• Prison de Gradignan : une nouvelle livraison de colis par drone, dénonce un syndicat

     

    Prison de Gradignan : une nouvelle livraison de colis par drone, dénonce un syndicat

     

    Selon FO, un drone a déposé un colis dans une cour de promenade de la prison de Gradignan, pendant qu’une cinquantaine de détenus se trouvaient dehors, ce mercredi 10 mai. « Il devient urgent de mettre des brouilleurs », estime Hubert Gratraud, délégué syndical

    Cela ne manque pas de culot. Selon le syndicat FO, un drone a livré un colis dans une cour de promenade du centre pénitentiaire de Gradignan, dans l’agglomération bordelaise, ce mercredi 10 mai, en début d’après-midi. « Des surveillants ont repéré un premier passage de l’engin, vers 14 h 30. À cause du vent, il n’a pas pu déposer son chargement et a disparu. Un quart d’heure plus tard, il était de retour et, cette fois-ci, la manœuvre a réussi. Le colis a été livré dans la cour où se trouvaient une cinquantaine de détenus », s’étrangle Hubert Gratraud, délégué FO pénitentiaire.

    Du cannabis saisi

    Les détenus ont tous été fouillés : « 165 grammes de cannabis ont été saisis », précise le syndicaliste. Le pilote du drone, lui, est resté invisible. La police a été avertie.

     

    C’est la deuxième fois, en quelques mois, qu’une telle livraison par drone se produit à la prison de Gradignan. En janvier, un appareil s’était retrouvé bloqué dans des filins de sécurité. « Il devient urgent d’installer des brouilleurs », estime Hubert Gratraud pour qui « ces livraisons ont pour but d’alimenter en stupéfiants les quartiers de détention ».

     


  • Retraites : la stratégie délétère de l’intersyndicale, et les moyens d’enfin y remédie

     

    « L’homme sage apprend de ses erreurs,

    L’homme plus sage apprend des erreurs des autres »

    -Confucius

     

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    A l’aube des grandes vacances -qui verront la mobilisation rentrer à la niche, comme d’habitude, et le mouvement s’éteindre dans sa forme actuelle, comme l’espère le gouvernement- il est temps de tirer le bilan.

    4 mois de mobilisations, et bientôt 5. Des millions de manifestants au fur et à mesure des 13 journées de manifestations. Une unité intersyndicale (CGT, FO, CFDT, CFTC, CFE-CGC) inédite dans sa forme et sa durée.

    Et un pouvoir qui est resté, immuablement, invariablement, désespérément sourd.

    Avec à la clé, un passage en force, presque sans accroc, comme prévu dans le plan initial du Poudré élyséen.

    Mais cela étonnera-t-il quelqu’un dans ce pays ?

    Il suffisait en effet à Macron de faire ce qu’il sait faire le mieux, à l’identique de ce qu’il a fait durant la dernière campagne présidentielle –ne se mouillant en rien, ne faisant aucun meeting, aucune interview, aucune intervention jusqu’à quelques jours avant le premier tour- , et ce qu’il a l’habitude de faire quand quelque chose le gêne, en grand courageux qu’il est, à savoir faire le dos rond et attendre que l’orage passe, pour que l’affaire paraisse pliée. Malgré la méthode à base de 49-3 et de verrouillage des débats, très décriée et qui a mis le feu aux poudres dans la rue, et malgré les arguments, pour lesquels pratiquement aucun français sain d’esprit n’a gobé quoi que ce soit… la réforme fut décidée, mise en place, et validée par le fameux Conseil Constitutionnel, pratiquement sans aucun contretemps.

    Dans les délais prévus.

    Alors les directions syndicales, comme les médias, ont eu beau jeu de pérorer sur « le renouveau syndicaliste », à l’image de Sophie Binet, la nouvelle Secrétaire Générale de la CGT, qui l’autre jour sur France Inter se vantait d’avoir enregistré 35 000 nouvelles adhésions, soit « autant en trois mois qu’en une année normale », le fait est que ces directions syndicales, et à travers elles le mode d’action choisie, la fameuse intersyndicale, ont plus que montré leurs limites.

    Elles ont été incapables d’influer sur le cours des évènements. Leur stratégie de journées de manifestations à saute-mouton n’a eu d’autre impact que de faire de belles images pour les télévisions –des images il est vrai bien léchées, sans pratiquement aucune vioooolence de nature à faire les choux gras des médias aux ordres, lors de chaque manifestation. Manifestations « dans le calme » d’ailleurs saluées par tous les médias mainstream pro macron.

    Et alors que d’importantes grèves se développaient dans les secteurs stratégiques (SNCF, raffineries..), l’intersyndicale n’a fait rien d’autre que d’appeler toujours plus à des journées saute-mouton, sans jamais chercher à soutenir, développer, ou étendre ces grèves. Résultat : au bout de quelques semaines voire quelques mois, et comme en 2010, lesdites grèves se sont épuisées, les grévistes ont arrêté leur mouvement, exsangues, et Macron et ses séides n’ont eu de cesse de pérorer que « le pays n’est pas bloqué », avant de poursuivre méthodiquement leur agenda.

    Ce qui revenait à cracher au visage de l’intersyndicale, et à lui jeter en pleine figure sa totale impuissance.

    Mais les choses auraient-elles pu se dérouler autrement ?

    L’intersyndicale aurait-elle pu agir différemment, et influer réellement sur le cours des évènements ?

