• Flying Whales en Gironde : pour l’Autorité environnementale, « une autre localisation » doit être trouvée pour l’usine de dirigeables

     

    Pour l’Autorité environnementale, qui reconnaît les efforts de Flying Whales dans le dossier, la dette écologique que générerait le projet est telle qu’elle ne peut être compensée. La société entend apporter des réponses

    Laruscade devra-t-elle renoncer à l’usine de fabrication de dirigeables Flying Whales ? La volonté de l’entreprise de voir le projet se concrétiser reste intacte. Tout comme celle des élus locaux, tant en Haute Gironde, commune et Communauté de communes Latitude Nord-Gironde, qu’au niveau régional, la Nouvelle-Aquitaine étant partenaire du dossier, actionnaire via la holding Flying Whales. L’Autorité environnementale, qui avait émis un avis négatif sur le projet en juillet 2023, vient cependant de rendre public un nouvel avis au vu du dossier amendé, déposé fin avril par l’entreprise. Il est tout aussi critique que le précédent. Tout en reconnaissant l’intérêt de la filière et « les avancées indéniables » sur plusieurs critères, elle estime la dette écologique générée trop importante. Et préconise la recherche « d’une autre localisation » pour le projet, lequel « ne saurait être autorisé en l’état ».

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    Douze ans après sa naissance, le projet de dirigeable de transport lourd Flying Whales n’échappe pas aux critiques et aux doutes. Son directeur général depuis quatre ans fait le point pour « Sud Ouest ». La région accueillera son usine pour la France, l’Europe et le marché africain

    La société Flying Whales, qui a eu connaissance du document, indique vouloir répondre « point par point à l’Autorité environnementale, comme elle en a l’habitude », quand bien même l’avis émis est consultatif. Elle dispose d’un délai légal de quarante-cinq jours pour le faire. « Bien que l’avis mette en avant le travail considérable réalisé par Flying Whales dans l’amélioration de ce projet, nous regrettons certaines incompréhensions qui nous paraissent très importantes puisque nous touchons à des sujets cruciaux pour l’environnement, indique l’entreprise. Nous ne manquerons pas de clarifier ces éléments dans le mémoire en réponse, en particulier concernant les nombreuses améliorations prises sur les mesures en faveur du vison d’Europe, mesures établies par des experts nationaux reconnus. »

    « Nous regrettons certaines incompréhensions qui nous paraissent très importantes »

    « Corridor écologique »

    Que reproche-t-on au projet ? Le lieu d’implantation retenu pour la création de l’usine est « un corridor écologique important » fort de nombreuses espèces rares et/ou menacées, écrit l’autorité. Il jouxte en outre « deux zones Natura 2000 » pour elle insuffisamment prises en compte. Les avancées de l’entreprise sur la gestion des eaux pluviales et de ruissellement, sur la recherche de sites de compensation ont été relevées. Mais l’importance des atteintes aux milieux naturels et aux espèces protégées reste sous estimée, selon l’organisme. L’Autorité environnementale estime, quand bien même le dossier prévoit un mécanisme porté par la Région Nouvelle-Aquitaine, qu’eu égard à la richesse particulière du milieu, ces compensations ne seront pas à la hauteur de la dette écologique. « Et ne paraissent pas atteignables. »

     

    Flying Whales, qui prépare une nouvelle levée de fonds en 2025, a déposé permis d‘aménager et permis de construire en juillet dernier, rappelait le directeur général de la société, Vincent Guibout, dans nos colonnes. L’entreprise espère que les premiers coups de pelleteuse seront donnés « en mars prochain », en vue de voir émerger le site industriel dix-huit mois plus tard, afin de lancer dans la foulée la production du premier exemplaire du dirigeable LCA60T, engin doté d’une grue capable de transporter jusqu’à 60 tonnes de charge utile dans des secteurs parfois très difficiles d’accès.

