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    Les Français peu incités à travailler plus, selon l'Insee

    • Par Guillaume Guichard
    • Mis à jour le 13/02/2017 à 20:07
    • Publié le 13/02/2017 à 18:21
    Les cas de très forte désincitation à travailler davantage étaient beaucoup moins fréquents en 2014 qu'à la fin des années 1990, note l'Insee.
     

    Un actif sur deux voit sa hausse de revenu d'activité annulée de moitié par les impôts ou par la baisse de prestations sociales, selon une étude publiée lundi.

    En France, l'incitation à travailler plus est faible, explique l'Insee dans une étude publiée lundi. La fraction d'une hausse de revenu d'activité mangée par les prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales...) ou annulée par la baisse ou la perte d'une aide sociale (allocation personnalisée au logement...) «est élevée», écrivent les auteurs. En 2014, pour la moitié des actifs, plus de 57 % d'une augmentation de rémunération était absorbée par ces deux phénomènes!

    Or, «un taux élevé peut conduire les individus à réduire leur temps de travail, à limiter leurs efforts pour obtenir une promotion ou développer une activité libérale ou entrepreneuriale, ou même sortir du marché du travail», expliquent les auteurs de l'étude.

    Toutefois, les cas de très forte désincitation à travailler davantage sont «beaucoup moins fréquents en 2014 qu'à la fin des années 1990», grâce à la mise en place du RSA activité et de la prime pour l'emploi. Deux dispositifs financiers censés inciter à la reprise d'emploi aujourd'hui fondus dans la prime d'activité.

    »» Lire aussi: En grève de la faim, elle réclame le droit de «vivre de son travail»

    Les familles monoparentales particulièrement concernées

    La part d'une hausse de rémunération ainsi consommée varie fortement selon les niveaux de revenus et les situations personnelles: elle peut être nulle pour 0,2 % des actifs et dépasser 81 % pour 5 % d'entre eux. Elle peut même atteindre 100% (voire aller au-delà). Dans ce dernier cas de figure, certaines prestations sociales se réduisent du même montant que la hausse de revenu. Leurs bénéficiaires ne trouvent alors aucun intérêt à travailler davantage.

    Par ailleurs, les minima sociaux étant majorés pour les parents de familles monoparentales, ceux-ci font face à une incitation moins grande à travailler plus.

     
    • journaliste

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    Les Hauts-de-France permettent aux chômeurs de louer une voiture pour deux euros

    Le dispositif «En route pour l'emploi» s'inscrit dans une large palette déployée par Xavier Bertrand, parmi lesquels figurent la plateforme Proch'Emploi et un plan ambitieux sur l'apprentissage.

    Ce dispositif régional vise à accroître la mobilité des demandeurs d'emploi. Une flotte de quarante véhicules est pour l'instant mise à disposition.

    La région envisageait ce projet depuis l'an dernier, c'est désormais chose faite. Dans le cadre du dispositif régional Proch'Emploi, destiné à endiguer le chômage, les Hauts-de-France ont lancé un nouvel outil, baptisé «En route pour l'emploi», le 30 janvier dernier. Objectif affiché: accroître la mobilité des demandeurs d'emploi, en permettant d'emprunter des véhicules pour la modique somme de 2 euros par jour, assurance comprise.

    Le mode d'emploi? Au préalable, il faut être inscrit à Pôle emploi, et avoir passé un entretien avec un agent de Proch'Emploi. Ensuite, il faut avoir retrouvé un emploi, dans la région, «de type CDD de plus de six mois et plus ou CDI à temps partiel et complet», dont la rémunération ne dépasse pas 1800 euros bruts mensuels. En toute logique, il est nécessaire de posséder un permis de conduire B, en cours de validité et ne pas disposer de voiture à titre personnel, ni avoir de transports en commun à proximité. Un numéro d'information a été mis en oeuvre: 0 800 02 60 80. Il permet, entre autres, de déposer son dossier.

    Dernière étape, le bénéficiaire signe un contrat qui court uniquement sur sa période d'essai. La région part en effet du principe qu'il est censé acquérir son propre véhicule par la suite. Une fois la clé en main, le conducteur paye l'essence et s'engage à payer la franchise en cas d'accident responsable.