    Sur quoi aurait-elle pu -et dû- s’appuyer pour tirer les leçons du précédent échec, celui de 2010, et faire en sorte que la mobilisation populaire inédite contre cette réforme de malheur, gagne enfin la partie, après plusieurs décennies d’échecs du camp social ? Tentons d’y voir un peu plus clair.

     

    Un échec déguisé en victoire

    Rembobinons un peu : en 1995 Juppé, premier ministre de Chirac, lance un projet de réforme à deux volets… Le plan Juppé prévoyait une réforme des retraites allongeant la durée de cotisations de 37,5 à 40 annuités pour les salariés de la Fonction Publique, alignant ainsi ces « régimes spéciaux » -d’autres diraient « pionniers »- sur la réforme Balladur de 1993.

    Mais également une réforme d’ampleur de la Sécurité Sociale, établissant le fameux « PLFSS » qui ôtait alors, de fait, le pouvoir d’administrer les budgets de la Sécu aux administrateurs syndicaux restants dans les Conseils d’Administration des Caisses de Sécurité Sociale, pour les confier à la main des députés –et de la majorité gouvernementale. Il est vrai, ce pouvoir de gestion avait été fortement amputé en 1967, suite aux ordonnances Jeanneney, mais il restait quand même le vote des budgets des Caisses de Sécu aux administrateurs élus par les syndicats pour un tiers d’entre eux. Et, bien que l’objet de ce billet ne soit pas de parler de cet aspect du Plan Juppé, il reste quand même important de l’expliciter : car c’est suite à l’instauration du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale de 1995 que le virage comptable de la gestion de la Sécu est amorcé.

    C’est à partir de là en effet, que va pouvoir se mettre en place le cadre législatif et comptable qui va détruire l’Hôpital Public, aussi bien que l’asphyxie budgétaire pure et simple du Service Public de la Santé et de la Sécurité Sociale. Tout se fera par ordonnances... et elles seront carabinées pour la Sécurité Sociale, et plus particulièrement l'Assurance maladie. Désormais, après 1995, la Sécu ne devra plus répondre aux besoins de la population, mais bien répondre à des objectifs comptables : être à l’équilibre… on parle à partir de ce moment du fameux « trou de la sécu  », « trou » qui correspond dans les faits à un jour de budget de fonctionnement…une expression sortie pour la première fois par Juppé, de manière à justifier l’injustifiable : détruire la Sécurité Sociale à la soumettant à des objectifs ne répondant plus qu’à des arguments comptables, au détriment de ses missions premières.

    Quoi qu’il en soit, dès l’annonce du Plan Juppé  il n’est pas question de cet aspect dans les mobilisations initiées par l’intersyndicale de l’époque : les mobilisations sont massives, et bien sûr essentiellement concentrées dans le Secteur Public, avec pour mot d’ordre « non à la réforme des retraites ». Et de fait, ce sera une erreur majeure de l’intersyndicale, que de se concentrer sur ce seul aspect du Plan Juppé… une erreur qui sera par la suite exploitée à fond par Juppé et Chirac.

    Et malgré une présentation de « la réforme » dans la presse ouvertement favorable -60% des médias selon une enquête du Nouvel Obs, avaient présenté à l’époque le plan de manière positive, et seul 6% l’avaient fait de manière défavorable-, sans compter le tir nourri de ces mêmes médias sur les grévistes, ceux-ci tinrent bon. Ce qui ne fut pas le cas de l’intersyndicale, la CFDT faisant déjà ce qu’elle savait déjà faire le mieux -à savoir torpiller les grévistes dans le dos et soutenir le plan après quelques semaines de mobilisation. Or en dépit de tout cela, les grévistes ne lâchèrent pas, et face à un Juppé aux accents macroniens qui prétendait « rester droit dans ses bottes » quoiqu’il arrive, le pays fut véritablement bloqué durant trois bonnes semaines. Plus de transports, mais aussi plus de courrier, des coupures EDF-GDF, plus d’école ni de collège, des grèves très suivies dans les administrations (impôts, Santé, etc.) firent que le pays fut quasiment à l’arrêt, et que la contagion menaça de s’étendre au privé, car bien sûr « la fracture sociale » sur laquelle s’était fait élire Chirac n’était en rien résolue, et que les motifs de colère étaient nombreux…

    Les étudiants entrant peu à peu dans la danse, le tout ressemblait de plus à plus à un remake de mai 68 en devenir, et Juppé, toujours droit dans ses bottes, lâcha…sur la réforme des retraites uniquement. L’ensemble du mouvement syndical s’empressa alors de célébrer sa « victoire », avant de sagement rentrer à la niche.

     

    Les raisons de la "victoire"

    Alors oui, il serait injuste de dire que cette victoire n’en était pas une, tout comme il serait malhonnête, presque trois décennies plus tard, de n’y voir qu’une défaite. N’empêche : face à un pouvoir de droite, Juppé/Chirac ou Macron/Borne, quel qu’il soit, il est important de comprendre que jamais, jamais la bourgeoisie et ses séides ne lâcheront l’objectif de détricoter la plus belle conquête des travailleurs. Et cette conquête, c’est ce que par généralisation on appelle « La Sécu », mais qui comporte plusieurs volets : vieillesse, maladie, famille, accidents du travail… C’est un tout, pensé comme tel, et destiné à « supprimer la peur du lendemain » pour la majeure partie de la population qui n’a comme seul patrimoine que les Services Publics, comme le disait un de ses principaux architectes. Un architecte longtemps oublié à dessein dans le récit national de la Sécu que nous en fait la bourgeoisie, j’ai nommé le ministre communiste Ambroise CroizatSupprimer la peur du lendemain pour la majorité, c’est donner à cette même majorité un outil précieux pour s’émanciper, et relever la tête. Car un peuple qui est occupé à survivre ne pense plus à se battre…La Sécu, c’est aussi ça : un formidable outil pensé par et pour le peuple, mais aussi un outil qui lui donne les moyens d’aller toujours plus loin, pour plus de progrès social.

