Concernant l’inéligibilité, question décisive pour la triple candidate à la présidentielle, le parquet réclame l’exécution provisoire. Ce qui signifie que, si le tribunal suit le parquet, cette interdiction serait applicable dès la condamnation, y compris en cas d’appel. Plus largement, le parquet réclame la condamnation de tous les prévenus, y compris du RN jugé comme personne morale, pour qui il demande 4,3 millions d’euros d’amende, dont 2 millions d’euros ferme.
En outre, le ministère public requiert notamment 18 mois de prison dont six mois ferme avec trois ans d’inéligibilité contre le N°2 du parti Louis Aliot; 10 mois avec sursis et un an d’inéligibilité contre le porte-parole du RN Julien Odoul; 18 mois avec sursis et deux ans d’inéligibilité pour la sœur de Marine Le Pen, Yann Le Pen. Avec à chaque fois, des amendes et l’exécution provisoire.
Vache à lait. En sortant de la salle d’audience, Marine Le Pen dénonce la « violence » et « l’outrance » des réquisitions. « Je pense que la volonté du parquet est de priver les Français de la capacité de voter pour ceux qu’ils souhaitent » et de « ruiner le parti », assène-t-elle.
Depuis 9 h 30, les deux procureurs détaillent l’architecture d’un « système » qui a selon eux été mis en place au Front national (devenu RN) entre 2004 et 2016, consistant à conclure des « contrats artificiels » d’assistants parlementaires européens qui travaillaient en réalité pour le parti. Pour le parquet, il faut sanctionner « un enrichissement partisan inédit », par sa « durée » (plus de 10 ans), son « ampleur » (4,5 millions d’euros) et son « caractère organisé, systématisé ».
Les prévenus « ont fait et entendaient continuer à faire du Parlement européen, pour le dire prosaïquement, leur vache à lait », insiste Louise Neyton. « On a vu une véritable machine de guerre pour détourner systématiquement le montant des enveloppes et ce jusqu'à la dernière miette. »
Contrats artificiels. Dans la salle d’audience pleine, Marine Le Pen, assise au premier rang au côté de Louis Aliot, secoue vigoureusement la tête. Et pendant l’après-midi, alors que l’on vient d’apprendre que son père Jean-Marie Le Pen, 96 ans, est hospitalisé - « comme c’est le cas de manière régulière », précisera-t-elle à la presse - elle quitte plusieurs fois la salle d’audience pour téléphoner... Et en profite pour commenter devant les journalistes les réquisitions en cours dans la salle d’audience.
« Leur seul objectif, c’est de m’empêcher d'être la candidate de mon camp à la présidentielle (de 2027). Il faut être sourd et aveugle pour ne pas le voir », assure-t-elle. Pour le parquet, ce « système organisé » visait à « faire économiser » de l’argent au Rassemblement national en utilisant les 21 000 euros d’enveloppe mensuelle des élus européens, au mépris des règles démocratiques.
À l'époque, « le parti est dans une situation financière particulièrement tendue. Tout ce qui peut contribuer à l’allègement des charges va être utilisé de manière systématique », que ce soit « légal ou pas », affirme la procureure Louise Neyton.
Fiction. Face à « la fiction alternative » proposée en défense, les procureurs décortiquent, prévenu par prévenu et contrat par contrat, « la nature du travail » effectué par les douze assistants parlementaires, le « lien de subordination » qu’ils entretiennent avec « leur député » européen - neuf dont Marine Le Pen sont jugés au total. Avec un constat général: en justificatif de travail, « il n’y a rien », sauf « la fameuse preuve standard: la revue de presse », affirment-ils. Les contrats de travail ? « Artificiels », sans « cohérence ». La défense doit plaider à partir de lundi et la fin du procès est prévue le 27 novembre. Le tribunal ne rendra pas sa décision avant plusieurs mois.
Marie DHUMIERES et Anne LEC’HVIEN
© Agence France-Presse