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    Travailleuse pauvre, elle se met en grève de la faim

    Photo de la page Facebook d'Aurélie «J'ai le droit de vivre de mon travail».

     

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    Mère de deux enfants, Aurélie, 27 ans, dénonce une situation dans laquelle elle gagne moins d'argent en travaillant qu'en restant chez elle. Elle réclame le droit de «vivre de son travail».

    Aurélie, 27 ans, voudrait vivre de son travail. Or, depuis qu'elle a repris son activité à plein-temps la jeune femme, mariée et mère de deux enfants de 2 et 6 ans, a perdu des aides sociales et ne parvient plus à joindre les deux bouts. «Avant, quand je travaillais à mi-temps et que mon mari était étudiant, entre mon salaire et les aides de la Caf, on touchait à peu près 2000 euros. Et là, depuis qu'on travaille tous les deux à temps plein - moi dans une boulangerie et lui comme clerc de notaire -, on n'a pas assez pour vivre» explique-t-elle sur RMC.fr. Pour dénoncer sa condition de travailleur pauvre, la jeune femme a décidé de se mettre en grève de la faim. Depuis le 6 février, les jours où elle ne travaille pas, elle s'installe devant la mairie d'Auxerre, assise sur un carton et entourée de pancartes. «L'État me prive de travail» peut-on lire sur l'une d'entre elles.

    En CDI l'un et l'autre, Aurélie et son mari gagnent à eux deux près de 2400 euros par mois. Mais à la fin du mois, après la nounou, les factures et le loyer à régler, il ne leur reste plus «que 30 euros pour vivre» détaille la jeune femme. Une grosse partie des revenus du couple permet de payer l'assistante maternelle qui garde les enfants. «Les deux dernières payes s'élevaient à 1048 et 1259 euros» détaille Aurélie sur sa page Facebook intitulée «J'ai le droit de vivre de mon travail». La caisse d'allocations familiales rembourse 290 euros de garde d'enfants au couple et verse 129 euros d'allocations pour les deux enfants. «Le problème aujourd'hui c'est que je gagnais plus d'argent en restant chez moi, à ne pas avoir de frais de garde d'enfant, avec le salaire à mi-temps de mon mari étudiant», précise-t-elle dans une vidéo publiée samedi soir sur Facebook.

    «Je veux travailler! Je ne veux pas d'APL ou d'autres allocations.»

    Aurélie, auprès de France Bleu Auxerre.

    Mais pour Aurélie, pas question d'arrêter son travail. «J'ai entendu à la CAF et à la mairie, que j'étais bête et que je ferais mieux d'arrêter de travailler pour toucher plus d'aides et m'occuper moi-même de mes enfants», déplore-t-elle auprès de France Bleu Auxerre. «Je veux travailler! J'aime ce que je fais et en tant que femme, j'ai le droit de travailler.» Par son action, la jeune femme espère interpeller les politiques pour «qu'on trouve des solutions». «Je ne veux pas d'APL ou d'autres allocations. Je veux simplement qu'on me rembourse mieux l'assistante maternelle pour que je puisse aller travailler.»

    Le cas d'Aurélie n'est pas isolé. D'après l'Observatoire des inégalités, un million de personnes exercent un emploi mais disposent, après avoir comptabilisé les prestations sociales (primes pour l'emploi, allocations logement, etc.) ou intégré les revenus de leurs conjoints, d'un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, soit à peine plus de 800 euros par mois.

     

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    Miguel Hernandez : « Ce que réclament les gens à Aulnay, c’est d’abord du travail »

    Entretien réalisé par Camille Bauer
    Vendredi, 10 Février, 2017
    Humanite.fr
    Pour l'élu communiste Miguel Hernandez" personne n’a intérêt à l’escalade, parce que si les quartiers sont en feu, les premières victimes seront leurs habitants." Photo : François Guillot/AFP
    Pour l'élu communiste Miguel Hernandez" personne n’a intérêt à l’escalade, parce que si les quartiers sont en feu, les premières victimes seront leurs habitants." Photo : François Guillot/AFP

    Elu PCF au conseil municipal d’Aulnay-sous-Bois, Miguel Hernandez revient sur la caractère sécuritaire de la politique mise en place par le maire (LR) Bruno Beschizza et sur la souffrance de ses quartiers les plus touchés par le chômage.

    Comment avez-vous réagi à l’agression du jeune Théo ?

    Miguel Hernandez. Je condamne bien sûr la façon inqualifiable dont la police est intervenue sur ce jeune homme. C’est ignoble car on a atteint quelqu’un dans sa chair et dans sa dignité. Son attitude et celle de sa famille est très digne, très responsable, et j’espère que cela aidera à ce que justice aille vite. Personne n’a intérêt à l’escalade, parce que si les quartiers sont en feu, les premières victimes seront leurs habitants. Cette situation n’est pas nouvelle. Nous avons eu plusieurs incidents à Aulnay. En 2012, un jeune est décédé à la cité Balagny. En juillet 2013, il y a eu aussi une intervention des forces de police dans la cité de l’Europe, avec des tirs de flash ball. Le problème, en réalité, c’est la façon dont la police intervient: toujours violente pas forcément ciblée. Evidemment, je suis favorable à ce qu’on arrête les délinquants ; mais bien souvent, autour d’eux, beaucoup de gens subissent les conséquences de ces interventions violentes.