    Et ça, les possédants ne l’ont jamais digéré.

    Ainsi 1995 est souvent présenté comme le dernier mouvement social véritablement victorieux… et même si, comme nous l’avons vu cette victoire ne fut que partielle, en analysant les raisons qui poussèrent Juppé/Chirac à reculer, on se rend compte immédiatement que c’est le blocage total du pays –et donc de son économie- qui fut déterminant.

    Car oui, il y eut aussi des manifestations massives en 1995. Manifs seulement dépassées en quantité par celles de 2023… donc on se rend bien compte que malgré l’ampleur des manifestations, elles ne peuvent à elles seules expliquer la victoire de 95, comme le fait qu’en 2023 elles n’ont pas fait reculer le gouvernement.

    Et l’essentiel est là : sans blocage de l’économie, si massives soient les manifestations et autres « journées de colère », tout ceci n’a aucune, mais alors absolument aucune chance de fonctionner.

    C’est bien la seule leçon que nous devons tirer de la pseudo victoire de 1995.

     

    Incapables de se réinventer

    Dans un entretien édifiant pour la chaîne Elucid, le professeur et économiste spécialisé Nicolas Da Silva est interrogé Olivier Berruyer sur les raisons qui font que les syndicats n’arrivent plus à l’emporter depuis de nombreuses années. Et il a cette réflexion éclairante : lors de leur création, au milieu du 19e siècle, les syndicats adaptent leurs modes d’action à l’état d’esprit du patronat. . A l’époque, les patrons font « juste » tirer sur les grévistes, car le syndicalisme est juste interdit… et les syndicats répondent en conséquence : ils sont beaucoup plus radicaux. Le but étant de gagner, pour le mouvement ouvrier naissant qui se structure, on adopte des tactiques et stratégies à la hauteur de ce qui est nécessaire : occupations d’usines, mais aussi sabotages, séquestrations de patrons, voire menaces directes (avec mises à exécution, comme lors de l’épisode de la Commune de Paris).

    Le 20ème siècle arrive, et avec lui le patronat change son fusil d’épaule, et son état d’esprit passe de « pas de négociations » à « dialogue social ». De fait, le mouvement syndical adapte ses moyens d’actions à cette nouvelle stratégie patronale. C’est le temps béni des accords d’entreprise, du dialogue, des élus du personnel, etc. On se civilise, et on bannit « la violence » à savoir tout ce qui est contrainte : on privilégie les réunions entre gens bien mis, plutôt que les séquestrations et autres arrachages de chemises qui restent des évènements marginaux, mais qui font mauvais genre…

    Or, un virage s’opère dès les années 90 : avec l’effondrement du bloc soviétique, il n’y a désormais plus aucune autre alternative, et le patronat comme les gouvernants à sa botte, ré adoptent un état d’esprit guerrier : pas de négociations, c’est comme ça et si vous n’êtes pas contents c’est pareil. Les années 2000, puis 2010, après la crise des subprimes de 2008, verront une accélération de ce processus. Macron en est son aboutissement logique : plus aucune négociation, passage en force et LBD à la clé. Or, en face, les syndicats ont-ils changé eux aussi d’état d’esprit ?

    Que nenni : ils parlent toujours « dialogue social » alors qu’ils ont face à eux des jusqu’aux boutistes, qui ne comprennent que le pire du rapport de force, la violence la plus pure comme par exemple avec les gilets jaunes en 2018. Il faut de ce fait que le mouvement syndical mette à jour son logiciel comme dirait l’autre, à l’aune de ce nouvel état d’esprit des possédants. Un retour aux sources du XIXè siècle. Sous peine de disparaitre.

     

    Une stratégie sans lendemain

    Retour à 2023 : dès l’annonce de la nouvelle contre-réforme des retraites, l’intersyndicale, constituée en décembre 2022, est solidement arc-boutée sur le « non à la retraite 64 ans ». Le 19 janvier, la première journée de manifestations est absolument massive, bien plus forte que ce qui était attendu... ceci expliquant sans doute cela, l’opinion publique est également contre cette réforme à une écrasante majorité, et malgré les sondages quasi quotidiens commandés par le pouvoir et les médias, ce soutien au mouvement ne faiblira pas en 4 mois de mobilisations. C’est un fait inédit, qui s’explique à la fois par la pauvreté et la médiocrité des « arguments » du gouvernement concernant cette réforme, aussi bien par le fait que très rapidement, nombre de mensonges gouvernementaux sont « débunkés » par les opposants dans les médias.

