Le gouvernement espérait initialement retirer quatre milliards d’euros de cette mesure qui irrite les élus macronistes et le patronat – le président du Medef Patrick Martin a mis en garde samedi contre ses conséquences possibles sur l’emploi et réclamé à la place une « TVA sociale ». Face à la fronde, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin s’est dit prêt dimanche à diminuer de moitié l’effort demandé, « pour ne pas pénaliser les salariés au Smic ». Et l’entourage du Premier ministre Michel Barnier a affirmé à l’AFP que les choses restaient « ouvertes ».
Grogne. Ces concessions pourraient toutefois s’avérer insuffisantes pour apaiser la grogne du « bloc central » : lors d’un déjeuner samedi avec le Premier ministre, le chef des députés macronistes Gabriel Attal a ainsi réaffirmé l’hostilité de ses troupes à toute augmentation du coût du travail, selon son entourage. Ce dossier pourrait même empêcher un accord dans la future commission mixte paritaire (CMP) qui doit réunir sept sénateurs et sept députés pour parvenir à un texte de compromis, a insisté auprès de l’AFP le député macroniste Mathieu Lefèvre.
Le président du Sénat Gérard Larcher a appelé de son côté à mieux « encadrer » les exonérations de charges, tout en jugeant qu’il fallait « sans doute maintenir les allègements au niveau du Smic ». En commission, les sénateurs se sont accordés sur un dispositif intermédiaire qui épargne les salaires autour du Smic. Mais de nombreux élus, dont des LR, ont déposé des amendements pour supprimer totalement cette mesure et rien n’indique qu’ils seront repoussés.
« Décisions douloureuses ». En quête de 15 milliards d’euros d’économies sur le budget de la Sécu, Michel Barnier dispose en théorie d’un soutien clair au Sénat, dominé par les Républicains et leurs alliés centristes. « On s’inscrit ici clairement dans la majorité », assure Elisabeth Doineau, la rapporteure centriste du texte à la Haute assemblée, qui se dit prête à des « décisions douloureuses », « même si on ne se fera pas que des amis ».
Pour ne pas « se retrouver l’année prochaine dans la même situation » budgétaire, le gouvernement doit cependant proposer des « réformes structurelles en matière de vieillissement, d’autonomie et d’organisation de la santé », réclame pour sa part le président LR de la commission des Affaires sociales, Philippe Mouiller.
Indexation des retraites. En attendant, plusieurs mesures plutôt impopulaires, comme le report de l’indexation des retraites sur l’inflation, animeront les débats. Le dossier a déjà quasiment été réglé par un accord entre la droite et le gouvernement pour augmenter toutes les retraites de la moitié de l’inflation au 1er janvier, avant un complément pour les plus petites pensions au 1er juillet.
Encore faut-il que le dispositif, censé rapporter environ 3,5 milliards d’euros, soit adopté en séance publique. Or, la gauche y voit une « arnaque » : « le compte n’y est pas », surtout pour les petites retraites, s’indigne la socialiste Annie Le Houérou. Les débats à la chambre haute remettront également sur la table la proposition décriée de créer une deuxième journée de solidarité au profit du grand âge – une mesure à laquelle Gérard Larcher a apporté son soutien –, et plus largement la question du temps de travail, un marqueur fort de la droite.
Prévention. Sur le volet de la prévention, la chambre haute devrait s’accorder sur la hausse de la fiscalité sur les boissons sucrées, le tabac ou les jeux d’argent. Et les échanges s’annoncent vifs sur les aides à l’apprentissage, le reste à charge pour les patients sur les consultations médicales ou encore les arrêts de travail.
En matière de santé, a par ailleurs indiqué dimanche Bercy à l’AFP, le gouvernement devrait déposer de nouveaux amendements, pour contrer un risque de dérapage sur les dépenses de médicaments en 2024, d’un montant de 1,2 milliard d’euros selon Les Echos. Le texte final restera-t-il compatible avec le projet gouvernemental ? Le vote solennel prévu le 26 novembre en dira en tout cas beaucoup sur l’unité du camp Barnier.
Antoine MAIGNAN
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