Politique à Bordeaux : quand le maire écologiste Pierre Hurmic fait évaluer son bilan par les anciens de l’ère Juppé
Le maire a voulu savoir ce que les anciens élus pensent de l’évolution de la ville. Ils le lui ont dit, certains sont mitigés, d’autres plus laudateurs. Mais ils ne voient pas vraiment la droite reprendre la Ville en 2026
Pierre Hurmic marche dans les pas de Jacques Chaban-Delmas. Pour garder sous la main les anciens de son camp écartés du pouvoir par les aléas de la vie politique, l’ex-maire de Bordeaux avait créé un « conseil des anciens élus ». Jugée inutile, l’instance avait été supprimée par Alain Juppé. Ce vendredi 25 octobre, elle était de retour. Le maire a réuni dans la salle du conseil municipal une quarantaine d’anciens élus, principalement ceux de la période Juppé (1995-2019). Et quasiment tous de droite.
L’initiative a fait grincer quelques dents du côté de l’actuelle opposition. Plusieurs ont refusé de venir, deux l’ont fait savoir vertement au maire. Lui se défend de toute récupération politique, à deux ans des municipales de 2026 : « Je ne cherche aucune validation de l’ancienne majorité. Les échanges ont parfois été musclés, je ne cherche la caution de personne, sauf celles des électeurs. On me dit que cette réunion arrive tard ou trop tôt… Pendant les deux ans qui restent, on dira de tout que ce n’est pas le bon moment. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment ces élus qui ont beaucoup servi la ville la voient évoluer, comment ils perçoivent les changements. »
Dans les salons du Palais Rohan, Pierre Hurmic en grande conversation avec Stéphan Delaux, qui fut l’un des plus fidèles adjoints d’Alain Juppé.
D. L.
« Le moins mauvais des maires »
En tout cas, les anciens élus avaient l’air ravis de l’invitation, à commencer par l’ancien maire Hugues Martin. « C’est une excellente initiative, on s’est retrouvés dans un cadre républicain avec beaucoup de plaisir. On a dit au maire ce qu’on pense de sa gestion, on a surtout parlé sécurité, logement, circulation. Les débats étaient très apaisés, mais ce n’est pas un blanc-seing pour Hurmic. Aux prochaines élections, j’espère qu’il y aura un bon leader pour la droite. Pour l’instant, elle ne l’a pas », explique-t-il. Quant à l’action du maire, il la juge sans sévérité : « Ça pourrait être pire, c’est le moins mauvais des maires écologistes. Il est surtout environnementaliste, il n’y a pas eu de ravages comme à Grenoble. »
« Si l’opposition est désunie, Pierre Hurmic a toutes les chances d’être réélu dès le premier tour »
Dans les salons d’honneur du Palais Rohan, les anciens retrouvent pour quelques heures la maison qu’ils ont fréquentée pendant des années. « C’est émouvant de revenir ici, on y a passé beaucoup de temps, des moments importants de nos vies », souffle Jean-Charles Palau, ex-adjoint de Juppé aux finances (1995-2014). Il estime qu’Hurmic est en train de « marquer l’aménagement du territoire avec sa stratégie de végétalisation », mais aimerait que le principe de sobriété s’applique aux finances. Palau a demandé au maire d’assouplir les procédures d’urbanisme : « Les promoteurs disent que c’est un casse-tête de construire à Bordeaux. »
Ex-députée UMP, Chantal Bourragué a passé trente-quatre ans de sa vie politique à la mairie de Bordeaux. Elle se dit inquiète sur les questions de sécurité, se demande « comment les gens d’un certain âge pourront se déplacer si on ne peut plus circuler en voiture ». Elle se dit « très mitigée » sur l’actuelle majorité, juge le coût de la végétalisation astronomique.
Emmanuelle Cuny, adjointe à l’éducation (1995-2014), a interpellé le maire sur la sécurité et l’armement de la police municipale. « Je n’ai pas eu de réponse. » Pas de réponse non plus sur les difficultés économiques du commerce de centre-ville ou le déplacement des paquebots de croisière. « La ville est en train de se replier sur elle-même, rien n’est fait pour attirer les familles », déplore-t-elle.
La meilleure solution : « garder Hurmic »
Mais c’est avec l’actuelle opposition que les ex sont les plus sévères, notamment pour ce qui est de rependre la mairie en 2026. « Si l’opposition est désunie, Pierre Hurmic a toutes les chances d’être réélu dès le premier tour, estime Jean-Charles Palau. Même unie, c’est pas gagné, car la sociologie de la ville a beaucoup changé. Maintenant, il y a des angles morts dans la politique d’Hurmic, sa vision de la politique n’est pas la mienne. L’entre-soi, c’est pas mon truc. Une ville doit s’ouvrir et se développer, donc l’opposition peut proposer un projet alternatif. »
Élu de 2008 à 2014, Jean-François Berthou pense que « Hurmic repassera. Il n’est pas clivant, pas détesté, et les challengers n’ont pas l’envergure. »Le centriste Alain Dupouy, ex-adjoint aux relations internationales (1995-2001 et 2008-2015), va plus loin : « Je ne pense pas que l’actuelle opposition peut reprendre la mairie car elle est divisée, il n’y a pas une personne qui se détache. Il faudrait qu’ils se mettent d’accord entre eux. Elle est un peu agressive, ce qui n’apporte rien. » De toute façon, Hurmic lui convient : « J’ai découvert son équipe aujourd’hui, des gens très compétents, une belle équipe. Sur les relations internationales, le service n’a peut-être jamais été aussi bien géré. Finalement, la meilleure solution ne serait-elle pas de garder Hurmic ? »