    Que ce soit sur la fameuse « pension minimum de 1200 euros » pour 20 millions de retraités, qui se transformera finalement en augmentation bidon de 50 à 100 euros pour environ 10 000 personnes par an, ou sur le reste – mentionnons l’aspect « progrès social » d’une réforme consistant à faire travailler les plus précaires bien au-delà des 64 ans, et pratiquement jusqu’au-dessus du seuil de pénibilité, voire au-dessus de l’espérance de vie pour beaucoup, beaucoup de catégories de métiers usants pour les organismes... jamais le gouvernement n’arrivera à imposer ses éléments de langage auprès de la population, ni à reprendre la main. Bien au contraire, à chaque fois qu’un ministre, ou le président, prend la parole, les mobilisations rebondissent. Le mépris de plus en plus visible de Macron et de sa clique agissent comme un carburant social. La réforme est massivement rejetée, et le mouvement soutenu, y compris sur l’aspect grèves et perturbations, ce qui est là aussi inédit. II y a même un souhait majoritaire dans les sondages, de voir le mouvement se durcir : 68% du total des moins de 35 ans, et 74% des français les plus pauvres, se disent prêts à encaisser les perturbations dues à des grèves dures qui toucheraient les transports ou leur vie quotidienne…

    Et de fait, les caisses de grève syndicales se remplissent : les sommes collectées dépassent celles des mouvements précédents, traduisant dans le réel ce soutien qui n’aurait pu apparaître que comme sondagier. Des centaines de caisses de grève en ligne ont fleuri depuis janvier, permettant de récolter plusieurs millions d’euros, avec parfois plus de 150 000 dons par jour pour celle de la CGT par exemple, notamment lors des jours suivant l’interview pleine de mépris du monarque en mars…

    Côté professions indépendantes aussi, la colère gronde : un sondage IFOP révèle que 62% des patrons de TPE (boulangeries, artisans.. ;) sont contre la réforme, plusieurs boulangers soutenant ouvertement la caisse de grève des professions indépendantes.

    Et malgré ce terreau plus que fertile, que fait l’intersyndicale ? Elle appellera à une nouvelle journée de mobilisations le 31 janvier, qui sera encore plus massive -1,27 millions de manifestants selon le ministère de l’Intérieur, ce qui en fait une des journées de plus grosses mobilisations sociales depuis mai 68. Puis une suivante le 7 février, puis le samedi 11 (donc samedi : pas de grève), puis le 16 février, puis les 7, 11, 15,23 et 28 mars, puis les 6, 13 avril et finalement le 1er mai. Avant d’appeler, après le « succès » du 1er mai, à une nouvelle journée le … 6 juin.

    Alors oui, à chaque fois entre ces dates, des grèves, actions, mobilisations…toutes impossibles à lister ici ont bien eu lieu, mais la stratégie de l’intersyndicale a toujours consisté à « soutenir » du bout des lèvres « tout ce que les salariés jugeront bon de mener », sans jamais s’investir plus avant.

    Est-ce ainsi qu’on se donne les moyens de gagner ?

     

    L’opinion publique existe-t-elle ?

    Cette intersyndicale dansait en fait sur le fil du rasoir en permanence, soucieuse de préserver cette unité de façade, vue comme un des leviers principaux pour obtenir les faveurs de la fameuse « opinion publique ». Une opinion publique dont certains affirmaient qu’ « elle n’existe pas », si ce n’est au travers de ceux qui la fabriquent…

    Mais justement, cette fumeuse opinion publique, n’aurait-il pas mieux fallu capitaliser sur elle, l’utiliser, la transformer en tout autre chose, au lieu de la garder précieusement enfermée dans son coffret, comme un diamant étincelant, à l’abri des regards ?

    A part en une tautologie répétée ad nauseam, l’argument qui consistait à prétendre en boucle et sur tous les tons que « les français sont majoritairement contre cette réforme » n’a jamais dépassé le stade de… l’argument, justement.

    Nous nous sommes donc retrouvés avec quelque chose de tout à fait inhabituel pour un mouvement social d’ampleur, à savoir bénéficier d’un soutien hors-normes, dont seuls ceux qui ont manifesté peuvent se rendre compte : j’ai personnellement vu un commerçant venir nous apporter des viennoiseries et un petit billet pour la caisse de grève jusque dans le cortège, ou encore un autre mettre un panneau avec des slogans de soutien devant son commerce… J’ai vu des personnes de tous âges nous encourager voire nous applaudir, alors que nous menions des actions grévistes qui parfois leur empoisonnaient la vie (comme par exemple envahir une gare, ou un rond-point…), choses que je n’aurais jamais cru voir de ma vie, moi qui suis quand même coutumier des mobilisations, et ayant l’habitude de me prendre des insultes, plutôt que des encouragements.

    Et ce soutien hors-normes, qu’en a fait l’intersyndicale ?

    Elle a fait comme ce rugbyman qui aurait capté le ballon dans le camp adverse, puis traversé les neuf dixièmes du terrain en esquivant tous les obstacles, avant d’inexplicablement, s’arrêter devant la ligne d’essai, et de donner le ballon au camp adverse. Et de perdre le match.

    Elle n’a pas transformé l’essai : là est le vrai scandale.

    Car comment expliquer que ce soutien massif ne se soit pas retrouvé dans les cortèges ? Un rapide calcul nous le fait envisager : au plus fort des mobilisations, même si nous prenons le chiffre de 3 millions de manifestants revendiqués par les syndicats, cela ne représente qu’un tout petit 10% de la totalité de la population active (qui s’élève à environ 30 millions de personnes), alors que dans le même temps nous avions un soutien à 94% de ces mêmes 30 millions de personnes actives… 94% de 30 millions de personnes qui sont contre, farouchement contre cette réforme. Le compte n’y est absolument pas, et c’est la même chose pour les grèves, les chiffres ne correspondent pas du tout à la réalité de cette prétendue opinion publique.

    Cette « opinion publique » qui finalement n’a existé que dans les arguments.

     

    L’arnaque du dialogue social

    Nous arrivons ici au cœur du problème : l’intersyndicale avait-elle les moyens objectifs de changer la donne, et de massifier ces mobilisations, pour basculer peut-être vers un vrai rapport de force, le seul apte à faire plier le forcené de l’Elysée ?