    Pas d’alternative

    Renoncer à Laruscade est problématique pour l’entreprise. « La Région avait, au départ, ciblé cinq ou six sites, mais en raison de contraintes d’espace aérien, il n’en est resté que deux et l’autre commune ne voulait pas de nous », rappelait l’an dernier Sébastien Bougon, président de l’entreprise. L’avis de l’Autorité environnementale rappelle de fait que la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), si elle avait clairement affirmé sa préférence pour le projet de Laruscade, avait étudié une alternative dans la commune de Saint-Magne. Cette dernière n’est plus d’actualité, réaffirme l’entreprise. « La collectivité, qui s’était initialement mise sur les rangs, s’est finalement retirée du projet. »

    Le projet continue

    Flying Whales veut voir les avancées dans le dossier. « L’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) reconnaît que Flying Whales développe un projet ‘‘intéressant dans le cadre de la transition énergétique’’, très créateur d’emplois directs et indirects et dont ‘‘la pertinence est bien démontrée’’. Par ailleurs, elle note que ‘‘le projet industriel s’est entouré de garanties techniques’’…» Le projet continue. « De nombreuses étapes sont encore devant nous. Le dossier est maintenant dans les mains du ministère de la Transition écologique. Nous attendons la saisine du commissaire enquêteur dans les prochaines semaines pour une ouverture de l’enquête publique début 2025. »

     

     
     
     
     

  • Salmonelles dans les œufs, mercure dans les boîtes de thon, larves dans le riz… Que se passe-t-il dans nos assiettes ?

    La salmonelle : risques et précautions | 60 Millions de Consommateurs

     


     
    Par Isabelle Castéra
    Publié le 30/10/2024 à 6h15.
    Mis à jour le 30/10/2024 à 9h24.

    Les alertes et rappels de produits alimentaires de base se succèdent, générant chez les consommateurs un vent de panique. Même les œufs, le thon en boîte, le riz, qui sont autant de produits de base, que l’on mange en général les yeux fermés. Que risque-t-on ? Et pourquoi cet emballement ?

    « Allo maman ? J’ai acheté une boîte de six œufs frais, tu crois que je peux les manger ? Euh, je ne connais pas la marque en fait, ils n’étaient pas chers. » Maman, en l’occurrence, vit à 700 kilomètres, et son fils étudiant a un budget limité pour faire ses courses de la semaine. Renseignement pris, il s’agit bien des œufs porteurs de salmonelle. L’étudiant hésite à tout jeter, mais sur les conseils avisés de sa mère, il fera tout bouillir pour les manger en œufs durs. Depuis le 25 octobre, 3 millions d’œufs font en effet, l’objet d’un rappel en raison d’un risque de contamination par la bactérie Salmonella Typhimurium, responsable de la salmonelle. En clair, si l’étudiant avait mangé son œuf frais à la coque, il aurait pu développer une salmonellose, genre sale gastro-entérite, avec vomissements, diarrhée et fièvre. Sans conséquence pour lui, mais beaucoup plus pour les personnes âgées, et les jeunes enfants.

     

     

    Les autorités sanitaires ont rappelé vendredi puis lundi plusieurs références d’œufs en raison d’une éventuelle contamination aux salmonelles.

    Ni frais, ni en mayo

    Ces œufs vendus entre le 12 septembre et le 24 octobre, ont été commercialisés dans diverses enseignes à travers toute la France : Lidl, Carrefour, Auchan, Intermarché, U, Leclerc et… Restos du cœur. À l’origine de ce retrait magistral, le signalement fait par la société Ovalis, gigantesque entreprise de production d’œufs, de la présence de la Salmonella, pouvant générer une toxi-infection alimentaire collective (Tiac). Cette bactérie se développe dans le système digestif des poules pondeuses, se transmet lors de souillure des œufs par des matières fécales contaminées. Selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), « on peut consommer ces œufs en les cuisant à + 65 °C ou en pâtisserie, ce qui va détruire ces bactéries. » Ceux qui sont déjà tombés malades en ont mangé préparés en mayonnaise, en crèmes, au plat ou à la coque.

    Thon en boîte, riz, pizzas…

    Autre coup de tonnerre, ce mardi matin dans nos garde-mangers : le thon en boîte, au piquet ! Incontournable thon en boîte, dont sont friands les enfants, les étudiants, les familles pressées. Pas cher et bon pour la santé. Un rapport des ONG BLOOM et Foodwatch met en lumière la teneur en mercure, ultra-concentrée, dans les boîtes de thon parmi les plus vendues au supermarché, notamment l’indétrônable Petit Navire. L’Anses, dans ses recommandations précise depuis longtemps déjà qu’il faut limiter la consommation de poissons : « À haute dose, le méthylmercure est toxique pour le système nerveux central de l’être humain, en particulier durant son développement in utero et au cours de la petite enfance. La consommation de poisson constitue la principale source d’exposition alimentaire au méthylmercure, donc, il ne faut pas manger du poisson plus de deux fois par semaine et choisir plutôt le saumon, sardine, maquereau, hareng, colin, merlu, cabillaud, sole. » Plusieurs marques de boîtes de thon sont pointées par BLOOM et Foodwatch, mais celle qui est particulièrement critique est donc Petit Navire, avec sa teneur en mercure explosant tous les compteurs : soit 3,9 mg/kg, 13 fois plus élevée que celle des autres espèces de poissons.