    Comment jugez-vous l’attitude du maire ?

    Miguel Hernandez. Bruno Beschizza n’est pas n’importe qui. C’est un ancien policier, ex secrétaire général d’un syndicat (Synergie) de droite. Aujourd’hui délégué sécurité des Républicains, il a fait d’Aulnay la tête de pont de la politique de reconquête de la droite en Seine saint Denis. C’est pourquoi il ne peut pas se permettre aujourd’hui que ça pète. Mais sur la ville, sa politique est surtout sécuritaire et d’affichage. Il a doublé les effectifs de police municipale, qui est active sept jours sur sept et 24 heure sur 24. Cette police est surarmée : gilets de protections, matraques télescopiques, bombes lacrymogènes, et même un pistolet spécial. Le maire souhaite aussi, à terme, installer 300 caméras de surveillance, c’est à dire une tous les 600 mètres. Il a aussi remis en place un centre urbain de supervision. Il dit que comme la police nationale ne joue pas son rôle, il met en place une police municipale. Mais celui qui a supprimé la police de proximité et réduit les effectifs de la police nationale, c’est quand même son mentor, Nicolas Sarkozy !

    Comment agit la police municipale sur le terrain?

    Miguel Hernandez. C’est quand même une police un peu particulière, aux ordres d’un exécutif politique. Elle intervient sur les missions que le maire définit. Ce n’est pas une police préventive ni une police qui accompagne les gens. C’est une police qui sert à courir derrière les délinquants. Et aussi, comme on l’a vu dernièrement, à arrêter des opposants qui protestaient contre la décision du maire de censurer une campagne de prévention anti-sida. C’est elle aussi qui interpelle les Rom parce qu’ils mendient – jusqu’à ce que l’arrêté anti mendicité du maire ne soit cassé. Cette police sert aussi à verbaliser les réfugiés syriens qui font la manche aux carrefours de la ville, sous prétexte qu’ils ne sont pas sur des passages piétions. Voila une partie des missions de la police municipale, aujourd’hui à Aulnay sous bois…

    Cette politique a eu un coût. Quelles en sont les conséquences ?

    Miguel Hernandez. C’est difficile à évaluer complètement mais ça représente pas mal d’argent. Par exemple, la police municipale, c’était 3 millions d’euros en 2015, rien qu’en salaires sur un budget global pour la ville de 200 millions d’euros. Faire ce choix sécuritaire quand on a un budget doublement contraint, d’un côté par des baisses de dotations de l’Etat, et de l’autre, par le dogme de la non augmentation des impôts locaux, cela oblige à faire des économies ailleurs. Ca s’est traduit par pratiquement plus aucun investissement en équipement sur la ville. Les subventions allouées aux associations, qui font du lien social dans les quartiers, ont aussi été réduites de 5% par an. Sans parler de la privatisation de certains services : deux crèches sur huit sont ainsi passées en délégation de service public. Et ce sera bientôt le cas pour le nouveau centre nautique.

    Que faudrait-il faire dans ces quartiers ?

    Miguel Hernandez. Ce sont des quartiers qui ont été mis en politique de rénovation urbaine. C’est très bien, sauf qu’on ne peut pas se contenter de remettre un coup de peinture et de disperser les populations les plus paupérisées. On a investi des millions d’euros dans le quartier de la Rose des vents, mais le chômage n’y a pas baissé. Les gens tiennent toujours les murs et le pouvoir d’achat des familles est resté le même. Les questions sociales n’ont pas évolué. C’est pour ça que chaque fois qu’il y a une montée d’adrénaline dans les cités, ça fait ressurgir toute cette difficulté de vie que la rénovation urbaine n’a pas modifié en profondeur. Quand on demande aux gens ce qu’ils veulent, ils répondent d’abord : « Je veux du travail ».

     


  • « Commençons par appliquer le droit commun dans les quartiers populaires »

    Camille Bauer
    Dimanche, 12 Février, 2017
    François Hollande en visite aux Ulis (Essonne) en 2012.
    François Hollande en visite aux Ulis (Essonne) en 2012.
    Photo. Fred Dufour/AFP

    La sociologue Marie-Hélène Bacqué revient sur les promesses non tenues de la gauche de gouvernement et propose des pistes de réflexion pour que les habitants des quartiers populaires soient enfin considérés et traités comme des citoyens à part entière.

    Sociologue et urbaniste, Marie-Hélène Bacqué est une spécialiste reconnue des quartiers populaires. À la demande du ministère de la Ville, elle a écrit en 2013 avec Mohamed Mechmache, président d’AC le feu et coprésident de la coordination nationale des quartiers populaires Pas sans nous, un rapport sur la participation des citoyens.

    Qu’est-ce que les violences d’Aulnay-sous-Bois disent de la politique menée vis-à-vis de ces quartiers ?

