un coût de 7.000 euros par jour, résume-t-il.

    M. Boidin pointe l'absence d'entretien de l'Aa, estimant que "les évacuations vers la mer doivent être recalibrées et surtout nettoyées", pour préparer la région face au changement climatique.

    Thomas Quandalle n'a, lui non plus, "plus envie de revivre ça", mais garde la passion de son métier. Il compte donc investir dans de nouvelles étables, plus en hauteur que le corps de ferme exploité par sa famille depuis au moins quatre générations.

    22/11/2023 11:01:21 -          Bréxent-Énocq (France) (AFP) -          © 2023 AFP

     

     


  • Hervé Morin : « Sur l’agrivoltaïsme, arrêtons le massacre ! »

    TRIBUNE. Le président de la région Normandie dénonce un développement anarchique poussé par les lobbys, qui met notre agriculture en péril.

    Hervé Morin, président de la région Normandie

    Publié le 11/11/2023 à 07h00, mis à jour le 11/11/2023 à 10h52

     
     

    L'agrivoltaïsme fait partie des nouvelles absurdités de la politique française en matière énergétique. La France fait un pas de plus qui pourrait apparaître comme secondaire face au défi énergétique mais qui est en fait très sérieux sur le moyen et le long terme.

    Les articles fleurissent pour vanter ce nouveau modèle [qui associe l'exploitation de cultures agricoles et la production d'électricité grâce à des panneaux solaires, NDLR], des intérêts financiers puissants alimentant les lobbys qui font feu de tout bois auprès d'élus qui s'inquiètent. Oui, l'agrivoltaïsme peut avoir sa place sur certaines cultures – le maraîchage, par exemple – et dans certaines régions, mais évitons le massacre irrémédiable vers lequel nous nous dirigeons au nom de l'urgence énergétique, comme si nous étions en panique au point de faire n'importe quoi.

    Perte de notre souveraineté alimentaire

    La France est une grande puissance agricole qui faiblit. Le gouvernement se désole de la perte de notre souveraineté alimentaire. Pas une semaine ne se passe sans que soient évoqués le recul de la balance commerciale agricole et son déséquilibre croissant sur les viandes et les protéines végétales ; pas une journée sans que soient évoqués le caractère stratégique de la production agricole et son corollaire l'industrie agroalimentaire au regard de la démographie de la planète et du réchauffement climatique.

     

    Et pourtant, dans une vision totalement irresponsable et au nom de l'urgence énergétique de notre pays – qui est la conséquence de l'abandon du nucléaire pendant deux quinquennats pour s'offrir Nicolas Hulot et quelques voix écolos – la France va couvrir nos espaces agricoles et nos pâturages de panneaux photovoltaïques fabriqués en Chine.

    En clair, les zones agricoles au potentiel de culture plus faible que les plaines de Caen ou du pays de Caux, comme les terres d'élevage du nord de la France, vont devenir les champs de jeu de la puissante industrie de l'énergie. Au lieu d'avoir des vaches ou des moutons, nous aurons des panneaux dont, d'ailleurs, le bilan carbone est plus que discutable !

    4 000 euros l'hectare de redevance

    Pourquoi un agriculteur continuerait-il à s'épuiser à faire du lait ou de la viande alors qu'on lui propose des sommes faramineuses pour couvrir ses champs de panneaux ? On parle de 4 000 euros l'hectare de redevance en Normandie, auxquels s'ajoutent des primes importantes à l'installation. Personne ne résistera à de telles propositions !

    Pourquoi, dans les terres de bocage, de marais, s'épuiser l'échine à traire ses vaches deux fois par jour et à soigner ses bovins toute l'année quand il suffira d'attendre tranquillement le versement annuel des opérateurs énergétiques ? On y mettra anecdotiquement quelques moutons ou quelques vaches pour faire mine…

    Au bout du compte, ce sont des volumes considérables qui ne fourniront plus notre industrie agroalimentaire. Là où il n'y a pas de production de matière première, il n'y a pas d'usine ; là où il n'y a pas de lait, il n'y a ni Lactalis, ni Danone, ni Isigny. Ainsi, les quelques belles usines au fin fond de nos campagnes, qui font vivre des dizaines de milliers de familles rien qu'en Normandie, disparaîtront. Belle réindustrialisation, magnifique politique d'aménagement du territoire !

    Massacre de nos paysages

    Qu'on ne nous raconte pas qu'il suffira d'imposer des cahiers des charges très rigoureux pour maintenir des productions agricoles. Qui peut imaginer un seul instant que, constatant l'absence réelle de cultures sous des panneaux photovoltaïques, on imposera à un agriculteur de reprendre l'élevage ou de prévoir l'enlèvement desdits panneaux ? On voit d'ailleurs, dans un autre domaine qu'est la méthanisation, à quel point l'État est d'ores et déjà incapable de faire respecter les règles selon lesquelles les productions agricoles ne doivent pas représenter plus de 15 % des entrants du méthaniseur.

    Avec cette politique, la France va créer une nouvelle catégorie de rentiers qu'on n'aurait pas pu imaginer : les agriculteurs ! Et bien entendu, ils garderont leurs exploitations le plus longtemps possible, empêchant ainsi l'évolution des pratiques agricoles et, surtout, l'installation de jeunes agriculteurs.

    À LIRE AUSSI Quand les énergies renouvelables favorisent l'artificialisation des terres agricolesNon seulement nous perdrons une partie de notre potentiel agricole et industriel mais nous massacrerons aussi nos paysages et notre environnement. J'imagine le bonheur des touristes et des Normands qui, en ouvrant leurs volets le matin, auront le spectacle de versants du bocage couverts de panneaux chinois ! Le massacre de nos paysages ira de pair avec l'affaiblissement du tourisme résidentiel pourtant capital pour le commerce et l'artisanat en milieu rural.