    Ces problèmes sanitaires sont le fruit d’un système agroalimentaire industrialisé. On a éloigné les aliments, des producteurs et donc des consommateurs, ceci pour fournir à défaut de la qualité, de la quantité

    En 2022, c’était le scandale des pizzas contaminées à la bactérie E. coli : deux enfants étaient décédés, et on comptait les malades par dizaines. Le plus inoffensif des aliments de base, le riz, a lui-même fait l’objet de rappels conso cette année, en raison de présence de pesticides et de larves d’insectes. La liste des produits alimentaires anxiogènes ne cesse de s’allonger.

    Industrialisation

    Face à cette série noire, Bernard Del’homme, agroéconomiste, maître de conférences en gestion à Bordeaux Sciences Agro, rattaché à l’unité de recherche Ettis (environnement, territoires en transition, infrastructures, sociétés) de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), renvoie les consommateurs à leur responsabilité. « Ces problèmes sanitaires ne sont pas nouveaux, tempère-t-il. Ils sont désormais mis en avant par l’importance des contrôles. Mais ils sont le fruit d’un système agroalimentaire industrialisé. On a éloigné les aliments des producteurs et donc des consommateurs, ceci pour fournir, à défaut de la qualité, de la quantité et donc, de la normalisation. »

    Ce système agroalimentaire de masse est en fin de parcours, il va falloir beaucoup de temps, beaucoup de pédagogie pour revenir à une alimentation de proximitéSelon lui, en éloignant les aliments bruts des consommateurs, en élargissant les élevages et les quantités de nourriture débitées, on a multiplié les risques sanitaires. « Les gens font confiance à la boîte, oublient de connaître la provenance, la façon dont le produit est travaillé, d’où il vient. Ce processus de déresponsabilisation des consommateurs, on le voit, est au bout de sa logique. Ce système agroalimentaire de masse est en fin de parcours, il va falloir beaucoup de temps, beaucoup de pédagogie pour revenir à une alimentation de proximité. C’est la base de nos travaux de recherche : faire le lien entre agriculture, alimentation et territoire. La proximité est la seule issue. »

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  • « On nous fait manger n’importe quoi » : à Bordeaux, les consommateurs inquiets de savoir le thon en boîte contaminé au mercure

    Thon en conserve, cette variété est pleine de mercure mais vous le ...
     
    Par Esther Suraud - gironde@sudouest.fr
    Publié le 29/10/2024 à 20h23.
    Mis à jour le 30/10/2024 à 9h02.

    « C’est celle-ci que j’achète à chaque fois », livre Andréa en désignant une conserve bleu claire, avec un bateau pour emblème. La marque Petit Navire serait particulièrement pointée du doigt en France, avec une teneur de 3,9 mg/kg par boîte de thon blanc au naturel. « C’est dingue, hier encore, j’ai préparé une salade pour mes enfants à base d’œufs, de pommes de terre et de thon… Il en reste encore dans le frigo, je prévoyais de la finir pour le dîner. Je vais évidemment m’en débarrasser à mon retour », se résout la consommatrice.

    « Limiter les risques »

    Sans plus attendre, les deux ONG demandent un renfort de la réglementation et un arrêt de la commercialisation. Pourtant, dans les enseignes de grande distribution, comme au Carrefour Market de la Bastide, les rayons sont pleins de conserves. Et face à eux, des clients aux abonnés absents.Les rappels consommateurs de produits alimentaires de base se succèdent ces dernières années, et le mercure dans les boîtes de thon ne semble pas étonner Nicolas, un Bordelais de 32 ans. « Franchement, on nous fait manger n’importe quoi, constamment. Ça ne s’arrête jamais. J’essaie d’être vigilant mais, ce n’est pas toujours facile », partage celui qui préfère s’orienter vers des produits non modifiés et frais pour « limiter les risques de contamination ». Pas si simple pour Richard, dans le rayon voisin, qui n’a pas la possibilité de changer ses habitudes alimentaires, par souci financiers : « Aller à la poissonnerie pour ne pas acheter du thon en conserve… J’aimerais bien mais, ce n’est pas donné à tout le monde. »


