Véhicule incendié à Bobigny (Seine-Saint-Denis), samedi en fin d'après-midi. (Sipa)
Point d'orgue des incidents recensés depuis la terrible blessure subie par le jeune Théo lors d'un contrôle de police ou début d'une nouvelle vague d'émeutes comme celles qui avaient embrasé les banlieues françaises en 2005? C'est avec une réelle inquiétude que les pouvoirs publics ont suivi les sérieux débordements qui ont conclu le rassemblement organisé samedi en soutien à Théo et "contre les violences policières", devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis).
"J’ai sorti cette petite de la voiture mais je ne suis pas un héros, je veux juste rétablir la vérité et la justice"
À 20 heures, un premier bilan faisait état de quatre véhicules incendiés, dont un camion-régie de RTL. Dans un autre, les forces de l'ordre seraient intervenues pour "une jeune enfant", indiquait la préfecture de police dans un communiqué diffusé vers 20h. Mais cette version est contestée par des témoins de la scène. "J’ai sorti cette petite de la voiture mais je ne suis pas un héros, je veux juste rétablir la vérité et la justice", explique Emmanuel Toula, 16 ans, au Bondy Blog. "Il n’y avait aucun policier lorsque j’ai sorti la petite fille de la voiture", précise-t-il, ce que confirment d'autres témoignages reproduits sur ce site, né des émeutes de 2005. Parmi eux figurent même celui d'un policier, pour qui un jeune homme est bien "venu en aide" à cette fillette. "Une fois les occupants évacués, la voiture a été retournée par des casseurs et a fini carbonisée par les flammes", ajoute-t-il.
Au final, aucun blessé n'était à déplorer, mais les affrontements sporadiques se sont poursuivis dans la soirée. La préfecture a également signalé de nombreux feux de poubelles et la dégradation de plusieurs locaux commerciaux, du conseil général et de la gare routière.
Tout avait pourtant bien commencé. Un rassemblement dans le calme de plusieurs centaines de personnes (près de 2.000, selon la préfecture de police), multigénérationnel, avec un mot d'ordre, "justice pour Théo", ce dernier ayant été victime d'un viol présumé avec une matraque lors de son interpellation par des policiers le 2 février à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Au sein du cortège, de très nombreuses mères de famille dont Rachida, voisine de la victime, venue avec sa sœur. "Je n'ai pas l'habitude de m'impliquer, mais là, c'était une obligation", lance-t-elle. Même motivation pour Nino et Alphonse, amis de Théo, "un petit frère", qui habitent également la cité des 3.000.
Envoyer "ces policiers devant les assises"
Dans la foule, jeunes et parents tiennent à bout de bras des pancartes sur lesquelles sont imprimés les visages d'autres victimes de violences policières, à commencer par Adama Traoré, mort cet été lors de son interpellation à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise). À la tribune, les prises de parole se succèdent pour dire "non à la violence", pour réclamer qu'on envoie "ces policiers devant les assises". Pour montrer une "image respectable" de ce mouvement, aussi.
Mais vers 17 heures, après une heure de slogans entonnés dans le calme sous les yeux de CRS mobilisés en masse pour empêcher tout accès au tribunal de grande instance (TGI), les premières violences ont éclaté dans le parc qui fait face au bâtiment. Une vingtaine de manifestants ont affronté les forces de l'ordre, postées sur une passerelle menant au TGI. Jets de pierres, de bouteilles… Les jeunes sont repoussés. Un jeu du chat et de la souris sur fond de gaz lacrymo. Théo et sa famille avaient pourtant appelé au calme.