    «Déjà une vingtaine de demandes à l'étude»

    Au total, les Hauts-de France mettent à disposition une flotte régionale de quarante véhicules. Pour l'heure, seuls trois salariés bénéficient d'«En route pour l'emploi», indique Le Parisien, ce mardi. «Je serai moins fatiguée, j'arriverai dans de meilleures conditions qu'après avoir marché plusieurs kilomètres à travers champs dans un froid glacial», témoigne Catherine, une des bénéficiaires dans les colonnes du quotidien. «Et puis, au plan personnel, tout ce temps gagné c'est aussi une très bonne nouvelle pour ma famille: je serai plus disponible». «Nous avons déjà une vingtaine de demandes à l'étude alors que Pôle emploi, partenaire de l'opération, ne nous a pas encore transmis les demandes qu'ils ont», se réjouit le président de la région, Xavier Bertrand, au Parisien. «Les 40 voitures ne suffiront sans doute pas, il en faudrait une centaine, nous allons acquérir des petites citadines».

    Le taux de chômage reste élevé

    Le dispositif «En route pour l'emploi» s'inscrit dans une large palette déployée par Xavier Bertrand, parmi lesquels figurent la plateforme Proch'Emploi et un plan ambitieux sur l'apprentissage. Au total, 185 millions d'euros devaient être consacrés pour tripler la prime à l'apprentissage. Dans Le Parisien, le président du Conseil régional explique également étudier des options autour du permis de conduire, sans en préciser les modalités. Objectif: répondre à une de ses promesses de campagne, à savoir redonner du travail. Si le président de la région a pu sauvegarder un certain nombre d'emplois, le chômage, lui, semble difficile à endiguer. Son taux dans la région anciennement Nord-Pas-de-Calais-Picardie, atteint 12,2% de la population active, au troisième trimestre 2016, selon les derniers chiffres de la Direccte Hauts-de-France (Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), confirmés par l'Insee. Sur cette même période, la moyenne nationale s'établissait à 9,7%.

     
    • journaliste

     


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    Négociations

    Assurance chômage : feu vert du Medef pour renégocier

    Par Amandine Cailhol 13 février 2017 à 20:20
     Pierre Gattaz au siège du Medef le 19 janvier 2016.

    Pierre Gattaz au siège du Medef le 19 janvier 2016. Photo Laurent Troude pour Libération

    La première organisation patronale s'est dit favorable, ce lundi, à la réouverture d'une négociation pour tenter de se mettre d'accord, avec l'ensemble des partenaires sociaux, sur une nouvelle convention Unédic. Tout en acceptant, du bout des lèvres, de remettre la question de la taxation des CDD sur la table.

    Il aura attendu la dernière minute pour donner son feu vert. Deux jours avant la prochaine – et dernière – réunion de «diagnostic» entre partenaires sociaux, au cours de laquelle ces derniers doivent annoncer le sort qu’ils réservent à la négociation sur l’assurance chômage, le Medef a finalement dit «oui» à une réouverture des échanges.

    Depuis plusieurs semaines, syndicats et organisations syndicales planchaient sur cet épineux dossier, sur fond de désaccord autour d’un sujet central : la question de la surtaxation des contrats courts. En juin, la mesure, mise sur la table par le gouvernement, dès avril 2016, avait déjà conduit à l’échec d’une première tentative de négociation. Sans toutefois décourager les syndicats, très attachés à sa mise en place, et qui en faisaient la condition sine qua non de l’ouverture d’un nouveau round de négociation. Et ce, malgré l’attitude du Medef – très divisé en interne sur le sujet, jusqu’alors accusé de «jouer la montre».

    «Respecter le champ de responsabilité des partenaires sociaux»

    Changement de registre donc, ce lundi. A deux mois d’une présidentielle plus incertaine que jamais, le conseil exécutif du Medef a finalement accepté de relancer la négociation. Le but ? «Proposer une réforme ambitieuse, pérenne et qui permette de résoudre le déficit structurel de l’assurance chômage.» Pour autant, l’avenir de la question de la taxation des CDD reste incertain. Et pour cause, si le Medef affirme dans un communiqué que ces points doivent être «abordés avec les partenaires sociaux lors de leurs prochaines discussions», il rappelle, en même temps, son attachement à l'«impérieuse nécessité de ne pas alourdir le coût du travail» et «le besoin de flexibilité de notre économie». Une manière d’ouvrir la porte et de la fermer tout aussi vite.