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  • Faire payer l’entrée dans les églises ? « Aberrant », « pas juste »… une idée impensable pour les Bordelais

     

    Faire payer l’entrée dans les églises ? « Aberrant », « pas juste »… une idée impensable pour les Bordelais

    La ministre de la Culture a récemment évoqué l’idée de faire payer l’entrée de Notre-Dame-de-Paris. Interrogés sur le sujet, les visiteurs de la cathédrale Saint-André de Bordeaux, eux, rejettent la proposition de faire payer les églises, où qu’elles soient

    Le parvis de la cathédrale Saint-André de Bordeaux voit défiler les visiteurs. Bordelais ou de passage, ils sont des dizaines de milliers à venir découvrir gratuitement ce monument classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais jusqu’à quand ? La proposition de la ministre de la Culture Rachida Dati, dans un entretien au « Figaro » le 23 octobre dernier, soulève des interrogations. Elle souhaite en effet rendre payante l’entrée de Notre-Dame de Paris. L’objectif : financer un « grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux » en France.

     

    Mais pour la majorité des visiteurs rencontrés sur la place Pey-Berland, pas question de payer pour rentrer dans une église. « Rendre une église payante, c’est aberrant », s’indigne Marie-Laure, ancienne Parisienne fraîchement installée à Pessac. Un avis partagé par Zoubida, qui habite Floirac. « Ce n’est pas juste. Les églises sont des lieux publics qui doivent le rester. » À cette question de principe, s’ajoute la peur de vider les églises de leurs visiteurs. « Si on demande aux gens de payer, il n’y aura vraiment plus personne dans les églises », s’inquiète Zoubida.

    « Monétisation de la religion »

    Dans l’idée, cette contribution du visiteur pour entrer dans « Notre-Dame de Paris sauverait toutes les églises de Paris et de France », a insisté la ministre de la Culture. Bénédictine, jeune Bordelaise, s’oppose à cette « monétisation de la religion ». « Le prétexte de la restauration n’est pas convaincant », complète son ami Vianney, originaire de Bretagne.

    « Ce n’est pas juste. Les églises sont des lieux publics qui doivent le rester »

    Comme toutes les cathédrales, celle de Saint-André est financée par l’État. « Je trouve l’idée de Rachida Dati pour renflouer les caisses de l’État cocasse », assène Baptiste Maurin, adjoint au maire chargé du patrimoine et du matrimoine de la Ville de Bordeaux. « Le gouvernement doit prendre ses responsabilités pour mieux doter le ministère de la Culture et les collectivités territoriales au lieu de faire payer doublement le citoyen. » La cathédrale fait d’ailleurs déjà payer 2 euros l’accès au trésor et 9 euros celui à la tour Pey-Berland. Un montant qui a déjà augmenté ces dernières années, puisqu’il ne fallait payer que 6 euros en 2022 pour accéder à la tour.

    Alors que penser de la proposition de Rachida Dati appliquée aux églises gérées par la municipalité ? « Cela n’a jamais été discuté à Bordeaux. C’est impensable » soutient Baptiste Maurin. « Si c’était payant, nous ne serions pas rentrés », expliquent Carol et Ronald, venus du Tennessee. « La cathédrale de Bordeaux n’est pas assez connue pour que nous sacrifiions de l’argent. »

    Des alternatives sont proposées par les touristes pour récolter de l’argent : visites guidées de l’église, dons gracieux. Pour Melvyn et Philippa, originaires de Devon en Angleterre, le risque serait néanmoins de récolter moins d’argent qu’une entrée symbolique à 1 ou 2 euros. Mais Baptiste Maurin est catégorique : la ville de Bordeaux a assez de moyens pour se passer des contributions des visiteurs.

    Dans le Top 20 des sites les plus visités en Gironde

    Et pourtant, cela pourrait rapporter gros. Difficile de compter le nombre de visiteurs qui découvrent la cathédrale Saint-André chaque année, mais on sait que sa voisine, la Tour Pey Berland – classée au titre des Monuments nationaux (quatre en Gironde, avec le château de Cadillac, l’abbaye de La Sauve-Majeur et la Grotte de Pair-Non Pair) – attire chaque année plus de 50 300 visiteurs, selon les chiffres de Gironde tourisme (2022). Ce qui place le monument à la vingtième position des sites et événements les plus fréquentés en Gironde, après notamment la dune du Pilat (plus d’un million de visiteurs), les Bassins de lumières (670 000), le musée des Beaux-Arts (152 300), le musée d’Aquitaine (110 000), le CAPC (100 000) ou le bar à vins du CIVB (près de 85 000 personnes).