    Marie-Hélène Bacqué. Ce qui se passe à Aulnay montre la permanence des tensions avec la police. Le candidat Hollande avait promis la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité, mais rien n’a été fait. On a même régressé. Avec les attentats et l’état d’urgence, la tension est très forte dans les quartiers populaires. Ce qui se passe à Aulnay n’est pas un épiphénomène. Il y a quelques mois, Adama Traouré a trouvé la mort dans un commissariat. Il faut par ailleurs reconnaitre que la police travaille dans ces quartiers dans des conditions très difficiles, avec des injonctions aux résultats chiffrés, sans formation.Mais cela n’excuse pas le racisme et la discrimination et aujourd’hui, les quatre policiers accusés sont en liberté quand deux jeunes qui ont lancé des pierres sont eux emprisonnés. Il y a quand même un décalage dans la façon dont est rendue la justice. Il est aussi significatif que, jusqu’à cette affaire, les quartiers populaires aient été totalement absents de la campagne présidentielle. C’est terrible qu’il faille une agression aussi violente pour qu’on parle de ces quartiers, et toujours sous le prisme de la violence.

    Quels sont les autres points sur lesquels il y a eu peu ou pas d’avancées ?

    Marie-Hélène Bacqué. Il y a les discriminations, question centrale dans les quartiers populaires. Là-dessus aussi, on a regressé puisque le Défenseur des droits a des prérogatives moins importantes que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) qu’il a remplacée. Les politiques n’ont pas pris la mesure de cette question, alors que la racialisation des rapports sociaux monte dans notre société. Au-delà, il y a un éloignement du PS et de la grande majorité des politiques, des classes populaires. A l’Assemblée, seuls 2 % des élus viennent des classes populaires qui représentent 50 % de notre société, sans compter la quasi absence des minorités visibles. Il y a là un vrai problème de représentation mais aussi une méconnaissance de ce que sont les quartiers populaires.

    Qu’est ce qui a été fait au niveau des services publics de base ?

    Marie-Hélène Bacqué. Du point de vue scolaire, on n’a pas beaucoup avancé. Il y a besoin de vrais moyens dans les établissements des quartiers populaires. Or, un élève qui fait sa scolarité en Seine-Saint-Denis aura une année de scolarité en moins qu’un élève parisien, simplement à cause de l’absence des enseignants. Se pose aussi la question des cartes scolaires. Tant que les écoles privées n’y seront pas intégrées, il sera difficile de rétablir un peu de mixité et d’égalité. Ces territoires, comme d’ailleurs certains territoires ruraux, sont aussi en train de devenir des déserts du point de vue de la santé. Il y a un manque de médecins en France en général, à cause du numerus clausus beaucoup trop restrictif de la fin de première année. Mais le manque est plus criant dans ces territoires défavorisés. Ce sont d’ailleurs l’ensemble des structures de santé publique (hôpitaux, centres municipaux…) qui sont en difficulté. Quand un centre municipal ferme en Seine-Saint-Denis, c’est toute une population qui reste sur le carreau.

    Avez-vous constaté une évolution du discours avec la gauche au pouvoir ?

    Marie-Hélène Bacqué. Le discours n’est pas le même que celui de Sarkozy, qui parlait de « karcher » et de « racaille ». Mais en même temps, après les attentats, beaucoup de regards se sont tournés vers les quartiers populaires auxquels on a renvoyé la question du terrorisme. La priorité est devenue la déradicalisation, question certes importante mais qui renvoie à des enjeux plus larges comme les inégalités, la discrimination, le post-colonialisme qui ne sont pas abordés. Il y a aussi eu une montée forte de l’islamophobie qui transparait dans les débats comme celui sur le burkini, dans lesquels certains responsables politiques de gauche ont repris des discours identitaires clivants. Tout cela affecte profondément les habitants des quartiers populaires. Il y a quand même une façon très stigmatisante de parler de ces quartiers qui contribue à criminaliser leur jeunesse. Et là-dessus, il y a aussi une responsabilité des médias.

    Que préconisez-vous pour ces quartiers ?

    Marie-Hélène Bacqué. La première chose à faire, c’est d’appliquer le droit commun. On a mis en place une politique dite de « discrimination positive » qui visait à rattraper l’écart entre les habitants de ces quartiers et le reste de la population en y mettant plus de moyens. Or, malgré le discours, il n’y même pas dans ces quartiers des moyens équivalents à ceux qui sont alloués à d’autres parties du pays. Ainsi, un enfant scolarisé dans la banlieue populaire parisienne coûte beaucoup moins cher qu’un enfant scolarisé à Paris. Donc, la simple égalité pour les habitants de ces quartiers, en termes d’accès aux équipements, aux services publics, serait une avancée. Mais pour y arriver, il faut un projet porté par une vraie politique publique et pas une politique marginalisée qui correspond comme aujourd’hui à seulement 0,16 % du budget de l’État. Il faut aussi développer la coproduction des politiques publiques. Il y a un vrai enjeu à reconnaître le pouvoir à agir des citoyens, alors que les politiques publiques, locales comme nationales, sont souvent plus écrasantes qu’incitatives. Il est significatif qu’une association comme AC le feu, née en 2005 à Clichy-sous-Bois au moment des révoltes, rencontre aujourd’hui de graves difficultés financières. On demande aux citoyens de se mobiliser quand il y a des problèmes, puis on écrase ou on ne soutient pas leur action quand on trouve qu’ils revendiquent trop. Les élus locaux ont parfois peur des contre-pouvoirs, mais ils ont tout à y gagner. Aujourd’hui, face à la crise sociale et politique, la seule arme, c’est le débat public et l’initiative citoyenne. Si nos élus ne le comprennent pas, ça va leur éclater entre les mains.