    Sans surprise, les partenaires sociaux devraient donc se mettre d’accord, mercredi, sur un nouveau calendrier de négociation. Côté patronal, l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui représente les petites entreprises, s’est félicitée de la décision du Medef, tout en rappelant son souhait de «poursuivre les discussions sur l’avenir de l’assurance chômage et faire des propositions en vue de reprendre le chemin d’une négociation à part entière». Quant à François Asselin de la CPME, l’organisation patronale des PME, il insiste sur la nécessité de «respecter le champ de responsabilité des partenaires sociaux», celui notamment des règles de l’assurance chômage. D’autant que, ajoute-t-il, renvoyer le sujet à un futur gouvernement, «ne serait pas une bonne solution».

    Calendrier très court

    Reste que les partenaires sociaux risquent de ne pas être sur la même longueur d’onde concernant les grands thèmes à aborder lors de leurs prochaines rencontres, qui devront s’inscrire dans un calendrier très court, avant les élections présidentielles. Côté patronal, on évoque notamment la question des règles de calculs des indemnités dont bénéficient les chômeurs (CPME), «la possibilité de mettre à contribution les plateformes dites collaboratives» (U2P), ou encore l’enjeu des travailleurs transfrontaliers et du «financement de Pôle emploi» (Medef).

    Quant aux syndicats, s’ils sont unanimes sur l’impératif de taxer les CDD, les modalités de mise en œuvre proposées divergent. Ainsi, FO envisage un système de bonus-malus, en fonction de la part de contrats courts dans l’entreprise. La CFDT plancherait, elle, plutôt sur un mécanisme de cotisations dégressives, en fonction de la durée effective du contrat. Quant à la CGT, qui refuse de mettre en place «une usine à gaz», elle s’oriente sur une modulation définie en amont, selon le type de contrat et sa durée.

    Amandine Cailhol

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    Sciences

    Pourquoi le sommeil est-il bon pour la mémoire ?

    Par Guillaume Garvanese 13 février 2017 à 15:14
     
    Sieste à Saint James park à Londres au mois de juin.
     

    Sieste à Saint James park à Londres au mois de juin. Photo Neil Hall. Reuters

    Une étude démontre le rôle essentiel du sommeil dans le processus de mémorisation.

    Pourquoi dormons-nous ? Nous avons tous expérimenté les bienfaits d’une bonne nuit de sommeil ou les ravages d’une nuit blanche. Le sommeil serait donc un outil réparateur ? Pas si simple. D’un point de vue scientifique, sa fonction biologique reste mal connue. 

    Pour certains chercheurs, le cerveau utilise le sommeil comme un outil de maintenance technique de la machinerie cellulaire. Pour d’autres, le cerveau profite de cette période de repos pour inscrire les informations acquises pendant la journée dans la mémoire sous forme de souvenirs.

    Quelle est la piste explorée ?

    Reste à découvrir comment le cerveau procède et pourquoi ne fait-il pas toutes ces opérations pendant la phase éveillée. Une équipe de chercheurs de l’université Johns Hopkins, à Baltimore, a peut-être trouvé l’une de ces raisons dans une étude publiée dans Science.

    On pense aujourd’hui que l’information liée à l’apprentissage est contenue dans les synapses, c’est-à-dire la zone de communication entre deux neurones.

    Les scientifiques pensent qu’une phase de réduction du nombre de synapses, causée par une protéine qui n’agit que pendant le sommeil, permet au cerveau de mieux ancrer les souvenirs dans la mémoire. Autrement dit, l’activité des synapses pendant la phase d’éveil serait trop intense pour que les informations transmises soient correctement stockées.

    Comment ont procédé les chercheurs ?

    Pour valider leur hypothèse, les chercheurs ont testé la capacité des souris à apprendre avec et sans affaiblissement de leur activité synaptique. Ils les ont placées dans une sorte d’arène et leur ont donné un léger choc électrique. Certaines souris ont ensuite reçu un médicament destiné à empêcher la baisse d’activité du cerveau.

    Quand une souris qui n’avait pas eu le médicament avait reçu un choc électrique juste avant de dormir, son cerveau a pu diminuer son activité et a formé une association entre ce lieu et le choc. Replacées dans l’arène, ces souris sont restées une partie du temps immobiles dans la crainte d’un autre choc. Mais placées dans une arène différente, elles sont restées beaucoup moins longtemps immobiles, probablement parce qu’elles avaient appris à faire la différence entre les deux lieux.

