« Nous avons obtenu des choses que personne ne pensait possibles », jubile Shawn Fain, le président de l'UAW (United Auto Workers), le grand syndicat américain des salariés de l'industrie automobile, dont le premier fait d'arme avait été d'obtenir le droit de parler lors des pauses déjeuners dans l'usine General Motors de Flint en 1937. Jugé moribond, fragilisé par des décennies de désindustrialisation et des scandales de corruption, l'UAW renaît de ses cendres et vient d'obtenir un succès de taille. Ce jeudi 26 octobre, après 41 jours de grève, les salariés de Ford ont obtenu une augmentation de 25 % du salaire de base d'ici 2028 et des indemnités de vie chère. Les travailleurs les moins bien payés bénéficieront même d'une augmentation de plus de 150 %.
« Depuis le début de la grève, Ford a mis sur la table 50 % de plus que lorsque nous avons débrayé. Cet accord nous place sur une nouvelle voie pour redresser la situation chez Ford, chez les Big Three (surnom donné aux trois constructeurs historiques, N.D.L.R.) et dans l'ensemble de l'industrie automobile », espère Shawn Fain, dont le syndicat a pour la première fois engagé une grève simultanée chez Ford, General Motors et Stellantis, où le mouvement se poursuit. « La tendance est en train de s'inverser pour la classe ouvrière » veut même croire Shawn Fain alors que les mobilisations syndicales se multiplient dans la restauration, la logistique, et même à Hollywood, où les scénaristes ont fait plier les grands studios, début octobre, après 148 jours de grève.
VENT PORTEUR
Outre-Atlantique, les syndicats ont le vent en poupe. Selon un sondage Gallup, les Américains ne les ont pas autant soutenus depuis les années 1970. Le contexte semble favorable. Le chômage se situe à un niveau très bas aux États-Unis (3,8 % en août). Et, alors que des dizaines de milliards de dollars sont investis dans la réindustrialisation, des pénuries de main-d’œuvre apparaissent, ce qui renforce le pouvoir de négociation des salariés. Face à l'inflation persistante, les augmentations de salaires semblent d'autant plus légitimes que les grandes entreprises, notamment dans l'automobile, réalisent des profits très confortables (16,8 milliards d'euros en 2022 pour Stellantis).
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Et ils sont soutenus par Joe Biden. Voulant notamment marcher dans les pas de Roosevelt, qui désignait « la cupidité des entreprises » comme « l'ennemi », le président démocrate aime à se présenter comme « le président le plus pro-syndicat » de l'histoire américaine. Et ces dernières semaines, il est apparu, mégaphone au poing, sur des piquets de grève. Dans l'optique de la prochaine élection présidentielle, en novembre 2024, Biden semble miser sur la vague syndicale pour emporter la voix des travailleurs de l'industrie alors que ceux-ci avaient plutôt opté pour Donald Trump, lors des dernières élections.
PRINTEMPS SYNDICAL
En France aussi, certains observent un « printemps syndical ». Dans un article pour The Conversation, plusieurs chercheurs constatent « un ensemble de signaux au premier rang duquel figurent les fortes mobilisations contre la réforme des retraites il y a quelques mois ». En juillet dernier, Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, annonçait avoir enregistré près de 50 000 nouveaux adhérents au cours du premier semestre 2023. Et Sophie Binet, à la tête de la CGT, avance le même chiffre dans ses rangs.
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