Un cyclone tropical en météorologie, est un type de cyclone (dépression) qui prend forme dans les océans de la zone intertropicale à partir d'une perturbation qui s'organise en dépression tropicale puis en tempête. Son stade final est connu sous divers noms à travers le monde : ouragan dans l'Atlantique Nord et le Pacifique Nord-Est, typhon en Asie de l'Est et cyclone dans les autres bassins océaniques.
Structurellement, un cyclone tropical est une large zone de nuages orageux en rotation accompagnée de vents forts. On peut les classer dans la catégorie des systèmes convectifs de méso-échelle puisqu'ils ont un diamètre inférieur à une dépression classique, dite « synoptique », et que leur source d'énergie principale est le dégagement de chaleur latente causé par la condensation de vapeur d'eau en altitude dans leurs orages. Le cyclone tropical est semblable à une machine thermique, au sens de la thermodynamique. Le dégagement de chaleur latente dans les niveaux supérieurs de la tempête élève la température à l'intérieur du cyclone de 15 à 20 °C au-dessus de la température ambiante dans la troposphère à l'extérieur du cyclone. Pour cette raison, les cyclones tropicaux sont des tempêtes à « noyau chaud ».
Les cyclones tropicaux sont redoutés pour le caractère destructeur de leurs pluies torrentielles et de leurs vents. Ils sont classés parmi les risques naturels les plus courants et font chaque année des centaines, quelquefois des milliers, de victimes. Les régions les plus menacées ont mis en place des mesures de surveillance météorologique, coordonnée par l'Organisation météorologique mondiale, ainsi que des programmes de recherche et de prévision du déplacement des cyclones.
L'ouragan Ivan près de la Grenade, le 7 septembre 2004.
Classification et terminologie
Origine du terme
Le terme cyclone, appliqué aux cyclones tropicaux, a été forgé par le capitaine de marine anglais Henry Piddington (1797 – 1858) à la suite de ses études sur la terrible tempête tropicale de 1789 qui avait tué plus de 20 000 personnes dans la ville côtière indienne de Coringa. En 1844, il publia ses travaux sous le titre The Horn-book for the Law of Storms for the Indian and China Seas (Mémoires sur les tempêtes de l'Inde1). Les marins du monde reconnurent la grande qualité de ses travaux et le nommèrent président de la Marine Court of Inquiry (Cour de marine) de Calcutta. En 1848, dans une nouvelle version agrandie et complétée de son livre, The Sailor's Horn-book for the Law of Storms (Guide du marin sur la loi des tempêtes2), ce pionnier de la météorologie compara le phénomène météorologique à un serpent s'enroulant en cercle, kyklos en grec, d'où cyclone1,3.
Nomenclature
Noms donnés aux cyclones tropicaux par bassin: 1) Ouragan 2) Typhon 3) Cyclone.
Les cyclones tropicaux sont divisés en trois stades de vie : les dépressions tropicales, les tempêtes tropicales, et un troisième groupe dont le nom varie selon les régions. Ces stades sont en fait trois niveaux d'intensité et d'organisation qu'un cyclone tropical peut ou non atteindre. On retrouve donc dans l'ordre croissant d'intensité :
- La tempête tropicale : C'est un système cyclonique dont les vents ont une vitesse maximum comprise entre 17 et 33 m/s (soit entre 63 et 117 km/h).
- L'ouragan/typhon/cyclone : C'est un système cyclonique dont les vents ont une vitesse qui excède 33 m/s (environ 118 km/h) et qui a un œil dégagé en son centre.
Le terme utilisé pour désigner les cyclones tropicaux supérieurs varie selon les régions, comme suit4 :
- Typhon dans le Pacifique Nord à l'ouest de la ligne de changement de date. Le mot viendrait du grec ancien tuphōn (Τυφών), un monstre de la mythologie grecque responsable des vents chauds, et qui aurait voyagé vers l'Asie par l'arabe (tûfân) puis récupéré par les navigateurs portugais (tufão). D'autre part, les Chinois utilisent 颱風 (grand vent) prononcé tai fung en cantonais (voir Wiktionnaire), et le Japonais donne sur le même étymon taifû ;
- Cyclone tropical dans le Pacifique Sud et dans l'océan Indien. Cependant, on utilise localement le terme de forte tempête tropicale dans l'océan Indien Nord ;
- Dans l'Atlantique Sud, le terme à utiliser n'est pas déterminé. Jusqu'à présent, on n'a répertorié qu'un seul système de ce type, à cause des conditions défavorables dans cette région.
