Histoire démographique des Amérindiens
'histoire démographique des Amérindiens est marquée profondément par les premiers contacts avec des explorateurs européens qui ont amené avec eux des maladies contagieuses de l'Ancien Monde (Europe, Asie et Afrique) contre lesquelles les indigènes n'étaient pas immunisés. Le déclin démographique très important dû à ce choc viral commence au début du xvie siècle : sans équivalent dans l'histoire du monde, il correspond parfois à la dévastation d'ethnies entières. Il est accentué par des guerres parfois criminelles et une oppression de la part des colons européens qui ignorent largement la tragédie biologique et culturelle qui se joue. Aujourd'hui, la plupart des Amérindiens peuvent mieux se protéger et se battent efficacement pour leurs droits dans les pays où ils sont minoritaires ;[réf. nécessaire] la population est à nouveau en augmentation même si sa part dans la population totale de l'Amérique reste très faible. La situation des Indiens nomades d'Amazonie reste toutefois très fragile sinon préoccupante, en raison de l'exploitation de leurs terres par des intérêts privés, malgré la médiatisation de quelques cas tels celui des Awá, du peuple Kayapos représenté par son chef Raoni, ou encore celui de la tribu des Guarani-Kaiowá.
Évaluer l'histoire de la démographie amérindienne met en jeu plusieurs difficultés : confiance à accorder aux chiffres anciennement avancés, choix de méthodologie de reconstitution des populations anciennes. Pour les données récentes, le principal écueil est celui de la définition de ce qu'est un amérindien.
Les données les plus anciennes, issues des colonisateurs, conquérants ou missionnaires, et revues par des démographes, étaient non seulement incomplètes, mais aussi manipulées dans un objectif idéologique, afin de défendre une version plus acceptable ou au contraire moins acceptable de la colonisation ; selon l'historienne Élise Marienstras, la « démographie a été utilisée, manipulée même, au service d'une certaine conception de la colonisation »1.
Le choc viral et bactérien
Sans pouvoir préciser avec certitude l'ampleur de l'impact des maladies infectieuses chez les Amérindiens, le taux de mortalité aurait atteint 90 pour cent pour certaines populations durement affectées. Les Amérindiens, qui n'étaient pas immunisés contre des virus et maladies comme la coqueluche, la rougeole ou la variole qui sévissaient depuis des millénaires dans l'Ancien Monde, auraient été foudroyés par des épidémies plusieurs décennies avant que des colons arrivent dans des territoires apparemment peu peuplés de l'intérieur. N'ayant aucune connaissance sur les virus à l'époque, les Européens n'ont donc aucunement profité en connaissance de cause des faiblesses immunitaires des populations autochtones. Le processus a commencé dès les années 1500 et a emporté des centaines de milliers de vies.
En 1520 et 1521, une épidémie de variole toucha les habitants de Tenochtitlan et fut l’un des principaux facteurs de la chute de la ville au moment du siège. En effet, on estime entre 10 à 50 % la part de la population de la cité qui serait morte à cause de cette maladie en deux semaines. Deux autres épidémies affectèrent la vallée de Mexico : la variole en 1545-1548 et le typhus en 1576-1581. Les Espagnols, pour compenser la diminution de la population, ont rassemblé les survivants des petites villes de la vallée de Mexico dans de plus grandes cités. Cette migration a brisé le pouvoir des classes supérieures, mais n’a pas dissous la cohésion de la société indigène dans un Mexique plus grand.
Les épidémies de variole, de typhus, de grippe, de diphtérie de rougeole, de peste auraient tué entre 50 et 66 % de la population indigène selon les régions de Amérique latine8.
En 1617-1619, une épidémie de peste bubonique ravage la Nouvelle-Angleterre. Le bilan de ces épidémies est difficile à donner avec exactitude. Les sources sont inexistantes et les historiens ne sont pas d'accord sur les estimations. Certains avancent 10 millions d'Amérindiens pour tout le continent ; d'autres[Qui ?] pensent plutôt à 90 millions, dont 10 pour l'Amérique du Nord. Le continent américain entier (de l'Alaska au Cap Horn) aurait abrité environ 50 millions d'habitants en 1492 ; pour comparaison, il y avait 20 millions de Français au xviie siècle. Les chiffres avancés pour le territoire des États-Unis d'aujourd'hui sont compris entre 7 et 12 millions d'habitants. Environ 500 000 Amérindiens peuplaient la côte Est de cet espace. Ils ne sont plus que 100 000 au début du xviiie siècle. Dans l'Empire espagnol, la mortalité des Amérindiens était telle qu'elle fut l'un des motifs de la traite des Noirs, permettant d'importer dans le « Nouveau Monde » de la main-d'œuvre pour les mines et les plantations.
Guerres, massacres, réduction en esclavage
Beaucoup d'Amérindiens ne vivaient pas de façon pacifique avant la colonisation européenne, et celle-ci ne se réduit pas à une série d'atrocités. Pourtant elle a parfois mené à des massacres en temps de conquête et de guerre, touchant davantage les autochtones que les colons, et à des formes plus ou moins sévères et mortifères d'oppression des indigènes en temps de cohabitation. La plupart des historiens considèrent que le phénomène meurtrier a contribué au désastre démographique : il ne peut pas expliquer le brusque déclin, qui doit d'abord être imputé aux épidémies, mais il est une cause évidente de la disparition des ethnies les plus touchées par le choc viral, ainsi que de leur culture.
Les Taïnos des grandes Antilles ont disparu à cause des effets conjoints des maladies, des guerres et des maltraitances. En Amériques Centrale et du Sud, beaucoup d'Indiens furent exploités dans des mines et des plantations, parfois réduits en esclavage quand ils voulaient résister à la déculturation et à l'ethnocide qui étaient des constantes coloniales. L'esclavage a sévi au xvie siècle au Mexique, pays très touché par les épidémies, bien que le pape Paul III ait condamné cette pratique dans la bulle Sublimis Deus.
De nombreuses tribus d'Amérique du Nord furent repoussées dans des conditions déplorables hors des terres colonisées, parfois vers des territoires ou des réserves peu propices à l'agriculture ou à l'extraction forestière et minière. Les nombreuses guerres indiennes réparties sur deux siècles ont accompagnées les déplacements de population. Quelques dirigeants, au Texas ou en Californie par exemple, insatisfaits par le nettoyage ethnique, engagèrent des guerres d'extermination durant lesquelles des actes génocidaires furent commis.