    Il y a suffisamment de toitures, de bâtiments industriels, de surfaces commerciales et de parkings pour installer ces panneaux sans massacrer des pans entiers de notre agriculture, sans défigurer nos paysages, notre France ! De grâce, commençons par les zones déjà artificialisées plutôt qu'aller vers des solutions de facilité.

     


  • Pourquoi des vignerons du Languedoc ont-ils passé leur colère sur du mousseux espagnol ?

    Le marché français du vin ne se porte pas très bien : les quantités consommées se sont réduites de moitié en quarante ans. Les producteurs d’entrée de gamme, qui n’ont pas des produits adaptés à l’export, sont étranglés. Certains ont décidé de s’affranchir de la légalité pour manifester leur mécontentement
     
    Cava frexenet 20/10/2023 Ducros
    Les faits - 

    Des vignerons du Languedoc ont bloqué, jeudi 21 octobre à la frontière entre la France et l’Espagne, pour tenter d’enrayer l’importation de vins espagnols qu’ils estiment responsables de leurs difficultés commerciales et économiques. De gros dégâts ont été enregistrés sur des camions transportant du vin, dont de la cava espagnole. Une colère qu’il ne faut pas prendre à la légère, la région ayant un passé tumulteux d’actions violentes dans le monde viticole.

    On pataugeait dans le mousseux Freixenet, jeudi 19 octobre, au péage du Boulou, à la frontière espagnole. 300 à 400 viticulteurs de la filière Languedoc-Roussillon, venus de l’Aude, de l’Hérault, du Gard, ou des Pyrénées-Orientales. Pour protester contre l’importation de vins espagnols, qu’ils jugent déloyale, des viticulteurs du cru ont mis à sac une citerne appartenant à un négociant en vin, filiale de Carrefour, et un camion contenant un chargement de cava Freixenet.

     

  • Avec les hausses de taxes prévues pour 2024, les agriculteurs se sentent fauchés comme les blés

    La montée spectaculaire des taxes sur les phytosanitaires et l’eau d’irrigation provoque une nouvelle vague de colère du côté des syndicats agricoles
     
     
    Les agriculteurs avaient déjà été refroidis par l’annonce, en septembre, de la fin progressive, entre 2024 et 2030, de l’exonération de la TICPE dont ils bénéficient sur le gazole non routier (GNR). Mais celle-ci avait été compensée par d’autres exonérations intéressantes pour la durabilité des exploitations (comme la défiscalisation de l'épargne de précaution, pour faire face aux coups durs). Alors, c'était passé.
     

  • Glyphosate : échec de la réhomologation européenne au premier round

    L’abstention l’a emporté lors du vote des 27 sur la réhomologation du produit. La France et l’Allemagne, qui ont choisi le « ni oui ni non », ont entériné un statu quo qui n’est que provisoire
     
    glyphosate 13/10/2023 Ducros
     
    Les faits - 

    La Commission européenne avait demandé aux représentants des Etats de se prononcer sur une réhomologation pour dix ans de la molécule herbicide en Europe. Le vote, qui s’est tenu ce vendredi 13 octobre en fin de matinée, n’a pas permis de trouver un consensus. Le dossier reviendra sur la table dans un mois. Les Etats voteront de nouveau sur une proposition de la Commission. S’il n’y a pas d’accord, c’est elle qui tranchera, au plus tard le 14 décembre.

    Il aurait fallu qu’une majorité qualifiée d’au moins 15 Etats membres sur 27, représentant 65% de la population européenne, se prononce en faveur de la proposition de la Commission européenne pour autoriser l’herbicide glyphosate pour dix années supplémentaires. Mais cela n’a pas été le cas ce vendredi, à Luxembourg.

     

  • Les Vingt-Sept échouent à se prononcer sur la prolongation de l’autorisation du glyphosate

    La France s’est abstenue lors du vote. Les gouvernements de l’UE feront une nouvelle tentative dans la première quinzaine de novembre. En l’absence d’un nouvel avis clair, la décision reviendra à la Commission européenne
     
    Epandage agricole

    Chou blanc. Les Etats membres de l’Union européenne (UE) ne sont pas parvenus à rendre une décision, vendredi 13 octobre, sur une proposition visant à prolonger de 10 ans l’autorisation du glyphosate, substance active et controversée du désherbant Roundup de Bayer AG. Une « majorité qualifiée » de 15 pays représentant au moins 65 % de la population de l’UE était requise pour soutenir ou bloquer la proposition.

    En l’absence d’une telle majorité, les gouvernements de l’UE feront une nouvelle tentative dans la première quinzaine de novembre. En l’absence d’un nouvel avis clair, la décision reviendra à la Commission européenne. La France s’est abstenue lors du vote parce que la proposition de la Commission ne limite pas l’autorisation du glyphosate lorsqu’il n’existe pas d’alternatives, selon le ministère de l’Agriculture.

    Baisse. Le président Emmanuel Macron avait déclaré fin 2017 que l’utilisation du glyphosate serait interdite en France au plus tard dans les trois ans, avant d’admettre qu’une interdiction totale était « impossible ». Les utilisations de glyphosate en France ont baissé de 27% entre 2017 et 2022 selon le ministère de l’Agriculture.

    En juillet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a déclaré n’avoir « pas identifié de domaine de préoccupation critique » empêchant le renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Lors de la dernière approbation de licence par l’UE du glyphosate, le bloc européen a accordé une prolongation de cinq ans. Les pays de l’UE avaient refusé auparavant à deux reprises de soutenir une période de dix ans.

    (Avec Reuters)

     




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