• Crise agricole: les prix planchers, un aveuglement français

    Comment croire que l’Etat central, ingénieur génial, saura contrôler le coût de production juste pour chaque filière, chaque singularité régionale et chaque exploitation, dans un environnement par définition instable?
     
     

    En France, toute colère se termine par plus d’Etat et moins de liberté. Pour apaiser la crise agricole qu’il a lui-même contribué à raviver, Emmanuel Macron a ainsi dégainé la solution magique, censée offrir aux agriculteurs un revenu décent, objectif au demeurant bien légitime : les prix planchers. En clair, des prix minimum garantis, c’est-à-dire des prix administrés. En janvier encore, le ministre de l’Agriculture écartait la mesure, « démagogique », quant la ministre des Entreprises la jugeait digne... de Cuba ! Inspiré des idées populo-étatistes des extrêmes, ce revirement présidentiel en dit long sur le désarroi de l’exécutif...

     

    Car, comment croire que l’Etat, ingénieur génial, saura contrôler le coût de production juste pour chaque filière, chaque singularité régionale, chaque exploitation, dans un environnement par définition instable ? Comment imaginer que ces prix planchers ne deviennent pas des prix plafonds, enfermant les exploitants-entrepreneurs dans un revenu universel déguisé ? Et comment penser que le pays restera puissance exportatrice avec des prix fixes la plaçant vite hors compétition ? Appliquée au niveau national, cette option, qui impliquerait également d’exiger des consommateurs d’acheter français, donc plus cher, a une seule issue : la ruine.

    Refuser la rigidité des prix planchers ne signifie pas qu’il faille renoncer à construire des prix à partir des coûts de production. Par la contractualisation privée ou une loi Egalim 4 plus efficace pour sécuriser les revenus par exemple. Mais une fois l’incendie éteint, le gouvernement ne coupera pas à une réflexion sur le positionnement de la Ferme France dans un monde en transition écologique – au même titre que la Firme France, handicapée, elle aussi, par le poids du modèle social et la complexité administrative. Mieux vaudrait ne pas attendre la prochaine colère.


  • Crise agricole: comment relancer après le grand ratage

    La visite présidentielle porte de Versailles a laissé un goût amer aux professionnels. Mais les acteurs espèrent pourtant que les travaux se poursuivent pour sortir de l’ornière
     
     
    Emmanuel Macron 25/02/2024 Ducros
     
    Les faits -

    Le 60e Salon de l’agriculture a ouvert ses portes le 24 février. La visite présidentielle a été marquée par des échauffourées et des tentatives de dialogues improvisées avec les agriculteurs en colère. La journée des visiteurs a été perturbée, les halls d’exposition alternativement fermés, au gré des pérégrinations présidentielles, dans un contexte de présence massive des forces de police.

    Quelle fanfare ! Il y a de quoi être assourdi après le premier week-end du Salon de l’agriculture. Le tumulte un peu apaisé, on peut désormais se demander, au calme, comment trouver la sortie de la crise agricole. Les images du week-end donnent, elles, l’impression qu’elle s’est avivée. Samedi, la déambulation du président de la République a tourné au fiasco.


  • Expos, concours, visites politiques... Voici le programme du Salon de l'agriculture 2024

    Entre les médailles décernées tant aux animaux qu'aux vins et produits du terroir, la politique devrait se frayer un chemin dans les allées de la "plus grande ferme de France", qui ouvre ses portes samedi à Paris

    La vache Oreillette, égérie du 60e Salon de l'agriculture, et son éleveur François Foucault, se préparent, le 23 février 2024, veille de l'ouverture, à Paris. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

    La vache Oreillette, égérie du 60e Salon de l'agriculture, et son éleveur François Foucault, se préparent, le 23 février 2024, veille de l'ouverture, à Paris. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

    Il y aura à voir et à manger. La 60e édition du Salon de l'agriculture, qui s'ouvre samedi 24 février et aura lieu jusqu'au 3 mars au Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, n'échappe pas aux tensions qui agitent le monde agricole. Vendredi, à la veille de l'ouverture, des cortèges de tracteurs ont défilé dans Paris.

    Alors que le risque de manifestations durant le Salon n'est pas totalement écarté, de nombreux responsables politiques de tous horizons sont attendus aux abords des stands d'éleveurs et autres producteurs de spécialités régionales. Sans oublier les traditionnels concours et expositions sur le monde rural, vocation première de l'événement.