Cette terminologie est définie par l'Organisation météorologique mondiale (OMM). En d'autres endroits dans le monde, les cyclones tropicaux ont reçu les noms de baguio aux Philippines, de chubasco au Mexique et taino en Haïti. Le terme willy-willy retrouvé souvent dans la littérature comme un terme local en Australie est erroné car il désigne en fait un tourbillon de poussière8,9.
Catégories
Les ingrédients d'un cyclone tropical incluent une perturbation météorologique pré-existante, des mers tropicales chaudes, de l'humidité, et des vents relativement faibles en altitude. Si les conditions requises persistent suffisamment longtemps, elles peuvent se combiner pour produire les vents violents, les vagues élevées, les pluies torrentielles, et les inondations qui sont associées à ce phénomène.
Comme mentionné antérieurement, le système devient d'abord une dépression tropicale, puis une tempête et on utilise ensuite des catégories d'intensité qui varient selon le bassin. La définition de vents soutenus, recommandée par l'OMM, pour cette classification est une moyenne sur dix minutes. Cette définition est adoptée par la plupart des pays mais quelques pays utilisent une période de temps différente. Les États-Unis, par exemple, définissent les vents soutenus en vertu d'une moyenne d'une minute, mesurée à 10 mètres au-dessus de la surface10.
Une échelle de 1 à 5 est utilisée pour catégoriser les ouragans de l'Atlantique Nord selon la force de leurs vents : l'échelle de Saffir-Simpson. Un ouragan de catégorie 1 a les vents les plus faibles, alors qu'un ouragan de catégorie 5 est le plus intense11,12. Dans d'autres bassins, on utilise une nomenclature différente que l'on retrouve dans le tableau ci-dessous.
Classification des systèmes tropicaux sur le bassin (vent moyen sur 10 minutes, sauf sur 1 minute pour les centres américains)11,13 |
Échelle de Beaufort | Vents soutenus sur 10 minutes (nœuds) | Océan Indien nord Service météorologique indien | Océan Indien sud-ouest Météo-France | Australie Bureau of Meteorology | Pacifique sud-ouest Fiji Meteorological Service | Pacifique nord-ouest Japan Meteorological Agency | Pacifique nord-ouest Joint Typhoon Warning Center | Pacific nord-est et Atlantique nord National Hurricane Center et Central Pacific Hurricane Center |
0–6 |
<28 |
Dépression |
Perturbation tropicale |
Dépression tropicale |
Dépression tropicale |
Dépression tropicale |
Dépression tropicale |
Dépression tropicale |
7 |
28–29 |
Dépression profonde |
Dépression tropicale |
30–33 |
Tempête tropicale |
Tempête tropicale |
8–9 |
34–47 |
Tempête cyclonique |
Tempête tropicale modérée |
Cyclone tropical (1) |
Cyclone tropical |
Tempête tropicale |
10 |
48–55 |
Tempête tropicale sévère |
Forte tempête tropicale |
Cyclone tropical (2) |
Tempête tropicale sévère |
11 |
56–63 |
Typhon |
Ouragan (1) |
12 |
64–72 |
Tempête tropicale très sévère |
Cyclone tropical |
Cyclone tropical sévère (3) |
Typhon |
73–85 |
Ouragan (2) |
86–89 |
Cyclone tropical sévère (4) |
Ouragan majeur (3) |
90–99 |
Cyclone tropical intense |
100–106 |
Ouragan majeur (4) |
107–114 |
Cyclone tropical sévère (5) |
115–119 |
Cyclone tropical très intense |
Super typhon |
>120 |
Super tempête cyclonique |
Ouragan majeur (5) |
Le National Hurricane Center (le centre de prévision des cyclones tropicaux aux États-Unis) classifie les ouragans de catégorie 3 (178 km/h) et plus comme étant des ouragans majeurs. Le Joint Typhoon Warning Center classifie les typhons dont les vents atteignent au moins (241 km/h) comme étant des « super typhons »14. Cependant, toute classification est relative, car des cyclones de catégories inférieures peuvent tout de même causer des dommages plus importants que ceux des catégories supérieures, selon l'endroit frappé et les dangers qu'ils provoquent. Les tempêtes tropicales peuvent elles aussi causer de graves dommages et des pertes en vies humaines, surtout en raison des inondations.