    Journaliste rubrique Société

  • Fausses nouvelles : les médias dominants gonflent leurs chiffres de fréquentation grâce à des bots chinois

     

    La semaine dernière, le New York Times, journal en perdition, a publié un article qui attribuait à Donald Trump et à l’élection présidentielle controversée le gain de « plus d’abonnés en trois mois que sur toute l’année 2015 », revendiquant 276 000 clients supplémentaires pour la « version numérique uniquement ». La publication, propriété du milliardaire mexicain Carlos Slim, cernée de toutes parts, se porte tellement bien qu’elle abandonne huit étages de son quartier-général new-yorkais pour « générer des revenus locatifs significatifs », et qu’elle publie de pathétiques publicités sur Twitter proposant 40 % de réduction sur les abonnements, avec des slogans tels que « La vérité. C’est vital pour la démocratie » et « Le meilleur du journalisme indépendant ».

    Alors que le nombre d’abonnés pourrait certes avoir augmenté, le trafic sur le site n’a véritablement commencé à décoller qu’à partir de la première semaine de décembre. Le Washington Post et le Guardian ont connu des évolutions de trafic similaires durant cette période, en contraste flagrant avec leurs autres confrères. Une rapide comparaison avant/après illustre l’énorme augmentation du nombre de visiteurs :

    Classements au début du mois de décembre 2016 :

    Classements au 8 février 2017 :

    Le trafic commence à augmenter de manière significative vers la mi-décembre pour les trois sites. Voici une comparaison des variations de la fréquentation de ces trois sites, comparée à celle d’autres sites d’information :

    Voilà qui est étrange. Voyons à présent la fréquentation du site du New York Times par pays d’origine, qui montre une augmentation significative du nombre de visiteurs en provenance de Chine, passant en deux mois de 5,1 % à 49,2 % de l’ensemble du trafic sur le site :

    Ce qui est encore plus intéressant est le fait que le New York Times a été complètement bloqué en Chine depuis 2012, et que le mois dernier Apple a reçu l’ordre de retirer deux applications du NYT de son App Store, bien que les utilisateurs n’avaient de toute façon pas la possibilité d’accéder au contenu depuis l’interdiction de 2012. Le New York Times a lui-même déclaré :

    Lorsque le gouvernement chinois a commencé à bloquer les sites internet du Times en 2012, il a aussi empêché les utilisateurs de Times app de télécharger du contenu nouveau.

    Les personnes cherchant à contourner les filtres internet utilisent habituellement des VPN (Virtual Private Networks – Réseaux Privés Virtuels) qui tentent de se frayer un chemin à travers les murs de protection hautement restrictifs utilisés par la Chine, qui a cependant réprimé l’usage de VPN depuis plusieurs années.

    À présent, jetons un œil au Washington Post et au Guardian, qui ne sont pas bloqués en Chine – un pays qui est passé pour les deux sites d’un trafic quasi-nul au 1er décembre 2016, à une fréquentation globale respective de 58,9 % et 57 %.

    Ces importantes augmentations de trafic ont permis aux deux sites de voir leur classement de fréquentation sur Alexa augmenter jusqu’à 38 %, une donnée essentielle pour estimer la valeur marchande d’un site internet. On notera que le site BBC.com a connu une augmentation similaire, et c’est peut-être le cas pour d’autres. [Ndt : les sites Lefigaro.frLemonde.fr et Liberation.fr ont par exemple tous connu une forte hausse de leur classement sur Alexa à partir de juillet 2016, après avoir été en chute libre dans ce classement]

    Il est évident que, considérant la restriction de l’URL du New York Times en Chine, on pourrait conclure que cette augmentation massive, qui représente désormais près de la moitié de la fréquentation totale du site, provient d’un type de serveur automatisé générant un trafic élevé qui ne serait pas entravé par le mur de protection restrictif mis en place par la Chine, ce qui permettrait d’augmenter artificiellement le décompte des visiteurs sur ces sites.

    Les trois organes de presse ont passé la majeure partie de l’année 2016 à tenter d’influencer l’élection américaine en faveur d’Hillary Clinton, avec une couverture biaisée et en publiant régulièrement des articles à charge contre Donald Trump. Depuis sa victoire électorale, le président Trump a déclaré la guerre à la plupart des médias dominants – les qualifiant de « parti d’opposition », tout en restant la cible d’attaques biaisées. La Chine n’est pas non plus un soutien de Trump ; entre la menace sur l’augmentation des tarifs douaniers et le mépris de Trump pour la politique traditionnelle américaine de préférence pour la « Chine Unique » plutôt que pour la reconnaissance de Taïwan, la Chine a à la fois des raisons politiques et économiques de tenter de faire pression sur le discours offensif du président américain.