    Il faut ici bien comprendre la notion de rapport de force : il s’agit d’envisager les rapports sociaux non pas sous l’angle du « dialogue social », mais sous le seul angle qui réellement existe…celui de parties ayant des intérêts opposés, qui ne les feront valoir qu’au travers de rapports conflictuels, de manière à imposer leurs intérêts.

    De fait, un syndicat comme la CFDT, qui ne peut ni ne veut envisager les choses autrement que par « la négociation » et le « dialogue social », est un fruit pourri qui va totalement occulter l’arbre de la mobilisation.

    Le « dialogue » entre « partenaires sociaux » implique qu’il y aurait deux parties, qui seraient de force égale, et partiraient avec les mêmes chances… un peu comme la fameuse « égalité des chances », c’est une fumisterie digne du Cirque Pinder : quelle égalité des chances peut-il y avoir entre le gamin né dans la famille de Bernard Arnault, et celui né dans une famille de prolos au SMIC ? Quel « dialogue social » peut-il y avoir dans une entreprise possédée par le patron, et des employés possédés par leur patron, soumis à son bon vouloir par un contrat de travail qui implique qu’ils risquent le licenciement (donc le risque de chômage, donc le déclassement ou la misère) s’ils ouvrent ne serait-ce que leur bouche ? Affirmer rechercher le « dialogue social » (et déplorer qu’il n’existe pas), c’est présupposer qu’il y aurait deux « partenaires » d’égale force, qui pourraient discuter tranquillement, et se mettre d’accord gentiment, en préservant tous deux leurs intérêts à la fin.

    C’est une fable, un leurre pour les gogos, un mensonge pour les syndicalistes professionnels, et pour s’en convaincre il n’y a qu’à regarder le « souhait de dialogue social » entre les « partenaires sociaux » que seraient les syndicats de salariés et les patrons, concernant les (non) augmentations de salaires, souhait autant formulé et reformulé par Sa Majesté Emmanuel Macron, qu’incanté (en vain) par l’extraordinaire Bruno Lemaire.

    Autant demander à un équilibriste de se couper les deux jambes : demander gentiment, c’est la meilleure façon de ne rien obtenir. Et je serais à la place du patron, je ferais comme ils font actuellement n’en doutez pas : nul jugement de valeur là-dedans, juste des faits. Il n’y a ni salaud ni gentil là-dedans, juste des intérêts profondément divergents.

    Il n’y a pas de dialogue, ni de partenaires, dans le camp social : il y a des intérêts antagonistes, de parties antagonistes, qui n’ont d’autre moyen que le rapport de force pour gagner ou perdre.

    Et l’intersyndicale, cet espèce de machin composé de directions syndicales totalement déconnectées du terrain, ne peut tout simplement pas l’envisager, toute aliénée et désamorcée qu’elle est par la belle licorne multicolore du « dialogue social ». Et de déplorer, encore et encore, que Macron la méprise, et refuse de la recevoir, refuse de « dialoguer ».

     

    Le grand absent : le rapport de force

    Alors oui mais… qu’aurait-il fallu faire ? La question nous brûle tous les lèvres.

    Nous aurions dû transformer l’essai, en nous inspirant des victoires et des défaites passées.

    Chose qui n’a pas été faite, et manifestement ne le sera pas.

    On vient encore d’apprendre que l’intersyndicale, réunie le matin du 2 mai, a prévu une nouvelle journée de mobilisation le … 6 juin prochain. Actant, de fait, son impuissance, et se reposant quasi exclusivement sur un contre-projet de loi hypothétiquement déposé par les députés d’opposition, qui devra être examiné ce jour-là.

    Quand on voit les « succès » parlementaires que furent le 49-3, puis la motion de censure, pour finir sur l’avis du Conseil constitutionnel…

    La trahison est donc actée, une nouvelle fois.

    Mais cette trahison pourrait se retourner contre les syndicats eux-mêmes, malgré le fait que les directions syndicales croient toutes dur comme fer que le renouveau du syndicalisme est en marche, suite aux nombreuses adhésions enregistrées ici et là depuis le début du mouvement.

    En effet on voit mal comment, avec 94% des actifs toujours contre cette réforme, les syndicats pourraient cette fois-ci ne pas y perdre des plumes : vu que les vacances d’été se rapprochent à grand pas, l’échec est désormais patent. Et que se passera-t-il, quand ces mêmes directions feront sauter l’intersyndicale, actant de fait un échec déjà consommé, malgré la colère et l’opposition populaires, toujours intactes contre cette réforme ?

    En quoi les directions syndicales, principales responsables de cet échec, et ayant été incapables d’autre chose que de proposer une stratégie indigente, basée sur des présupposés erronés, ne porteraient-elles pas le chapeau de cet échec qui n’aurait pas dû survenir ? Et avec elles, forcément, les syndicats –qui très souvent eux, n’ont pas démérité- seront mis dans le même panier par des salariés, qui se sentiront à juste titre cocufiés une nouvelle fois, comme en 2010.

    Le rôle d’un syndicat n’est-il pas de défendre l’intérêt des salariés ?

    Et en quoi cet intérêt a-t-il été défendu avec la stratégie déconnectée, hors sol, incapable de saisir pleinement les enjeux, et pour résumer totalement délétère, qui a été mise en œuvre par l’intersyndicale durant ces 4 derniers mois ?

     

    Accouchement dans la douleur

    Comment donc, transformer cet essai qui nous tendait les bras, et que nous n’aurions pas dû perdre ?