    Lorsque les chercheurs sont passés aux tests sur les souris qui avaient reçu le médicament, ils s’attendaient à ce qu’elles restent immobiles moins longtemps à cause de leur incapacité à former correctement des souvenirs. Or, ces souris sont restées plus longtemps immobiles que les autres dans les deux arènes inconnues.

    Qu’ont-ils découvert et à quoi ça sert ?

    Selon Graham Diering, qui a dirigé l’étude, la mémorisation du choc électrique est plus importante pour les souris qui ont reçu un médicament empêchant la baisse de l’activité synaptique. Le chercheur explique ce résultat en apparence paradoxal : «Toutes sortes d’autres souvenirs sont également restés inscrits dans la mémoire des souris, de sorte que cela a créé une confusion chez les animaux incapables de distinguer correctement les deux arènes. Le cerveau de la souris, et sans doute le cerveau humain, ne peut stocker qu’un nombre limité d’informations avant qu’il ne soit nécessaire de se "recalibrer". Cette expérience démontre que le sommeil sert à clarifier nos idées.»

    Reste à étendre ces travaux pour découvrir comment l’apprentissage et la mémoire sont affectés par des troubles du sommeil, la maladie d’Alzheimer ou certains somnifères.

    Guillaume Garvanese

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    Derrière le revenu universel, une vision non viriliste du travail

    Par Sandra Laugier, Professeure à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, animatrice du "laboratoire d'idées" de Benoît Hamon et Pascale Molinier, Professeure à l'université Paris-XIII-Sorbonne-Paris-Cité 13 février 2017 à 18:06
     
     
    Derrière le revenu universel, une vision non viriliste du travail
     
    Derrière le revenu universel, une vision non viriliste du travail Dessin Miles Hyman

    La réflexion sur un revenu de base rejoint la revendication féministe de l’éthique du «care»: la reconnaissance du travail de soin, sous-payé et pourtant indispensable au fonctionnement de la société.

    La proposition d’instaurer un revenu universel d’existence est devenue enfin audible. Mieux : elle est la seule proposition concrète, dans l’ensemble de l’offre politique de la campagne présidentielle, qui suscite un élan positif, ou au moins de l’intérêt de tous. L’idée de revenu universel, parce qu’elle est clivante, permet aussi de dire que oui, la gauche, ça existe - alors que beaucoup n’y croyaient plus. Car la gauche, la vraie, n’a jamais disparu ; elle ne se définit pas par des institutions, ni des personnes ni des gouvernants, mais par une pratique et une exigence d’égalité et de justice. La proposition de Benoît Hamon a tout simplement rappelé qu’on n’est pas «de gauche» par nature ou qualité intrinsèque : on travaille, constamment, à le devenir.

    L’idée de revenu universel nous rappelle que l’individu a droit, en tant que membre de la collectivité humaine, à des conditions minimales de vie digne. A ce titre, elle vaut comme principe de réorganisation globale. C’est aussi la réalisation, la mise en société d’un principe éthique - de solidarité et de responsabilité vis-à-vis des plus pauvres, des plus démunis, des vulnérables. Et elle propose d’assurer une forme de liberté aux individus - les jeunes tout d’abord - soumis par les systèmes de protection sociale actuels à la dépendance vis-à-vis du «chef de famille», lui-même vivant sous contrainte du monde capitaliste. Rappelons que le droit à vivre décemment était défini par l’économiste Amartya Sen en termes de capabilités, de réalisation des libertés et de l’égalité, principes que nous affichons, mais de façon au fond hypocrite. Car la liberté n’est rien si on ne peut l’exercer faute de moyens ; l’égalité n’est rien, ou pire si on ne combat pas, et constamment, pour des voix et droits réellement égaux pour tous.

    L’idée du revenu universel est ainsi le signal d’un véritable espoir ; elle rompt avec une vision basse et pessimiste de la nature humaine, égoïste et sécuritaire, et avec un modèle viriliste de l’emploi et du travail (du breadwinner), envolé avec le leurre du plein-emploi, au profit d’un droit individualisé à une vie vivable. Cela passe aussi par un travail décent, une exigence étroitement liée à la réflexion sur le revenu universel et qui rejoint la revendication féministe de l’éthique du care : la valorisation des activités invisibles qui rendent la vie possible.