    De plus, la société d’état chinoise JAC Motor et le fabricant automobile mexicain Giant Motors, co-détenu par le propriétaire du New York Times Carlos Slim, investissent conjointement plus de 200 millions de dollars pour fabriquer des véhicules à Hidalgo, au Mexique, suite aux querelles continuelles entre le président Trump et le Mexique au sujet de la proposition de mur à la frontière, et des taxes douanières exorbitantes qui sont censées en payer la construction. Amazon, qui a un actionnaire en commun avec le Washington Post, a récemment été autorisé par la Chine à transporter par cargo des marchandises chinoises vers ses entrepôts américains, ainsi qu’à lancer Amazon Web Services dans ce pays fortement restrictif.

    Bien qu’on ne sache pas grand-chose de plus jusqu’à présent, la liste des entités capables de représenter la moitié du trafic sur plusieurs sites internets majeurs à partir de domaines chinois est sans doute relativement réduite.


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    OXFAM s’indigne. À l’occasion du sommet de Davos, un fleuron de l’industrie de l’ONG subventionnée a publié les résultats de son étude annuelle sur la concentration de la richesse dans le monde.

    OXFAM est outrée d’annoncer que les 8 personnes les plus riches du monde cumulent à elles seules une fortune de presque 500 milliards de dollars US, autant que le patrimoine des 50 % les plus pauvres de la planète déclare OXFAM. Huit personnes possèdent autant de « valeurs » que 3,5 milliards d’individus (1). Une seconde version du rapport indique que « La richesse de ces 62 individus les plus riches, dont 53 hommes, a augmenté de 44% depuis 2010, alors que celle des 3,5 milliards de personnes les plus pauvres chutait de 41%, précise Oxfam dans cette étude publiée à deux jours de l’ouverture du Forum économique mondial de Davos. Le rapport sur les inégalités d’Oxfam révèle que le patrimoine cumulé des 1% les plus riches du monde dépasse désormais celui des 99% restants » (2).

     Quoi qu’il en soit, la petite bourgeoisie, crevant d’envie, pousse des cris d’orfraie, relayées par la presse « people », la presse de formatage, et par les organisations de la gauche opportuniste et réformiste. Comprenez, l’émoi est grand chez les petits bourgeois en cours de paupérisation de voir ainsi ces huit (ou 62 ?) ploutocrates parmi un clan de 1810 milliardaires (cumulant un patrimoine de 6 480 milliards de dollars US), s’en mettre plein les poches tandis que les bobos s’appauvrissentm quelle « injustice » (3). OXFAM s’émeut, et aboie, comme chaque fois, pour que « l’on » construise une « économie capitaliste plus humaine » et plus « équitable » (sic).

     Ce raffut médiatique soulève plusieurs questions que voici

     

    1) Quel fut le succès de cette complainte compassée dans les années passées ?

     Il faut convenir que d’année en année la complainte d’OXFAM connait un grand succès médiatique, mais absolument aucune suite pratique, si ce n’est que l’année suivante les chiffres de la concentration de la richesse au sommet de la pyramide sociale augmentent. Ce qui nous amène à nous demander quel est le motif du pèlerinage annuel d’OXFAM à Davos ? Obtenir une augmentation de ses subventions pour service rendu ???

     

    2) Qui est, ce « on » qui devrait construire une économie plus humaine… et que serait une économie « plus humaine » ? 3) Quel pouvoir avons-nous de transformer le mode de production capitaliste pour le rendre « plus humain » et plus "équitable" ?

     Les questions deux et trois éclaircissent l’énigme que nous avons soulevé à propos des services rendus par l’ONG stipendiée. Cette ONG de gestion de la charité a pour mission de mystifier les problématiques économiques et de diriger la colère populaire jusqu’à quémander à l’État des riches, responsable de ces calamités, de daigner jeter un regard compassé sur les déshérités. Après des années de futiles sanglots éplorés, la farce n’a-t-elle pas trop duré ? Le pouvoir de l’État, le pouvoir du capital et même le pouvoir du prolétariat sont impuissants à réformer le mode de production capitaliste moribond. Il faudra bien un jour que les ouvriers en conviennent et remplissent leur mission historique qui est de créer un nouveau mode de production sans les riches (4).

     

    4) Pourquoi ce « on » n’a-t-il rien fait contre cette « injustice » qui ne fait qu’empirer chaque année ?

     Nous avons répondu à la quatrième question dans le paragraphe précédent. Le « On » dont parle le communiqué d’OXFAM, que ce soient l’État, les capitalistes transnationaux sans pays ni patrie, ou les citoyens engagés ne peuvent rien contre les lois impératives du mode de production capitaliste qui entraine l’accumulation du capital par le capital. Dans leur sagesse populaire, les anciens disaient « l’argent appelle l’argent ». Ainsi, le rapport d’OXFAM constate qu’« ensemble, les dix plus grosses corporations du monde ont des revenus plus importants que les revenus gouvernementaux de 180 pays combinés  » et d'année en année ça ne fait qu'empirer. C’est ce qui caractérise le mieux la phase impérialiste du mode de production capitaliste. Ce ne sont plus les États, mais les conglomérats transnationaux qui administrent les finances de la planète mondialisée. Et l’an prochain ce sera pire, mais moins que l’année suivante. Et si ces puissants, pleins d’argents, ne parviennent pas à réguler le développement économique catastrophique, comment les ONG ou l’État des riches y parviendraient-ils ?