    Pas de boycott mais pas de débat avec Emmanuel Macron

    Les principales organisations du monde agricole ont appelé à ce que ce grand rendez-vous se déroule sans encombre, tout en mettant en garde le gouvernement. "Il n'est pas question de boycotter le Salon de l'agriculture" ni de le "perturber", mais "ça ne peut pas être un Salon comme les autres, parce qu'il y a trop de gronde qui monte des campagnes", a par exemple lancé mardi sur franceinfo Rémi Dumas, vice-président des Jeunes Agriculteurs. "Il va y avoir un comité d'accueil pour continuer à mettre la pression sur le chef de l'Etat pour lui montrer la détresse du monde agricole", a-t-il prévenu.

    Emmanuel Macron, qui doit se rendre porte de Versailles dès samedi, avait proposé l'organisation d'un débat avec "l'ensemble des acteurs du monde agricole", avant qu'une polémique n'éclate concernant une possible invitation du mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre. Vendredi, la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs et le groupe E. Leclerc ont rejeté l'invitation du président de la République, qui a finalement annoncé, dans un message publié sur le réseau social X, l'annulation de ce débat. "J'inviterai [samedi] matin tous les syndicats agricoles avant l'ouverture officielle du Salon. Je serai là pour l'ouvrir et irai au contact de tous ceux qui veulent échanger, comme je le fais chaque année", a toutefois précisé Emmanuel Macron.

    Des visites de personnalités politiques à la pelle

    Plusieurs délégations politiques fouleront les allées de la porte de Versailles durant les 10 jours d'exposition et de rencontres. La plupart d'entre elles passeront saluer Oreillette, une vache de race normande qui a été désignée égérie de cette édition. Dimanche, les visiteurs pourront y croiser l'eurodéputé et président du Rassemblement national Jordan Bardella, qui reviendra le lendemain en compagnie de parlementaires.

    Lundi, c'est le patron des Républicains, Eric Ciotti, qui est attendu au Parc des expositions. Il doit notamment échanger avec des producteurs de vin et des éleveurs. Peut-être y croisera-t-il Willy Schraen, figure des chasseurs en France et tête de liste de l'Alliance rurale pour les élections européennes, dont le déplacement est prévu le même jour.

    Pour les journées de lundi et mardi, des élus et cadres de La France insoumise visiteront les différents stands et rencontreront des représentants de la Banque alimentaire ainsi que le collectif Nourrir. Selon les informations de France Télévisions, le Premier ministre Gabriel Attal devrait quant à lui se rendre au Salon mardi. 

    Mercredi, ce sera au tour du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), qui risque de croiser la délégation du Parti communiste emmenée par Fabien Roussel, Léon Deffontaines et André Chassaigne.

    Le traditionnel concours agricole

    Au milieu des micros et des caméras, les professionnels de l'élevage et du terroir ont évidemment leurs propres rendez-vous. Le Concours général agricole (CGA) verra ainsi défiler de nombreux animaux d’élevage "issus de programmes de sélection rigoureux". Bœufs, porcs, moutons : chaque espèce a son concours. Il y sera notamment question de trouver une remplaçante à la vache aveyronnaise Merveille, jeune première du concours de l'année 2023. 

    Les produits du terroir à l'honneur

    Plusieurs milliers de médailles doivent également être décernées pour les vins et les produits de terroir. Cette année, la choucroute, le caramel au beurre salé ainsi que les bières sans alcool font d'ailleurs leur entrée au CGA. Pour cette édition 2024, les pavillons des régions de France jouxteront les stands d'une trentaine de pays, comme le Nigeria ou le Japon. Entre les dégustations et les jeux, il sera aussi possible d'admirer la grande exposition de photographies organisée avec le magazine Paris Match. 

    Paris Match. Le programme complet (et varié) de ces animations est à retrouver sur le site du Salon.

     


  • Gisèle Garreau, le combat d'une agricultrice contre les ravages des pesticides

    L’ex-agricultrice, malade de Parkinson, se bat pour dénoncer la dangerosité de ces produits et protéger le vivant.

    Giséle Garreau, à Mellionnec (Côtes-d'Armor), le 20 février 2024.
    © STEPHANE CUISSET

    Mellionnec (Côtes-d’Armor), envoyée spéciale.