  • Extrême droite

    Le Rassemblement national et les riches, un rempart complexé

    Après des années à critiquer la politique fiscale de Macron, le parti lepéniste accumule les votes de mesures libérales dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Une volte-face attendue pour la formation favorable aux riches héritiers.
    publié aujourd'hui à 11h05
     
     

    Jean-Philippe Tanguy a l’air embêté. L’examen du projet de loi de finances pour 2025 (PLF) bat son plein, ce vendredi matin, dans l’hémicycle, et la gauche a déposé une série d’amendements visant à rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en lieu et place de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) instauré par Emmanuel Macron en 2018 pour favoriser les détenteurs de capital. Le numéro 2 du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée se sait en fâcheuse posture. Marine Le Pen a longtemps critiqué la suppression de l’ISF, qui aurait «engendré les gilets jaunes, une crise sociale majeure liée au sentiment d’injustice des Français», s’insurgeait-elle encore en juillet 2022. Il serait incompréhensible que le parti d’extrême droite fasse barrage à une mesure de justice fiscale, fut-elle portée par la gauche. En même temps, depuis le début de l’examen du budget, quatre jours plus tôt, l’absentéisme croissant des députés du «socle commun» (députés Renaissance, Modem, Horizons et Les Républicains) a permis aux troupes du Nouveau Front populaire (NFP) d’engranger plusieurs victoires en rehaussant les impôts des plus riches. Bien plus que ne l’aurait souhaité le RN.

    Des «taxes zinzin», fustige Tanguy, pris en étau : épargner les plus fortunés en bloquant l’ISF de la gauche ? Ou être amalgamé à cette dernière par la droite et le centre qui dénoncent la «folie fiscale» des «deux extrêmes» ? Le «ni droite ni gauche» du parti lepéniste touche à ses limites. Il faut sortir du bois. Sur l’ISF, donc, le frontiste propose une interruption de séance afin de négocier un compromis. Le RN votera le nouvel impôt si la résidence principale n’entre pas dans son calcul. Inacceptable pour la gauche, qui refuse par principe tout deal avec l’extrême droite et n’imagine pas accorder ce cadeau aux plus fortunés – la résidence fiscale bénéficie déjà d’un abattement de 30 %, ce qui implique que seuls les biens supérieurs à 2,6 millions d’euros soient affectés par la contribution. Autant dire une infime minorité de privilégiés. La négociation est vite vue. Personne ne prend la peine de répondre à Tanguy, qui fait voter ses troupes contre le rétablissement de l’ISF. La mesure est retoquée. La gauche a beau jeu de souligner que c’est le RN qui a sauvé la mise aux macronistes… Une nouvelle fois.

    «Dernier rempart d’un bloc bourgeois»

    Deux jours plus tôt, les troupes lepénistes avaient déjà sauvé la peau du prélèvement forfaitaire unique (PFU), une autre mesure emblématique du président de la République mise en place dès 2018 dans la même philosophie que l’IFI. Aussi appelée «flat tax», elle avait pour objectif de moins prélever les revenus du capital (en les plafonnant à 30 %) que ceux du travail, pour «favoriser l’investissement». Marine Le Pen l’avait fortement critiquée lors de sa mise en place, dénonçant «des cadeaux aux plus aisés», et proposait depuis de la limiter drastiquement en réservant aux foyers fiscaux gagnant moins de 60 000 euros par an. Mais mercredi soir, volte-face : ses troupes s’opposent à tous les amendements de la gauche et du Modem visant à augmenter le niveau du PFU de 30 % à 33 %, mis en échec par l’addition des rares macronistes présents et des lepénistes mobilisés.