     

    5) En quoi le modèle économique actuel, dont les potentats se réunissent à Davos chaque année, n’est-il pas « humain » ? 

     Ce mode de production capitaliste est aussi humain que les humains qui le régissent et en assurent la pérennité. Madame Bettencourt est une personne humaine tout comme monsieur Bill Gates. Les rapports de production sociaux issus de ce mode de production façonnent « l’humain » comme vous pouvez l'observer dans votre entourage et à la télé, dans les médias "people" et de "formatage" de l'opinion. Si cette humanité ne vous plait pas à vous d’en changer, en détruisant l’ancien mode de production et en construisant un nouveau qui cette fois produira un nouvel « humain », plus « humain » (5) !

     

    6) Ces milliers de milliards de dollars de richesse comptabilisés par OXFAM sont-ils réellement « la richesse de l’humanité » ?

     Il faut convenir que ces milliers de milliards de dollars de richesse comptabilisés chaque année par l’ONG ne sont pas « la richesse de l’humanité ». Selon les rapports de production issus et régissant le mode de production capitaliste, ces milliards de dollars sont la propriété privée de ceux qui en ont hérité (en 2015, 2,1 trillons de dollars ont été légués en héritage par les plus grandes fortunes) ; ou qui les ont fait « fructifier » spéculativement sur les marchés boursiers avec de la monnaie empruntée ; ou encore, ces milliards USD appartiennent à ceux qui les ont spoliés à l’ouvrier salarié, unique source de valeur sous ce mode de production moribond.

     

    7) Cette richesse – cette monnaie – existe-t-elle vraiment ou n’est-elle qu’une illusion, un fétiche ?

     La septième question est la plus intéressante puisqu’elle nous amène aux véritables enjeux des luttes de classes qui opposent le grand capital, la bourgeoisie moyenne et petite et le prolétariat, les trois acteurs sociaux qui s’affrontent au milieu de cette conjoncture économique désastreuse. Notons pour commencer qu’entre 2015 et 2016 le nombre de milliardaires a diminué de 1 826 à 1 810 et leur richesse globale a régressé de 571 milliards de dollars US. Bill Gates, le richissime entre tous, a perdu 4,2 milliards de dollars de « valeurs » en 2016. C’est peu comparé à 2008 ou l’« évaporation » des « capitaux titriser et toxiques » a été selon les estimations d’environ 1 000 à 2 000 milliards de dollars US (6). Ce qui a appelé, en 2015, sous le règne d’Obama, un don de charité de 14 mille milliards de dollars des deniers publics américains aux « pauvres » de Wall Street (7). Essentiellement de la dette souveraine – car il y a longtemps que le budget fédéral américain ne dégage plus aucun surplus pour engraisser les requins de la finance. C’est donc des milliards de monnaies-crédit que la FED a essaimé sur les parquets boursiers. Ce qui nous amène à demander, mais d’où vient cette richesse qu’accumulent ainsi ces capitalistes milliardaires et les multimillionnaires (8) ?

     

    La vraie monnaie et la fausse « richesse ».

     Qu’elle est la nature de cette richesse, de cette « valeur », qui peut surgir en quantité une journée et « s’évaporer » le lendemain sans laisser de traces autres que la pauvreté et la misère des milliers de salariées saquer ? Comment expliquer qu’en pleine période de récession économique où la production industrielle stagne ou périclite, il y ait tant d’argent à « concentrer » dans les mains des ploutocrates financiers et les banquiers ? D’où vient cette supposée « richesse » que ces multimilliardaires accumulent et qui n’est pas valorisée ?

     Le cycle de rotation du capital fonctionne ainsi  : A) l’argent – stocké à la banque ou en circulation sur les marchés – doit obligatoirement représenter le capital circulant et uniquement ce capital (moyens de production, d’échanges et de communication). Dans le cas contraire, l’argent en surplus provoquera l’inflation ou l’argent manquant provoquera la déflation (augmentation de la valeur de la monnaie par la baisse des prix). B) Lorsqu’il est à la banque, le capital-argent perd son temps et sa valeur  ! Il doit être remis en circulation rapidement. C) En aucun temps le capital argent ne peut se reproduire par lui-même – fructifier – et se valoriser – pendant son transit à la banque ou à la bourse ou lorsqu’il est exporté (IDF) dans un pays étranger, où il devra obligatoirement se transformer en moyens de production, et plus particulièrement en force de travail (salarié ou non salarié), ou en marchandise si le capitaliste souhaite le valoriser (l’enrichir et le faire fructifier). L’argent appelle l’argent, mais l’argent ne produit pas d’argent. D) C’est la plus-value, prélevée à chaque étape de fabrication-transformation des marchandises qui augmente la valeur marchande et entraine la concentration du capital entre les mains d’un bien petit essaim de capitalistes de plus en plus riches. E) Ceci implique que l’intérêt sur le prêt constitue une création de monnaie, mais pas une création de « richesse – de valeur ». De fait, l’intérêt sur le prêt constitue une ponction sur la plus-value produite en usine *. F) D’où il faut conclure que l’augmentation de « valeur » des actions cotées en bourse provient soit : I) d’une ponction réalisée sur la plus-value produite par le capital variable - salarié ou non - engagé dans le secteur productif de l’économie, ce qui en laisse d’autant moins pour les autres acteurs capitalistes ; II) de la monnaie de prêt, un mirage comptable inflationniste qui tôt ou tard devra s’ajuster à la réalité de la productivité stagnante et de la profitabilité déclinante par un krach financier d’autant plus marqué que la bulle spéculative aura gonflé (9).