    Tentons une petite analyse prospective.

    Dès début février, plusieurs secteurs clés de l’économie sont en grève. Citons les raffineries, la SNCF, ou encore EDF-GDF. Ces grèves sont dures, et suivies. Elles gênent même le gouvernement, avec une perspective de blocage complet du pays : citons ainsi les 8 raffineries de pétrole, qui seront toutes à l’arrêt en mars, générant une pénurie massive dans les stations-service, ainsi que les poubelles, dans de nombreuses métropoles –dont la capitale. Les caisses de grève fonctionnent à plein, permettant au mouvement de tenir : de nombreux grévistes viennent renforcer les piquets de grève dans les incinérateurs et sur les sites stratégiques, et sont confrontés aux forces de l’ordre (bourgeois), qui viennent débloquer à coups de gaz, de matraques et de LBD les dépôts et les sites occupés. Ces renforts intersyndicaux permettent aux grévistes des raffineries et des poubelles de refluer sans perdre trop d’argent, et de tenir dans la durée. D’autant plus que malgré les désagréments, les français continuent de soutenir le mouvement, et souhaitent même que celui-ci se durcisse…

    Or, que fait l’intersyndicale à cette époque ? Elle met en place plusieurs journées de mobilisations à saute-mouton, comme nous l’avons vu précédemment, les 7, 11, 15,23 et 28 mars, avec à chaque fois ce mantra : « vous allez voir la journée d’après, ça va être massif » (sous-entendu : « et le gouvernement va reculer  »). Je m’en souviens encore : « vous allez voir le 7 mars, le gouvernement balise ».

    C’est ici que se situe la charnière du mouvement, et l’intersyndicale le sait. La multiplication des appels à journées de mobilisation le prouve clairement, le mois de mars étant celui où il y en a eu le plus, et de manière de plus en plus rapprochée, avant de refluer en Avril.

    Pourquoi ne pas avoir mis le paquet sur les secteurs fortement stratégiques, qui étaient déjà bien bloqués à ce stade, et sur lesquels l’ire gouvernementale s’est abattue fort logiquement ? Des secteurs qui auraient mérité un soutien massif, de manière à aider les grévistes à bloquer le pays, et à tenir dans le temps. Au lieu de les laisser à eux-mêmes, s’épuisant fort logiquement au bout de quelques semaines de grève…

    Comment ? Au hasard, en appelant tous les salariés à se mettre en grève reconductible illimitée, et pour ceux qui le pouvaient, à aller renforcer les piquets de grève dans lesdits secteurs, aussi bien qu’à verser leur écot dans toute caisse de grève susceptible de nourrir les grévistes en prévision d’un blocage de plusieurs semaines. Voire même à ne pas faire grève, pour les secteurs peu impactants (administrations diverses…) pour mettre l’équivalent de la journée de travail dans les caisses de grève en question. Puis continuer d’organiser des collectes massives partout où c’était possible pour amplifier ces caisses de grève, et en assurer la redistribution aux raffineurs, aux cheminots, aux éboueurs… Ensuite en arrêtant d’appeler le gouvernement au « dialogue », pour dire franchement les choses : que ce gouvernement est l’ennemi de tous les travailleurs, et n’est absolument pas dans le « dialogue », parce que le dialogue n’existe pas, et que Macron le sait, lui.

    Puis aussi de renforcer le seul mot d’ordre sur les 64 ans, par d’autres revendications plus larges sur je ne sais pas moi, au hasard : l’inflation, les salaires, et l’inaction du gouvernement sur ces sujets cruciaux ? En gros tout ce qui aurait pu (et dû) rajouter du monde dans la mobilisation, en agrégeant et élargissant les revendications, bien au-delà des seules retraites à 64 ans. Car le fait est que la mobilisation sur le seul mot d’ordre des 64 ans n’est pas le seul motif de soutien au mouvement : ce soutien, inconditionnel, se nourrit de multiples colères au sein d’une population de plus en plus méprisée par un exécutif hors sol, qui laisse les gens s’appauvrir au fur et à mesure que les prix augmentent, et que les salaires stagnent.

    Donc au final d’arrêter d’appeler à des journées saute-mouton, pour appeler à des journées rapprochées, et finalement à des semaines complètes de mobilisations.

    En gros, de travailler à l’amplification continue du mouvement, et ce dès le mois de février : ce qui aurait conduit à un mois de mars où tout aurait été bloqué.

    Ce qui aurait ensuite conduit le secteur privé, toujours indécis (ce qui peut se comprendre) à se mobiliser et à entrer dans la danse. On peut aisément supposer, avec les mots d’ordre adéquats, et cette stratégie consistant à faire prendre la sauce sur les secteurs les plus fortement mobilisables, en les soutenant le plus possible, que lorsque les étudiants, puis les salariés encore indécis, auraient vu le pays totalement bloqué, ils seraient entrés bien plus facilement dans la mobilisation, par simple effet d’entraînement. Un effet parfaitement documenté par ailleurs… Nous serions vraisemblablement à l’heure qu’il est déjà victorieux, car Macron n’aurait pas tenu plus d’un mois face à une déferlante de ce type. Au lieu de continuer à faire les andouilles sur des journées saute-mouton des mois durant, pour finir lamentablement fin juin par partir en vacances, la queue entre les jambes une nouvelle fois.

    Encore fallait-il prendre conscience que c’était possible, comme cela fut fait en mai 68.