Dénomination des cyclones
Le nom de baptême d'un cyclone se compose en italiques. Le fait de donner un nom aux cyclones tropicaux remonte à plus de deux siècles (XVIIIe siècle). Cela répond au besoin de différencier chaque événement des précédents. Ainsi les Espagnols donnaient au cyclone le nom du saint patron du jour. Par exemple, les ouragans ayant frappé Porto Rico le 13 septembre 1876, puis à la même date en 1928, s'appellent tous les deux San Felipe15 (Saint-Philippe). Cependant, celui de 1928 avait frappé la veille la Guadeloupe et reste appelé sur cette île le « Grand Cyclone » de 1928.
La première utilisation de noms de personnes donnés à ces systèmes fut amorcée par Clement Lindley Wragge, un météorologiste australien du début du XXe siècle. Il prenait des prénoms de femmes, des noms de politiciens qu'il n'aimait pas, des noms historiques et mythologiques16,17.
L'armée américaine, du début du XXe siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, avait l'habitude d'utiliser l'alphabet phonétique des transmissions militaires avec l'année. De leur côté, les météorologistes de l'American Air Force (précurseur de la US Air Force) et de la US Navy du théâtre Pacifique, pendant la Seconde Guerre mondiale, donnaient des prénoms féminins aux cyclones tropicaux16. En 1950, le système d'alphabet phonétique (Able, Baker, Charlie, etc.) fut officialisé dans l'Atlantique Nord par le service météorologique américain (National Weather Service). En 1953, la liste répétitive fut remplacée par une autre liste utilisant exclusivement des prénoms féminins et en 1954, la liste précédente fut reprise mais il fut décidé de changer de liste chaque année16.
Depuis 1979, à la suite des critiques des mouvements féministes, les ouragans reçoivent des prénoms alternativement masculins et féminins (en anglais, espagnol et français) dans le bassin atlantique16. Un principe de cycles fut aussi établi : basé sur six ans et six listes, les années paires débutent par un prénom masculin, les années impaires par un prénom féminin. Ainsi la liste de 2000 est la même que celle de 1994 ; la liste de 2001 reprend celles de 1989 et 1995. Les six listes prévoient 21 prénoms courants de A à W mais sans Q ni U, plutôt pauvres en prénoms. Ensuite, il est prévu d'utiliser les lettres de l'alphabet grec. En 2005, année de record avec 27 cyclones, la liste fut totalement utilisée jusqu'à Wilma, puis jusqu'à la lettre grecque Zêta.
Comme les cyclones tropicaux ne se limitent pas au bassin Atlantique, des listes similaires sont élaborées pour les différents secteurs des océans Atlantique, Pacifique et Indien. Dans le bassin de l'océan Atlantique, le National Hurricane Center (NHC) de Miami est officiellement chargé de nommer les cyclones. Le bassin de l'océan Pacifique est divisé en plusieurs secteurs vu son étendue. Le NHC de Miami nomme ceux de la portion Est, le Central Pacific Hurricane Center de Honolulu baptise ceux du centre-nord, le centre japonais ceux du nord-ouest et le sud-ouest revient au Bureau of Meteorology (BOM) australien et aux centres météorologiques de Fidji et de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
La dénomination dans l'océan Indien revient au BOM, au service météorologique indien et au centre météorologique de l'Île Maurice, selon le secteur. Dans les secteurs nord, sous-continent indien et Arabie, les cyclones n'étaient pas nommés avant 2006 alors que ceux du secteur sud-ouest ont des noms depuis la saison 1960 - 196116.
Les noms restent des prénoms dans l'Atlantique Nord et le Pacifique nord-est, mais ailleurs les différents pays soumettent à l'OMM des noms de fleurs, d'oiseaux, etc., pas nécessairement dans un ordre alphabétique16. Lors de graves cyclones, les noms de ces derniers sont supprimés des listes et remplacés afin de ne pas choquer la population en lui rappelant de trop mauvais souvenirs. Ainsi, dans la liste 2004, Matthew a remplacé le nom de Mitch car l'Ouragan Mitch tua environ 18 000 personnes en Amérique centrale en 1998.
Lieux de formation
Carte montrant la trace de tous les cyclones tropicaux entre 1985 et 2005. La couleur correspond à l'échelle de Saffir-Simpson selon la légende indiquée. Un seul cyclone dans l'Atlantique Sud : c'est Catarina.
Presque tous les cyclones tropicaux se forment à moins de 30 ° de l'équateur et 87 % à moins de 20 ° de celui-ci. Comme la force de Coriolis donne aux cyclones leur rotation initiale, ceux-ci se développent cependant rarement à moins de 10 ° de l'équateur (la composante horizontale de la force de Coriolis est nulle à l'équateur). L'apparition d'un cyclone tropical à l'intérieur de cette limite est toutefois possible si une autre source de rotation initiale se manifeste. Ces conditions sont extrêmement rares et de telles tempêtes se produisent, croit-on, moins d'une fois par siècle.