    «Le RN soutient littéralement le gouvernement à bout de bras pour pallier un bloc central en totale désintégration, dénonce vendredi, le président insoumis de la commission des Finances, Eric Coquerel. Pour le coup, c’est vraiment eux, dernier rempart d’un bloc bourgeois en déroute, ou nous.» Le parti d’extrême droite, lui… assume. Vendredi, ses députés ajoutent une nouvelle fois leurs voix à celles des libéraux pour rejeter la «taxe Zucman», du nom de l’économiste qui l’a conçue comme un impôt mondial sur les milliardaires (2 % sur le patrimoine des milliardaires résidant fiscalement en France ou y détenant du patrimoine pour un rendement de 13 milliards d’euros). Manque de chance, cette fois, les rangs frontistes se sont dégarnis et la mesure passe. Le député RN de la Somme Matthias Renault en fait le reproche à ses nouveaux alliés de circonstance. «Oui, la gauche vient de faire passer un impôt sur les grandes fortunes. Je m’adresse au bloc central, à vos électeurs qui vous ont confié un mandat. On est payés 7 000 euros par mois pour siéger à l’Assemblée, donc expliquez-vous à vos électeurs», tempête-t-il. Son intervention se retrouve vite sur les réseaux sociaux insoumis, comme une nouvelle démonstration de la collusion entre les deux blocs.

    Changements de ton avec Bardella

    Quelque chose s’est joué, lors de cette première semaine de débats. «La ligne la plus libérale de l’extrême droite a repris le pas», croit deviner Coquerel, qui rappelle que le RN avait permis, par son abstention en commission, le relèvement de trois points de la flat tax… avant de virer sa cuti, une semaine plus tard en séance. La conséquence d’arbitrages perdus par le numéro 2 de Le Pen à l’Assemblée. «Tanguy a mangé son chapeau sur la flat tax et il lui reste encore un bout à avaler je pense», estime un proche de la direction. L’ancien numéro 2 de Nicolas Dupont-Aignan est bien seul dans le mouvement à défendre un souverainisme sourcilleux, prêt à taxer les grandes entreprises et les grandes fortunes. Pendant sa campagne européenne, Jordan Bardella a singulièrement modifié le ton du parti à l’égard des plus riches. Le plafonnement de la flat tax avait ainsi disparu, et la réforme des retraites voulue par le RN s’était vue conditionnée à un audit des finances publiques… Certes, l’abrogation de la loi de 2023 reste à l’ordre du jour de la niche parlementaire lepéniste, mais en l’absence de relai au Sénat, elle n’a aucune chance d’aboutir. Le parti ne l’ignore pas et se sert surtout de sa proposition de loi pour embarrasser la gauche, qui hésite à la voter – avec un certain succès –, et masquer par un écran de fumée social des votes en faveur des plus hauts revenus.

    Comme son abstention, mardi 22 octobre, lors du vote d’amendements de la gauche visant à rendre pérenne la contribution des plus hauts revenus. La mesure, limitée à trois ans dans le texte gouvernemental, visait à assurer une imposition maximale pour les contribuables bénéficiant d’un revenu supérieur à 250 000 euros, pour les personnes seules, et à 500 000 euros pour les couples. «Le gouvernement voulait que ce soit deux ans [en réalité, trois ans, ndlr] et la gauche voulait que ce soit tout le temps, avec le Modem. Nous, on a proposé un compromis à savoir que ce soit jusqu’à la présidentielle, pour qu’on puisse en débattre devant tous les Français», s’est justifié Jean-Philippe Tanguy, noyant ainsi le poisson. Car son parti ne propose pas d’attendre 2027 pour offrir des cadeaux aux plus riches. Jeudi, le RN et l’Union des droites pour la République (UDR), la petite formation d’Eric Ciotti, ont uni leurs voix pour faire adopter un amendement visant à autoriser le don de 120 000 euros par enfant, contre 100 000 euros actuellement. Et ce alors que 87 % des héritages sont inférieurs à 100 000 euros, notait l’Observatoire des inégalités en 2022. Fidèles à leur ligne ultralibérale, les alliés de Marine Le Pen ont aussi déposé un amendement pour faire de passer de 31 865 à 200 000 euros l’abattement appliqué pour une donation des grands-parents à leurs petits-enfants.

    «Le NFP veut vous faire les poches»

    Rien de nouveau sous le soleil frontiste, qui a toujours été favorable aux riches héritiers. En 2022, la candidate proposait de sortir de sortir de l’assiette imposable les biens immobiliers à hauteur de 300 000 euros, et de permettre les dons défiscalisés de 100 000 euros tous les dix ans, contre tous les quinze ans actuellement. En séance, les députés RN ont naturellement voté contre toute restriction du pacte Dutreil, une mesure datant de 2023 qui porte à 75 % l’abattement sur la transmission des entreprises familiales. Pire : dans son contre-budget, le parti d’extrême droite ambitionnait d’en «élargir les conditions», et de dépenser pour cela la bagatelle de 1 demi-milliard d’euros.