    Pour les bouddhistes, les mandalas symbolisent l’illumination de l’esprit. Si Gisèle Garreau en a suspendu quelques-uns au toit de sa yourte, posée à côté d’un potager au cœur du village de Mellionnec (Côtes-d’Armor), c’est simplement parce qu’elle apprécie l’éclat joyeux de leurs couleurs. Atteinte de Parkinson, l’ex-agricultrice de 63 ans a ouvert les yeux sur les origines de sa maladie grâce à une amie.

    « Pendant une manifestation contre la réforme des retraites, en 2019, elle a pris un tract du collectif de soutien aux victimes des pesticides et m’a dit : “On dirait toi.” Ce n’était pas du tout facile à admettre, soupire-t-elle. J’ai eu l’impression de trahir le milieu dont je suis issue. Le monde paysan, je l’ai dans mes tripes. »

     

     


  • Perico Légasse : "Chaque année, il sévit porte de Versaille : le salaud de l’agriculture"

    FRANCE, PARIS, 2024-02-23. SIA 2023 International Agricultural Show at Porte de Versailles in Paris. Angry Farmers are waiting for action from the government. Agricultural show under tension. FRANCE, PARIS, 2024-02-23. Salon International de l Agriculture SIA 2023 a la Porte de Versailles de Paris. Les Agriculteurs en colere attendent des mesurer de la part du gouvernement. Salon de l agriculture sous tension. Photography by Riccardo Milani / Hans Lucas (Photo by Riccardo Milani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)
    Riccardo Milani / Hans Lu

     

    Perico Légasse : "Chaque année, il sévit porte de Versaille : le salaud de l’agriculture"

    Il est omniprésent sur le Salon et manifeste sa présence par de grands panneaux à sa gloire. Tantôt il empoisonne les sols, tantôt il fabrique, vend ou importe de la malbouffe, tantôt il triche sur les origines, avec le soutien de la Commission européenne. Il déteste les paysans. Son ami, c’est la finance.

    Ubu régnerait-il sur la France ? Chaque année, des victimes célèbrent leurs bourreaux à grand renfort de stands verdoyants, de panneaux lumineux, de concours médaillés et de visites présidentielles portées sur la croupe des vaches. Ces mêmes victimes qui expriment leur colère en barrant les routes et en malmenant les grandes surfaces. C’est l’un des grands paradoxes de l’histoire : par quel incroyable phénomène la meilleure agriculture du monde peut-elle engendrer autant de malheur parmi ceux qui la produisent ? Cherchez l’erreur.

    Alors que le paysan français devrait être le plus épanoui des habitants de cette planète par les bienfaits qu’il engendre, l’excellence de sa production, les vertus nourricières de son activité et la reconnaissance ainsi suscitée, la somme des détresses cumulées depuis un demi-siècle témoigne des mauvaises orientations politiques, économiques et sociales qui ont conduit notre agriculture dans le mur. Non pas le mur de la fatalité, des guerres ou des sauterelles, mais celui d’un libre-échange érigé en doctrine, avec pour unique objectif le profit financier des entreprises multinationales. Évidemment non redistribué.


  • Agriculteurs en colère : à Bordeaux, un pique-nique convivial « pour échanger avec le public »

     

    Agriculteurs en colère : à Bordeaux, un pique-nique convivial « pour échanger avec le public »

    La FNSEA et les JA 33 invitent à une soirée sur les quais de Bordeaux, vendredi 23 février, pour débattre avec le grand public

    Les agriculteurs vont faire déguster les Bordelais. Et cette fois, sans bloquer la rocade ou les boulevards. Ce vendredi 23 février, à la veille de l’inauguration d’un Salon de l’agriculture sous tension, la FNSEA de la Gironde et les JA 33 organisent un rendez-vous « convivial », sur les quais, en face des Quinconces (placette Munich). À partir de 18 heures, on pourra déguster les produits girondins, « échanger sur la situation agricole et maintenir la pression sur le gouvernement », indiquent les deux syndicats.

     

    » PAROLES D’AGRICULTEURS : retrouvez notre série de portraits dans les exploitations du Sud-Ouest

     

     

    L’idée est d’expliquer au grand public, globalement solidaire du mouvement, « pourquoi les agriculteurs demandent aujourd’hui un changement profond » et pourquoi les annonces du Premier ministre ne sont pas suffisantes, malgré l’abandon de la taxation supplémentaire du GNR ou le fonds d’urgence viticole. Les agriculteurs veulent convaincre qu’il s’agit de « rétablir une situation vivable pour [leurs] exploitations » et insistent sur « l’enjeu du renouvellement des générations : sans revenu, pas d’installation ».

     





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