« À l’école le jour, à la rue la nuit » : face à une situation préoccupante, des parents d’élèves se mobilisent à Bordeaux
Alors qu’une jeune maman et ses deux enfants, dont l’un est scolarisé à l’école Barbey, sont depuis la rentrée sans domicile fixe, des parents d’élèves se mobilisent et dénoncent un manquement de l’État
« Une situation inextricable. » En laissant sa fille de 8 ans rentrer dans la cour lors du premier jour de classe, Hélène Abinal-Ulloa, représentante des parents à l’école élémentaire Barbey, à Bordeaux, ne s’attendait sûrement pas à loger chez elle trois personnes supplémentaires. Depuis quelques jours, elle accueille à son domicile Cristina (1), une jeune maman géorgienne en situation irrégulière, et ses deux enfants âgés de 4 et 9 ans, dont l’un est né en France et l’autre scolarisé dans l’établissement public situé dans le quartier Saint-Jean.
« Le lendemain de la rentrée du 2 septembre, la directrice de l’école nous a informés que Cristina se retrouvait depuis plusieurs jours à la rue. Nous ne pouvions pas rester là sans rien faire alors que ses enfants jouent avec les nôtres », explique-t-elle. Avec cinq à six familles volontaires, tous s’organisent alors pour lui trouver un toit d’urgence, de quelques jours ou de quelques semaines chez l’un ou chez l’autre. « Mais ça ne peut pas durer éternellement, c’est épuisant pour elle, ses enfants et nous. »
Pas un épiphénomène
D’autant plus que, de fil en aiguille, le petit collectif informel découvre que d’autres familles de l’école se retrouvent dans des situations similaires et complexes, avec des parents et enfants dormant dans une voiture, dans un squat ou dans un hébergement d’urgence quand ils le peuvent. « Avec notre volonté, pour une famille, on sait faire. Mais pour plusieurs, ce n’est pas possible. »
Plusieurs familles de l’école Barbey vivraient dans une précarité extrême.
A. B.
Cela ne serait pas qu’un épiphénomène. À l’école des Menuts, à quelques centaines de mètres de celle de Barbey, une vingtaine de familles vivraient également dans de mêmes conditions. Idem à l’école Nuyens, à Bordeaux Bastide.
« Malgré toutes nos démarches, on voit peu d’accompagnement », souligne Hélène Abinal-Ulloa. « Cristina appelle le 115 tous les jours, mais aucune place n’est disponible. De notre côté, nous avons alerté la préfecture et la mairie, mais il est très compliqué d’avoir quelqu’un. » Après un premier contact début septembre avec la mairie, « silence radio ».
« C’est assez compliqué à dénombrer, les familles ne veulent pas tout le temps le dire, mais il y a environ une centaine de gamins qui dorment dehors en ville. Une dizaine d’écoles de l’agglomération seraient touchées », déclare Gérard Clabé, du Réseau éducation sans frontières (RESF).
Compétence de l’État
À « Sud Ouest », la mairie assure « prendre la situation très au sérieux ». « Depuis septembre, on nous alerte sur une multiplication des cas », assure Harmonie Lecerf Meunier, adjointe au maire chargée de l’accès aux droits. « Nous hébergeons environ 150 personnes au sein du patrimoine municipal, il y a aussi des centres d’hébergement ouverts. Mais nous ne pouvons pas faire plus. Surtout que l’hébergement est une compétence de l’État. On répertorie et on l’interpelle. »
Même son de cloche du côté du Département qui, au titre du droit à l’enfance, a compétence d’héberger les mères solitaires avec leurs enfants de moins de 3 ans, mais qui pouvait, jusqu’à peu, aller au-delà. « Aujourd’hui, nous n’avons plus la capacité de financer des nuits d’hôtel en plus de ce qui est obligatoire », explique-t-on du côté de l’institution.
La préfecture, elle, assure qu’un « suivi au quotidien » est mené, et que les solutions sont trouvées au cas par cas. En Gironde, quelque 1 900 places d’hébergement (hôtels inclus) sont ouvertes, dont 60 % sont entièrement dédiées aux familles avec enfants.
(1) Le prénom a été modifié.