Chaque matin du lundi au vendredi, si possible à 9 h 15 précises, Daniel Schneidermann publie cette chronique sur les dominantes médiatico-numériques du matin. Ou parfois de la veille au soir (n'abusons pas des contraintes). Cette chronique est publiée sur le site indépendant arrêt sur images (financé par les abonnements) puis sur Rue89.
On est sauvés. Facebook et Google vont partir à la chasse aux fausses nouvelles, photos bidon, et autres intox en ligne, qui ont pollué la campagne présidentielle américaine, et menacent la campagne française. Je vous laisse découvrir les détails de l'opération, que nous exposions hier.
Les fake news de faux sites... et les autres
Je dis "fausses nouvelles", mais je retarde. On dit "fake news", c'est plus chic. Mais au fond, qu'est-ce qu'une "fake news", demandais-je hier ingénument à Robin Andraca, auteur de l'enquête en question. Ce n'est pas seulement une fausse nouvelle, comme on pourrait le penser. C'est une fausse nouvelle fabriquée (ou propagée, ou les deux) par un faux site, un site sans auteurs repérés, sans "Qui sommes-nous ?", sans tous ces indices qui aident à le situer. Bien.
Mais il ne faudrait pas oublier les autres "fake news". Celles qui sont propagées par des sites de presse très honorablement connus, et allocataires de subventions publiques. Car elles viennent parfois d'ailleurs, les intox. De la préfecture de police de Paris, par exemple, qui assura le week-end dernier que la police, après les manifestations de soutien à Théo à Bobigny, avait sauvé une fillette de six ans d'une voiture menacée par le feu, info reprise un peu partout (pensez donc, la préfecture ne saurait mentir !). Avant de se voir contredite par les témoins : c'était en fait un jeune homme, qui avait sorti la fillette.Entre le suivisme et le consensualisme de l'information industrielle (voir notre dossier "info-poubelle"), et les intox de provenance non identifiée, il n'y a pas à choisir. Les deux sont nocifs. Feu orange pour tout le monde, et on n'en parle plus.
Quels moyens pour lutter ?
Ce qui choque surtout, dans les opérations Google-Facebook, ce sont les moyens annoncés. Ou plutôt les non-moyens. Vous avez bien lu : des étudiants en journalisme, pour Google. Et pour Facebook, personne. Au total : trois cacahuètes. Et la suprême habileté d'associer les médias à cette distribution de cacahuètes, afin que lesdits médias n'appellent pas les cacahuètes des cacahuètes.
Soyons clair : pour éviter de polluer les esprits avec des intox indiscernables, il y a deux solutions. D'abord, armer les jeunes esprits. C'est le travail de l'école (voir ici tous nos enthousiasmants Classe télé). Ensuite, oui, tenter de nettoyer le Web, ou au moins de le baliser. Et ça, seules les multinationales Google et Facebook ont les moyens (technologiques et financiers) de le faire, épaulées, voire guidées, par le participatif.
Les presses nationales, seules (et l'exemple de Décodex le montre bien) n'en ont ni la légitimité ni les moyens. Ce qu'il faut inventer, c'est un moyen de marier les savoir-faire de Wikipedia et de Facebook. Qui d'autre donc, pour inventer les outils nécessaires, que les moteurs et les plateformes, avec leurs armées de druides spécialistes en algorithmes ? Mais à court terme, il n'y a pas aucun profit à en retirer. En attendant, tout effet d'annonce est une intox. Une fake news, si vous préférez.