    Car en mai 68, le secteur privé ainsi que les étudiants entrèrent dans le mouvement en mai justement, et pas avant. Mais il y avait eu une intense préparation en amont, avec plusieurs mois de mobilisations importantes contre les ordonnances de Mai 67, dont nous avions parlé plus haut. Plusieurs mois de grèves et manifestations dures face à un gouvernement de droite, qui ne l’était pas moins.

     

    Mai 67

    Car mai 68 n’a pas existé : c’était mai 67 qui s’est poursuivi jusqu’en mai 68, et c’était contre la perte de la gestion des budgets de Sécurité Sociale que ça a démarré. La meilleure preuve de ce que j’avance ? De la même manière que la bourgeoisie a invisibilisé le créateur de la Sécurité Sociale, Ambroise Croizat, elle a aussi mis sous le tapis les vrais motifs qui conduisirent au déclenchement de mai 68. Tout au long de 1967, et plus particulièrement en automne et en hiver, des manifestations et mobilisations massives eurent lieu, pour demander l’abrogation des ordonnances Jeanneney. Une mobilisation qui se renforcera jusqu'en mai 68...

    Et en juin 68, après l’entrée en lice des étudiants en mai, et un tournant de plus en plus violent disons-le, De Gaulle, tout juste revenu de sa fuite à Baden-Baden, semble lâcher sur tout : il convoque le fameux Grenelle, et octroie au mouvement social une augmentation générale des salaires (entre +10 et +30% selon les branches), le SMIG prend +35%, l’exercice du droit syndical est sanctuarisé dans les entreprises, le passage de la semaine de 48 heures à 40 heures est graduellement acté, le ticket modérateur(ou reste à charge de l’assuré) de la sécurité sociale passe de 35% à 25%...

    Et surtout, on met en place une série de mesures présentées comme des avancées sociales majeures : on favorise la conclusion d’accords locaux entre syndicats et directions dans les entreprises, et on octroie aux premiers, plus de pouvoir de « négociation » face aux seconds.

    On glorifie le « dialogue social » dans les boîtes, et c’est présenté comme le nouvel Alpha et Oméga de la paix sociale, les syndicats et les patrons étant désormais des « partenaires » qui seraient censés danser la même java ensemble.

    La boucle est ainsi bouclée, mais rien, absolument rien ne sera lâché sur les mesures à l’origine du mouvement de mai 67 : les ordonnances Jeanneney, actant l’entrée des patrons et des syndicats collaborationnistes dans les Conseils d’Administration gérant les budgets des Caisses de Sécurité Sociale, et faisant de fait perdre cette gestion aux administrateurs élus de la CGT qui y était auparavant majoritaires, ne seront jamais retirées. De Gaulle et ses amis du patronat seront capables de lâcher la semaine de 40 heures et +30% sur les salaires, mais sur ça, ce fut un niet catégorique. Et on les comprend : les budgets de Sécu, c’est juste une fois et demie le budget de l’Etat, et ce sont principalement, à l’époque du moins, les cotisations patronales qui financent tout ça. Donc on pique aux patrons une partie de leur plus-value au lieu de la filer aux actionnaires, pour la mettre au pot commun. Et ça leur est juste insupportable.

    Passons.

    En juin 68 donc, suite au fameux Grenelle, les direction syndicales, déjà déconnectées de la réalité du terrain à l’époque, appelèrent les manifestants à reprendre sagement le travail… alors que le rapport de force était au plus haut en faveur du mouvement social, et que tout, absolument tout aurait pu être non pas négocié, mais arraché, si la mobilisation s’était poursuivie un tant soit peu…

    Encore une défaite pour le camp social. Travestie en « victoire historique » par les directions syndicales.

     

    Autonomisation et organisation

    Autre fait largement passé sous les radars : c’est lorsque le mouvement social –d’aucuns diraient le mouvement ouvrier- s’est affranchi des directions syndicales, qu’il a gagné énormément de choses, face à un pouvoir traditionnellement antisocial et bourgeois. Mai 68, comme les gilets jaunes 50 ans plus tard, en sont de bons exemples, quoique imparfaits : c’est lorsque les syndicats « ne contrôlent plus rien », et que les bases débordent, partent là où on ne les attend pas et là où on ne peut pas les canaliser, que le pouvoir prend peur et lâche ce qu’il refusait absolument de lâcher auparavant.

    Mais est-ce suffisant aujourd’hui ?

    Certainement pas : le pouvoir s’arme, de concert avec le camp des possédants, car tous sentent que la sauce est de plus en plus indigeste pour la majorité des exploités, et ils prennent des mesures pour garantir leur survie. Pour contrer la manipulation des directions syndicales, achetées par le pouvoir en place, l’autonomisation du mouvement ouvrier –car c’est de cela qu’il s’agit- est donc l’une des conditions majeures de la réussite, mais elle n’est pas la seule.

    L’organisation est aussi une des clés du succès : et, de ce point de vue, les syndicats ont beaucoup à apporter au mouvement social. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : bien sûr que je prêche pour ma paroisse, mais c’est une paroisse qui a beaucoup de fidèles… et rappelons-le, l’évêque ne fait jamais la paroisse. Les syndicats ne sont pas leurs directions… Il en est des syndicats comme du reste : ils ne sont qu’un outil, qui peut être bien ou mal utilisé selon les circonstances. Mais on ne peut reprocher à un marteau d’avoir été utilisé pour fracasser des crânes -ou un mouvement social… l’outil doit d’abord servir à construire.