     Il s’ensuit que nous avons de mauvaises nouvelles pour Bill Gates et ses acolytes, ainsi que pour les bobos envieux, les petits-bourgeois aigris, et pour l’industrie de l’ONG subventionnée. Cette soi-disant « richesse » qui s’accumulerait au sommet de la pyramide sociale est en large partie illusoire - éphémère - de la poussière qui retournera à la poussière, de la monnaie numérique (scripturale que l'on disait avant l'invention de l'informatique), non adossée à des marchandises (moyens de production, d’échanges ou de communication, immobilisation, ou biens de consommation) ayant une réelle valeur d’échange.

     Ces ballons boursiers gonflés à l’hélium spéculatif éclateront à la première récession. Et comme lors du krach de 1929 les milliardaires se retrouveront le cul par terre, leur fortune envolée en fumée, « évaporée » disait un banquier en 2008. Mais ce sont les millions de prolétaires qui se retrouveront à la rue, sans travail et sans moyens de subsistance qui nous désespère. C’est le modèle économique capitaliste, responsable de ces catastrophes financières à répétition, qu’il faut, non pas réformer comme le propose OXFAM, la gauche et la droite bourgeoise (CQFD), mais éradiquer.

     

     

    NOTES

     

    *Nous simplifions en écrivant en usine, la plus-value peut être produite ailleurs qu’en usine.

     

    (1) http://policy-practice.oxfam.org.uk/publications/an-economy-for-the-99-its-time-to-build-a-human-economy-that-benefits-everyone-620170

    (2) http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs/soixante-deux-personnes-possedent-plus-que-le-reste-du-monde/

    (3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_milliardaires_du_monde_en_2016

    (4) http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/huit-hommes-plus-riches-que-la-moitie-la-plus-pauvre-de-la-population/

    (5) http://www.liberation.fr/planete/2017/01/17/qui-sont-les-huit-hommes-les-plus-riches-au-monde_1541837

    (6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_subprimes

    (7) http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/le-probleme-ce-nest-pas-trump-cest-nous/

    (8) Environ 38 millions de millionnaires dans le monde en 2014 selon Wikipédia. « Ce rapport révèle que « la richesse mondiale privée » c’est-à-dire les actifs financiers des ménages hors immobilier – épargne bancaire (comptes, livrets, etc.), épargne financière (actions, obligations, etc.) et assurances-vie – s’est établie à 167 800 milliards de dollars (147 720 milliards d’euros) en 2015, en hausse de 5,2 % sur un an. C’est moins que la hausse enregistrée en 2014 (+ 7,5 %). » En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/07/toujours-plus-de-millionnaires-dans-le-monde_4941353_3234.html#7f9ljQX4Zp4szu7e.99

    (9) http://www.les7duquebec.com/7-au-front/les-mysteres-des-valeurs-boursieres/

     

     


  • Vladimir Poutine : oligarque à 40 milliards de dollars ?

     

     

    Sans entrer dans plus de détails pour l’instant, nous avons vu que Boris Eltsine avait mis à mort l’URSS et qu’il s’était très violemment heurté au parti communiste. Contrairement à ce que nous avions cru pouvoir penser jusqu’à présent, Vladimir Poutine se serait-il, à un moment ou à un autre, rangé dans la même ligne ? Ne serait-il qu’un dauphin ?… Pire peut-être : ne serait-il pas lui-même un de ces oligarques qui ont marqué un fantastique triomphe de l’appropriation privée des moyens de production et d’échange à la suite de l’effondrement de l’Union soviétique ?

    Selon Frédéric Pons, il n’y aurait guère de doute possible quant à sa dépendance :
    « Les besoins du clan présidentiel qu’il sert loyalement l’éloignent un temps du Kremlin. Boris Eltsine a besoin de lui ailleurs, à la tête du FSB, le Service fédéral de sécurité, successeur du KGB. » (Pons, page 93)

    C’est encore le même auteur qui, exposant la situation politique en 1999 et la place qu’y occupait Vladimir Poutine, croit pouvoir faire la constatation suivante :
    « Il avait déjà derrière lui le clan des Pétersbourgeois, puis les réseaux de l’ex-KGB. Le voici maintenant soutenu par les oligarques. Il ne lui manque que l’armée. Ce sera chose faite dès la fin de cette année 1999. » (Pons, page 158)

    Oligarque, Vladimir Poutine ?…

    Pour Masha Gessen, cela ne fait pas le moindre doute. Mieux, elle ne veut voir en lui qu’un véritable truand qui a très bien réussi :
    « Comme tous les chefs de mafia, il n’établissait pas de distinction entre ses biens personnels, les biens de son clan et ceux des individus qui étaient redevables à son clan. En parfait mafioso, il amassait des richesses en recourant purement et simplement au vol, comme avec Ioukos, en percevant des cotisations indues et en plaçant ses amis partout où il y avait de l’argent ou des avoirs à siphonner. À la fin de l’année 2007, un expert politique russe – quelqu’un qui apparemment avait accès au Kremlin – estimait la fortune personnelle de Poutine à 40 milliards de dollars. » (Gessen, page 271)