    Intégrer le care, le souci d’autrui, dans la réflexion sur le revenu universel est à la fois une évidence - le but politique et éthique, l’espoir est bien d’assurer une vie décente et vivable -, mais c’est un vrai défi, car la reconnaissance du travail de care, sous-payé et sous-évalué, fait partie des enjeux majeurs de la société du XXIe siècle. Cela nécessite de dévoiler la tromperie d’une «valeur travail» construite sur un déni de la masse des invisibles, relégués dans les coulisses d’un monde du travail qui veut les ignorer, et qu’ils soutiennent, pourtant, en assumant toutes les tâches que nous rangeons dans le registre du «sale boulot» : nettoyer inlassablement les lieux et les corps, évacuer les déchets et les souillures, mais aussi contribuer par une multitude de savoir-faire discrets à l’excellence des corps performants.

    Cela nécessite aussi de veiller à la place du travail domestique, longtemps considéré en France comme une «occupation» ou un non-travail, voire un «loisir». Prendre en compte le care, et donc le travail du care, c’est comprendre un ensemble de transformations sociales, comme la féminisation des migrations transnationales pour répondre aux besoins toujours croissants de prises en charge des personnes très âgées ou dépendantes, mais aussi les transformations des modes capitalistes d’organisation du travail et leurs formes de délégations en cascade… en somme, transformer notre vision du travail aussi en faisant apparaître des tâches et des personnes dévalorisées comme indispensables au fonctionnement ordinaire de notre monde.

    Car on aurait lieu de craindre, dans la mise en place d’un revenu universel, un nouveau (et particulièrement pervers) déni du care - qui en absorbant dans un «revenu d’existence» les activités fondamentales nécessaires à la vie, les jetterait avec l’eau du bain et les renverrait à nouveau dans le non-travail, le «sale boulot» ou le dévouement généreux (des femmes, et notamment celui des femmes venues du Sud qui viennent l’assurer).

    Pour éviter ça, il est essentiel d’assumer jusqu’au bout le changement de paradigme moral et politique que constitue le revenu universel, et de ne pas y voir une simple «mesure» à financer. Son intérêt est de proposer une nouvelle base pour la discussion sur le travail et son statut dans notre société, non viriliste, plus réaliste ; pour la discussion sur le travail et son statut dans notre société. C’est oser dire, enfin, que l’emploi va manquer, nous en avons la preuve tous les jours. C’est prendre en compte le réel et chercher des solutions qui ne soient pas construites sur la reviviscence du mythe des Trente Glorieuses. Ces solutions doivent être inventées collectivement, à partir d’une conception du travail élargie aux activités domestiques et de care, aux nouvelles formes de travail invisible (digital labor sur le Net)… à partir d’une conception du travail qui refuse d’en faire l’outil de l’exclusion des personnes vulnérables. Il s’agit de reconnaître, avec la dignité des citoyens, leur capacité, y compris en situation de grande précarité, à déterminer ce qui est bon pour eux et elles, et notamment, comme dans l’opération GiveDirectly (1), à utiliser leur revenu.

    Pour le moment, le revenu universel est discuté avec des experts, qui en évaluent gravement la faisabilité et le coût, des politiques, qui en font (et tant mieux !) un argument électoral. Il reste à mener jusqu’au bout la révolution épistémologique, éthique et politique du revenu universel, qui est indissociable de la démocratisation de la démocratie et de l’inclusion dans la vie politique. Car garantir des conditions de vie vivable à chacun, c’est afficher et mettre en œuvre la capacité politique de tous, dire que la politique est à inventer collectivement, et pas un outil aux mains d’experts et d’intérêts privés. C’est refuser toute règle qui fixe le périmètre de ceux qui ont le droit de prendre part de façon légitime à la vie publique, c’est inclure dans la discussion sur le travail celles et ceux qu’elle concerne : les jeunes, les aidants proches, les travailleurs sans papiers, les personnes en grande pauvreté, les marginaux, les personnes handicapées ou souffrant de maladies psychiques. C’est affirmer enfin que la citoyenneté ne se mérite pas, mais se définit par la participation à un avenir ensemble.

    (1) www.givedirectly.org

    Sandra Laugier Professeure à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, animatrice du "laboratoire d'idées" de Benoît Hamon , Pascale Molinier Professeure à l'université Paris-XIII-Sorbonne-Paris-Cité
     
     

  • Au-delà du fait d'être vaccinés ou non contre la grippe, les personnes âgés devraient pouvoir décider de leur ultime instant

    Maison de retraite Korian Magenta, à Paris, en octobre 2011.