La plupart des cyclones tropicaux apparaissent dans une bande d'orages tropicaux qui encercle le globe terrestre, et qu'on appelle la zone de convergence intertropicale (ZCIT). Leur parcours affecte le plus souvent des zones au climat tropical et au climat subtropical humide. De par le monde, on rapporte en moyenne 80 cyclones tropicaux par année.
Bassins principaux
Il existe sept principaux bassins de formation des cyclones tropicaux18 :
- l'ouest du Pacifique Nord : les cyclones tropicaux dans cette région affectent souvent la Chine et Taïwan, le Japon et les Philippines. Ils y sont appelés typhons (du chinois : 台 风(taifeng)). C'est de loin le bassin le plus actif, comptant pour le tiers de tous les cyclones tropicaux dans le monde. Les agences météorologiques nationales, ainsi que le Joint Typhoon Warning Center (JTWC) ont la responsabilité d'émettre les prévisions et les avertissements dans ce bassin ;
- l'est du Pacifique Nord : il s'agit de la deuxième zone la plus active au monde, et aussi la plus dense (le plus grand nombre de tempêtes dans une zone relativement réduite d'océan). Les tempêtes qui se développent dans ce bassin peuvent atteindre l'ouest du Mexique, Hawaï et très rarement la Californie. Le Central Pacific Hurricane Center est responsable des prévisions pour la partie ouest de cette zone, et le National Hurricane Center est chargé de la partie est ;
- l'ouest du Pacifique Sud : les cyclones dans cette région affectent généralement l'Australie et l'Océanie. Ils sont suivis et prévus par l'Australie et la Nouvelle-Guinée. Ils atteignent parfois la Nouvelle-Calédonie ;
- le nord de l'océan Indien : on divise ce bassin en deux régions, le golfe du Bengale et la mer d'Arabie. Le golfe du Bengale domine le décompte, avec 5 à 6 fois plus de cyclones que la mer d'Arabie. Les cyclones qui se forment dans ce bassin sont historiquement les plus meurtriers. Notons particulièrement le cyclone de Bhola de 1970, qui fit 200 000 victimes. Les pays affectés par ce bassin incluent l'Inde, le Bangladesh, le Sri Lanka, la Thaïlande, la Birmanie et le Pakistan. Chacun de ces pays émet des prévisions et des avertissements. En de rares occasions, un cyclone provenant de ce bassin peut affecter la Péninsule Arabique : en 1981 lorsqu'une tempête tropicale a touché le détroit d'Ormuz et le sultanat d'Oman et déversé des quantités d'eau totalement inhabituelles dans cette région (65 millimètres à Mascate) ;
- le sud-est de l'océan Indien : les cyclones apparaissant dans cette région affectent l'Australie et l'Indonésie. Ils sont suivis et prévus par ces pays. Ils touchent également les Îles Cocos et l'ile Christmas ;
- le sud-ouest de l'océan Indien : il s'agit du bassin le moins bien compris, en raison d'un manque de données historiques. Ces cyclones affectent Madagascar, le Mozambique, l'île de La Réunion, l'ile Rodrigues, l'île Maurice, les Comores (dont Mayotte), la Tanzanie et le Kenya. Les prévisions pour ces cyclones sont émises par le Centre Météorologique Régional Spécialisé de l'île de la Réunion, service de Météo-France. Les baptêmes sont par contre réalisés par le centre météorologique de l'île Maurice et par celui de Madagascar ;
- l'Atlantique Nord : c'est le bassin tropical le plus étudié. Il inclut l'océan Atlantique, la mer des Caraïbes et le Golfe du Mexique. Le nombre de cyclones tropicaux formés dans ce bassin varie grandement d'une année à l'autre, entre un seul et une vingtaine. Ils y sont appelés ouragans (de l'espagnol huracán). Les États-Unis, le Mexique, l'Amérique centrale, les Caraïbes et le Canada peuvent être affectés par ces cyclones. Les prévisions pour ces cyclones sont émises pour tous les pays de la région par le National Hurricane Center, basé à Miami (Floride) ; le Centre canadien de prévision d'ouragan, basé à Halifax (Nouvelle-Écosse) émet des prévisions et des avertissements concernant les cyclones tropicaux qui menacent le territoire et les eaux canadiennes.