    La position prise par cette journaliste russo-américaine semble cependant s’inscrire dans une démarche politique qui ne peut que nous conduire à considérer ses propos avec une extrême prudence…

    En matière d’oligarques, il paraît qu’elle a côtoyé elle-même ce qui se faisait de mieux à l’époque, et pour s’en faire la porte-parole. La voici telle qu’elle se décrit elle-même à l’œuvre :
    « On était le 2 octobre 2011, et Boris Berezovski sautillait d’excitation dans son bureau. » (Gessen, page 279)

    Le prince des oligarques se livre à elle avec un maximum de franchise :
    « Vous comprenez ? commença-t-il. Le régime russe n’a ni idéologie, ni parti, ni politique ; ce n’est rien d’autre que le pouvoir d’un seul homme. » (Gessen, page 279)

    C’est homme, c’était donc Vladimir Poutine… Rien qu’un collègue oligarque ?… Qui sait ? En tout cas, s’il s’agit de le démolir politiquement, affirme l’oligarque Berezovski devant Masha Gessen :
    « Il suffirait juste à quelqu’un de le discréditer – lui personnellement. » (Gessen, page 279)

    La journaliste est suffisamment la complice de cet oligarque-là pour en recevoir des confidences dont elle n’ose pas nous livrer le premier mot :
    « Berezovski avait même un plan en tête, voire plusieurs, mais je dus jurer de garder le secret. » (Gessen, page 279) 

    En effet, les enjeux d’une telle manœuvre seraient tout bonnement colossaux, apprenons-nous :
    « Cela signifiait que le régime actuel était fondamentalement vulnérable : la personne ou les personnes susceptibles de le renverser n’auraient pas à combattre une idéologie enracinée ; il leur suffirait de démontrer que le tyran avait des pieds d’argile. » (Gessen, pages 279-280)

    La journaliste rend son propos plus explicite encore, si possible :
    « En 2011, on avait vu des dictateurs arabes tomber comme des dominos, renversés par des foules rendues soudain intrépides par le pouvoir des mots et l’exemple des autres. » (Gessen, page 280)

    Ainsi, que Vladimir Poutine puisse être déclaré oligarque à 40 milliards de dollars de fortune cachée, voilà certainement qui aurait du poids, surtout s’il est possible d’opposer son sort à celui qu’il a su réserver, depuis qu’il est arrivé au pouvoir à de beaucoup plus petits que lui. C’est encore Masha Gessen qui s’en émeut :
    « En 2011, les défenseurs des droits de l’homme estimaient qu’au moins 15 % de la population carcérale russe étaient constitués d’entrepreneurs qui avaient été jetés en prison par des concurrents ayant des relations et usant du système judiciaire pour s’emparer de leurs sociétés. » (Gessen, page 284)

    Pourquoi la population russe devrait-elle accorder le moindre crédit au crocodile d’entre les crocodiles ?… C’est-à-dire à quelqu’un qui ne peut plus décidément plaire à personne avec son pouvoir tyrannique et sa fortune colossale…

    Il faut donc en convenir : Poutine oligarque n’est qu’une fausse piste.

    Mieux. S’il faut en croire Frédéric Pons – qui voit pourtant en lui un proche de Boris Eltsine, tout autant qu’un ami des oligarques -, dès son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine aurait tenu à mettre les points sur les i en présence de ces derniers :
    « Les règles avaient été annoncées à tous, dès 2000 : « Poursuivez vos affaires, sans toucher à la politique. » » (Pons, page 147)

    S’agissait-il véritablement de leur laisser la bride sur le cou à tout jamais ? Non, poursuit Frédéric Pons. Ce n’est qu’une position d’attente… L’oligarchie n’aura qu’à bien se tenir le temps qu’il se dote des instruments juridiques et politiques nécessaires à tout autre chose :
    « À cette époque, Poutine n’a pas le choix. Bien informé par sa culture et ses responsabilités dans le monde du renseignement, il sait comment ces fortunes ont été bâties, par quelles méthodes, avec quelles complicités et compromissions. Il peut estimer ce que l’État a perdu et continue de perdre en impôts et taxes jamais payés. Il comprend aussi que ce capitalisme sauvage contribue à enrichir en cascade une partie de la société, fait tourner l’économie, assure la présence des productions russes dans le monde. » (Pons, pages 155-156)

    Mais, de toute façon, conclut ce biographe :
    « En 2000 et pendant les années qui suivent, il n’a pas les moyens politiques et judiciaires de les combattre. » (Pons, page 156)

    Parmi d’autres, Berezovski, l’ami de l’américano-russe Masha Geshen, ne perd rien pour attendre… d’un homme qui, au plus profond de lui-même, méprise… l’oligarchie.

    (NB : Pour entrer davantage dans la réflexion conduite ici, et l’étendre à des questions bien plus vastes, je recommande que l’on s’inscrive dans le groupe « Les Amis de Michel J. Cuny (Section Vladimir Poutine) » sur Facebook.)