    Si la gauche crie à l’imposture sociale, le RN tente de justifier sa philosophie, qui consiste à favoriser «l’enracinement», à «défendre les entrepreneurs» tout en luttant «contre les rentes et la spéculation». Entre deux arbitrages perdus, Jean-Philippe Tanguy rappelle qu’il souhaite multiplier la taxe sur les rachats d’action en la portant à 33 %, dans le but d’éteindre une pratique qu’il juge «immorale». L’addition coûterait un peu moins de 9 milliards d’euros aux actionnaires. Selon les propres calculs du RN, l’impôt sur la fortune financière voulu par Marine Le Pen rapporterait également 3 milliards de plus que l’actuel IFI. Tanguy rappelle également que ses ouailles ont voté la restauration de l’«exit tax», qui pénalise les chefs d’entreprise désireux de transférer leur domiciliation fiscale à l’étranger pour y réaliser une plus-value. Comme le diable se cache dans les détails, l’extrême droite s’est opposée violemment à un amendement du groupe socialiste visant à lutter contre les «culbutes spéculatives» qui consistent à acheter et revendre dans un temps court un bien immobilier en le déclarant comme résidence principale et échapper ainsi aux taxes sur les plus-values. «Le NFP veut vous faire les poches», a dénoncé le député RN de l’Aude Frédéric Falcon, référent du parti sur les questions immobilières, et fer de lance de la défense des propriétaires contre les normes qui empêchent par exemple de louer une passoire thermique. Falcon a aussi partagé un visuel représentant la figure du député PS auteur de l’amendement. Les vieilles méthodes de l’extrême droite en soutien aux spéculateurs.


  • L'ancien président des États-Unis est toujours persuadé que sa réélection lui a été volée en 2020.

    L'ancien président des États-Unis est toujours persuadé que sa réélection lui a été volée en 2020.
    AFP or licensors

    Bulletins Trump détruits : un réseau russe identifié derrière une "fake news" vidéo virale

    À deux semaines de l'élection présidentielle américaine, une vidéo censée montrer la destruction des votes par correspondance pour Donald Trump en Pennsylvanie a été visionnée plusieurs millions de fois sur les réseaux sociaux. Les autorités de cet État clé dans l'affrontement entre Trump et Harris ont identifié la patte d'un groupe russe bien connu…

     

    Il n’en fallait pas plus aux supporters de Trump pour confirmer, croient-ils, leurs suppositions sur la grande triche du camp démocrate. Dans la lignée des déclarations du candidat républicain, qui craint de se faire « voler » l’élection, une vidéo devenue censée prouver la grande manipulation est devenue virale sur les réseaux sociaux : on y voit un homme en train de trier des bulletins de vite par correspondance, en déchirant systématiquement les voix en faveur de Donald Trump, dans l’État clé de Pennsylvanie.

    « Un effort plus vaste de Moscou »

    À deux semaines de l’élection présidentielle du 5 novembre, le Bureau du directeur du renseignement national (ODNI), le FBI et l'Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures ont déclaré, vendredi 25 octobre, que cette fausse vidéo serait le fruit d’une manipulation d’agents russes, dans un contexte d’alerte accrue concernant les opérations d’influence étrangères aux États-Unis.

    À LIRE AUSSI : Trump vs. Harris : le candidat avec le plus gros budget ne gagne pas toujours le gros lot

    « Des agents russes ont fabriqué et amplifié une vidéo récente montrant faussement un individu déchirant des bulletins de vote en Pennsylvanie », ont-ils souligné. « Cette activité russe s'inscrit dans un effort plus vaste de Moscou visant à soulever des questions infondées sur la validité des élections américaines et à attiser les divisions entre Américains », ont-ils ajouté, estimant que la Russie pourrait créer et diffuser davantage de contenus de ce type.

    Le groupe Storm-156

    Jeudi 24 octobre déjà, le conseil électoral du comté de Bucks a déclaré que cette vidéo était fausse, affirmant que l'enveloppe et les autres documents représentés dans les images n'étaient « clairement pas des documents authentiques ». La vidéo a été vue plusieurs millions de fois, alors que l’affrontement électoral entre Donald Trump et Kamala Harris semble extrêmement incertain.