Supprimer, oui, mais quoi ? C’est le grand dilemme auquel Facebook se heurte depuis quelques années, et il n’est pas près de cesser. Dans la foulée de la suppression, le 31 juillet, de 32 «faux comptes» pour tentative de manipulation politique, le groupe de Mark Zuckerberg a aussi fait disparaître… un événement antiraciste, qui n’avait, lui, rien de «faux».

L’événement, intitulé «No Unite the Right 2 - DC», devait se dérouler du 10 au 12 août devant le Freedom Plaza à Washington. Il visait à répondre à une manifestation organisée par l’extrême droite pour «célébrer» le premier anniversaire de son grand rassemblement à Charlottesville, qui avait fait un mort parmi les contre-manifestants de gauche.

Confusion

A l’origine de l’événement Facebook, la page «Resisters», dont le comportement a été jugé «factice» par Facebook, pour qui elle prenait ainsi part aux dites «tentatives de manipulation politique». Le réseau social a donc supprimé la page et, avec elle, l’événement que ses administrateurs avaient créé.

Or, rapidement après sa création, l’événement avait été repris en main par une coalition de militants locaux bien réels, sous le nom de Shut It Down DC. Andrew Batcher, l’un de ses membres, raconte sa confusion à TechCrunch : «Quand nous avons commencé à nous organiser, nous avons évoqué l’idée de créer une page Facebook, puis nous nous sommes aperçus qu’elle existait déjà […]. Nous avons demandé à devenir co-administrateurs de l’événement, et nous avons commencé à publier dessus. Tout ce qui a été enlevé nous appartenait.» La lanceuse d’alerte Chelsea Manning, également impliquée dans l’événement, a confirmé au New York Times que la manifestation était prévue de longue date, et que des militants de Washington et de Charlottesville évoquaient ce projet depuis «au moins février».

Amalgame

Beaucoup d’activistes impliqués dans l’événement ont par ailleurs dénoncé l’amalgame entretenu par Facebook entre leur rassemblement et les récentes tentatives d’ingérence russe sur les réseaux sociaux américains. Un lien a notamment été établi à demi-mot par Facebook entre les 32 comptes qu’il venait de désactiver et les tentatives d’exploitation de son service par l’Internet Research Agency (IRA), soupçonnée d’être un bras droit du Kremlin, lors de l’élection américaine de 2016. Le manque de clarté du réseau social a donc conduit de nombreux médias américains à dépeindre, à tort, l’événement antiraciste supprimé comme le fruit d’une manipulation russe.

Shut It Down DC, qui a dû clarifier sa position sur Twitter, a depuis créé un nouvel événement Facebook. Il compte à cette heure un peu plus de 500 participants.

ShutItDownDC@shutitdowndc
 
 

BLM and numerous other groups are central to organizing against a real threat to DC. We do not organize because of Russia, we do this to make sure our loved ones, communities, and neighborhoods stay safe from fascists in, and out of, uniforms.

 
Pablo Maillé