    Arrêtons ici la métaphore, pour nous concentrer sur l’essentiel : nombre de militants syndicaux sincères et dévoués, agissent aujourd’hui dans les entreprises, et font un travail considérable, et sont de fait le dernier rempart, face à la toute-puissance des patrons. Macron les a d’ailleurs considérablement affaiblis depuis son accession au pouvoir : ordonnances travail réduisant le nombre d’heures de délégation syndicales, sabotage des Comités d’Hygiène et des Conditions de Sécurité au Travailsabotage des Prud’hommes, sabotage des Comités d’Entreprise, sabotage de la Médecine du Travail

    Tout ceci a globalement conduit à la situation que l’on connait dans les entreprises en France aujourd’hui : le pays est le recordman européen des Accidents du Travail (2 morts par jour dans le silence médiatique le plus assourdissant), le nombre de burn-out, démissions et autres arrêts maladie pour dépression bat des records, et la fameuse « souffrance au travail » est désormais connue de pratiquement tout le monde…Ce simple fait devrait nous alerter : qu’un individu aussi retors que Macron s’attaque en premier lieu et avec autant de férocité aux syndicats, est révélateur.

    Macron a grandement déséquilibré le rapport de force en faveur des patrons.

    Il a clairement identifié ses ennemis, et les dézingue méthodiquement.

    Il procède de la même manière avec les directions syndicales nationales, et avec le piège que constitue cette contre-réforme des retraites qu’il a poussée jusqu’au bout. Avec en creux ce message, destiné aux salariés : «  les syndicats ne servent à rien, regardez ils n’ont pas réussi à arrêter quoi que ce soit, la réforme est passée, et bientôt ils reviendront à la table empoisonnée du fumeux dialogue social  ».

    Résultat ? Que ça soit une action de blocage d’un rond-point, ou avec une énième casserolade, on a bien ici aussi tous les symptômes d’une autonomisation du mouvement ouvrier. Les gens restent fortement mobilisés, et commencent à acter que l’action syndicale traditionnelle, telle que proposée par une intersyndicale déconnectée, n’est plus en phase avec ce qui est nécessaire pour l’emporter.

    Le mouvement est en train de s’autonomiser, et de prendre des formes nouvelles. Il reste un mouvement puissant, n’en doutons pas un seul instant malgré tous les discours qui veulent et voudront toujours nous faire croire le contraire. Un mouvement toujours solidement ancré dans l’opinion publique, et qui est destiné à durer bien après que l’intersyndicale aura arrêté son cinéma pour « revenir à la table des négociations ».

    On ne peut souhaiter à ce mouvement qu’une chose : qu’il emprunte le meilleur des gilets jaunes, et le meilleur des gilets rouges, de manière à convaincre l’écrasante majorité des (encore) sans-gilets.

    Car ça n’est que lorsqu’il sera autonome, et organisé, que ce mouvement sera suffisamment révolutionnaire, pour faire définitivement plier Macron et son monde.

     

    Le mouvement social n’est pas mort : il est juste à réinventer.

     


  • Mais où est passé le syndicat FO ?

    Éclipsé par la CFDT et la CGT pendant la bataille de la réforme des retraites, Force ouvrière n’a pas disparu du paysage, mais paie un positionnement moins identifiable.

     

    Par Philippine Robert

     


  • Social: et maintenant le test des négociations

     

    Le 11 janvier, lendemain de la présentation de la réforme des retraites, l’Opinion titrait « Et maintenant, le test de la rue ». Désormais, la suite devrait se jouer autour de discussions

    Intersyndicale 01/05/2023 Lhaik
    Laurent Berger (CFDT) et Sophie Binet (CGT) lors d'une rencontre avec Elisabeth Borne, à Matignon, le 5 avril 2023.
    Sipa Press
    Les faits - 

    Le 1er mai, la treizième journée de manifestation contre la réforme des retraites a réuni 782 000 manifestants, selon le ministère de l’Intérieur, davantage qu’un 1er mai traditionnel. A Paris, 112 000 personnes se sont retrouvées. Il y a eu des heurts et des violences, comme à Nantes ou Lyon. Le 2 mai, l’intersyndicale se réunit à nouveau. Elisabeth Borne, Première ministre, va envoyer, d’ici à la fin de la semaine, une invitation aux partenaires sociaux pour des rencontres, probablement bilatérales. Le président de la République devrait ensuite leur donner rendez-vous.

    En 2006, la lutte contre le contrat premier embauche (CPE) paralyse la France. Moins d’un an plus tard, la loi du 31 janvier 2007, dite loi Larcher, revalorise le rôle de la négociation entre le patronat et les syndicats. Le combat de rue a accouché d’un progrès. Assiste-t-on au même scénario aujourd’hui ? Pour sortir du conflit sur les retraites, Emmanuel Macron propose une issue similaire : lancer un cycle de négociations afin de définir un pacte de la vie au travail.

     

  • Sophie Binet, la cadre qui rêvait d’être ouvrière

    À 41 ans, cette diplômée en philosophie est issue de l’Éducation nationale. Elle a succédé à Philippe Martinez à la tête de la CGT. Rencontre.

     Par Philippine Robert

     


  • Défilés du 1er Mai : « raz de marée » » ou « baroud d’honneur » ?

    Syndicats et gouvernement ne misent pas de la même manière sur le succès des manifestations lors de la fête du Travail, lundi, sur fond de réforme des retraites.

     Par V.D. avec AFP

    Dans la capitale, le cortege s'elancera a 14 heures de la place de la Republique vers la Nation. (Photo d'illustration).
    Dans la capitale, le cortège s'élancera à 14 heures de la place de la République vers la Nation. (Photo d'illustration).© Jean-Baptiste Quentin / MAXPPP / PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP

     





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