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    De quoi a-t-on le droit de mourir à 90 ans ?

    Par Marie de Hennezel , Psychologue, psychothérapeute 13 février 2017 à 16:43
     

    Maison de retraite Korian Magenta, à Paris, en octobre 2011. Photo Lionel Charrier. Myop pour Libération

    Au-delà du fait d'être vaccinés ou non contre la grippe, les personnes âgés devraient pouvoir décider de leur ultime instant.

    En ce début d’année, sévit une épidémie de grippe sévère. Dans une maison de retraite de Lyon, 13 personnes âgées de plus de 90 ans sont mortes de la grippe et voilà que le ministère de la Santé «communique» à grand bruit sur cet événement qu’il qualifie d’«exceptionnel», diligente une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (l'Igas), jetant par voie de conséquence l’opprobre sur une institution et son personnel, soupçonnés de n’avoir pas pris toutes les mesures de précaution nécessaires, même si en fin de compte ce rapport ne révèle rien de significatif.

    La disproportion entre cette réaction de Marisol Touraine et la réalité pose question. Si la ministre veut se servir de cet événement pour appuyer sa campagne en faveur de la vaccination, je déplore qu’elle n’ait pas eu conscience du mal fondé de sa démarche, ni des conséquences de son action qui culpabilise à tort un personnel, auquel notre société confie les âgés dont les familles ne veulent ou ne peuvent plus s’occuper, et dont le dévouement est bien peu valorisé.

    Mal fondée en effet, une réaction qui dramatise une situation somme toute assez normale. On sait que le vaccin de la grippe n’est efficace qu’à 60%, on sait qu’on ne peut pas l’imposer. On sait que la loi Clayes-Leonetti reconnaît à la personne le droit de refuser un traitement susceptible de prolonger une vie dont elle ne veut plus. Alors pourquoi tout ce bruit pour 13 personnes sur 101 résidents qui succombent à la grippe ?

    Incohérence

    Je trouve par ailleurs incohérent qu’une femme politique qui n’a cessé de plaider en faveur d’une légalisation de l’aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté), semble laisser penser qu’il est plus grave de mourir de la grippe que d’une injection létale (si elle était autorisée un jour). Ignore-t-on au ministère de la Santé qu’une façon naturelle de mourir pour une personne très âgée, fragile, et lassée de vivre parce qu’elle a fait son temps, est précisément de mourir de la grippe en hiver, ou d’une pneumonie ? De quoi a-t-on le droit de mourir, aujourd’hui, quand on a dépassé 90 ans ?

    La prise en charge de nos aînés implique évidemment de prendre soin d’eux et de les soigner. Leur proposer d’être vaccinés de la grippe fait partie des modalités de prévention raisonnables. Mais si elles refusent – ce qui a été le cas de 3 personnes parmi les 13 décédées de la grippe dans l’Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) de Lyon – faut-il les forcer ? Ne peut-on admettre que des personnes très âgées désirent consciemment ou inconsciemment mourir ?

    On m’a rapporté si souvent, ces dernières années, les propos de ceux qui réclament en sourdine la mort, cessent de s’alimenter, parce que la vie tout simplement commence à les quitter. Ne peut-on penser que le système immunitaire de ceux-ci s’est affaibli au point que, vaccinés ou pas, leur corps peut enfin être délivré ?

    Ces confidences m’ont convaincue de l’importance d’écouter nos âgés, de capter les signes qu’ils nous donnent, au lieu d’appliquer sans âme les consignes imposées par l’administration.

    A l’écoute

    Si nous étions plus à l’écoute de ce que nous disent les très vieux, si nous ne nous offusquions pas qu’une épidémie de grippe en emporte quelques-uns, nous ne serions pas politiquement obsédés par le vote d’une loi qui leur permette un jour d’être délivrés par un geste de mort.

    Enfin, j’appelle de mes vœux qu’un prochain ministère de la Santé ne se préoccupe pas seulement de la vaccination de tous ses âgés, mais sache prendre la mesure du chantier énorme qui reste à réaliser pour que les Ehpad soient des lieux où la dignité de la vie soit préservée, où les personnels soient formés à l’écoute et au tact, où les douleurs soient soulagées, les derniers instants accompagnés et où la mort ne soit pas une disparition mais un moment sacré, le dernier, d’une vie.

    Marie de Hennezel Psychologue, psychothérapeute